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Douze Libanais en colère

Publié le 15 février 2009 par Gonzo

Au nord-est de Beyrouth, la localité de Roumieh est surtout connue localement pour sa prison, la plus grande du pays, avec ses mille détenus (pour 400 places prévues). Depuis le début du mois de février, on en parle également à la rubrique « culture » de nombre de journaux.

En effet, grâce à un financement de l’Union européenne et au soutien du Département libanais de la réforme administrative (OMSAR) et de l’Association pour la défense des droits et des libertés (‘adal, justice, en arabe), une petite cinquantaine de détenus, purgeant leur peine pour meurtre, viol, trafic de drogue…, ont répété, six mois durant, Douze Libanais en colère.

Le tire fait référence à la pièce de Reginald Rose rendue célèbre par le film qu’en a tiré Sydney Lumet. Les douze jurés, qui finissent par être convaincus de l’innocence d’un accusé que tout semble désigner au départ, sont interprétés à tour de rôle par une vingtaine de prisonniers. Ces derniers interviennent également entre les différentes scènes à travers une série de monologues directement inspirés de leur expérience. Ils ont aussi participé à la scénographie et composé les chansons qui scandent la représentation.

Le principal compositeur a voulu rester anonyme et on ne le connaît que par son surnom, al-muhâgir, « l’émigré » (une partie des « comédiens » sont étrangers ; ils viennent de Syrie, d’Irak, d’Egypte, et même du Bengladesh pour l’un d’entre eux qui reprend, dans la pièce adaptée à la situation libanaise, le rôle du juré mal accepté par une partie des autres membres du jury en raison de ses origines juives).

A partir de février, huit représentations seront données, à l’intérieur des bâtiments où les condamnés purgent leur peine. Le public, qui doit s’inscrire deux semaines à l’avance pour des raisons évidentes de sécurité, est rapidement mis dans l’ambiance en franchissant les lourdes portes de la prison pour s’installer près des acteurs, eux-mêmes assis autour d’une longue table dressée à l’intérieur d’une des cours de la prison.

A l’origine de ce projet, Zeina Daccache (زينة دكاش), un visage connu des téléspectateurs libanais et arabes pour ses apparitions dans des spots publicitaires et une série comique sur la chaîne LBC (on la voit sur la photo qui ouvre ce billet, pendant une répétition). Formée en Europe, l’actrice avait déjà animé des ateliers de dramatherapie pour aider des drogués à surmonter leur dépendance. Dans ce cas comme pour les Douze Libanais en colère, l’expérience théâtrale avait pour but de jouer un rôle purificateur, cette fameuse catharsis que mentionne Platon et que Zeina Daccache a choisi comme nom pour la compagnie qu’elle a formée.

L’expérience est une première au Moyen-Orient, mais pas tout à fait dans le monde arabe. Comme l’indique l’article de Pierre Abi Saab dans Al-Akhbar, le pénitencier d’Oukacha à Casablanca a vu se dérouler une expérience du même type en 2006, grâce à un de ses détenus, Abdelmajid Bensouda, qui y anime une troupe associant des détenus hommes et femmes (article en français).

Ci-dessous, un extrait du journal de la LBC qui présente quelques extraits de Douze Libanais en colère. On y voit également les officiels, responsables olitiques et administratifs, venus assister à la première de la pièce.


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