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Contes de l'ordi sacré : Marsupilania la Vaillante 6

Publié le 17 février 2009 par Porky

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EPISODE 6 : Piège pour Cendrillon (1)

Gudule l’Infâme n’avait pas eu besoin de contempler sa boule de cristal pour comprendre ce qui était arrivé au portable du Servile Séide, vu qu’elle avait reçu en pleine figure une giclée d’eau enchantée qui avait dissous sous mascara et fait disparaître sa teinture. De sorte que les couettes autrefois noires étaient désormais d’un abominable blanc tirant sur le jaune décoloré. Elle éclata en imprécations et couvrit son Servile Séide d’injures. Puis, ayant réparé à la va comme je te pousse les dégâts (de toutes façons, rien ne pouvait dissimuler son âge avancé), elle essuya la boule avec un mouchoir taché de gras et pencha son horrible face vers ce miroir au fond duquel se tapissait l’avenir sombre, mais vraiment très sombre, de nos héroïnes. « Il est quand même arrivé à dresser son piège, cet abruti ! Enfin son piège ! Ah ! Je ris ! » Et elle mit sa menace à exécution.

Les cornues du laboratoire maudit se fissurèrent d’horreur. Le carrelage se fendit en mille morceaux et Gudule, prise d’une véritable crise de délire, se mit à se trémousser comme une houri défoncée et prise d’une démangeaison subite sous la plante des pieds. Revenue à la raison, elle essaya de s’arrêter mais en vain. « Que m’arrive-t-il, tout à coup ? songea-t-elle, incapable de retrouver la maîtrise de ses gestes. Je me sens possédée par une force intérieure qui m’oblige à me trémousser sur ce carrelage délité. Par mes couettes, le pouvoir des M se manifesterait-il déjà ? » Et malgré ses efforts, elle dansait, dansait, se contorsionnant dans tous les sens.

Tandis qu’elle virevoltait, couettes à l’horizontal et maquillage à nouveau dégoulinant à cause de la sueur, le Servile Séide, inconscient du drame qui venait de frapper sa bien-aimée, attendait, dissimulé derrière son taillis. Uno avait stoppé sa course dans la prairie qui bordait la rivière. Nos héroïnes, avant de descendre de leur monture, hurlèrent en cœur La Carmagnole, histoire de prouver à l’Horrible Sorcière qu’elles n’avaient pas peur d’elle. Le Servile Séide retint à grand-peine un gémissement de souffrance. « Misère, ce qu’elles peuvent chanter faux ! Pourquoi ma bien-aimée veut-elle les kidnapper ? Il faudrait les abattre sans sommation ! »

« Nous voici arrivées ! » s’exclama Marsupilania la Vaillante et d’un coup de jarret vigoureux, elle sauta sur le sol et s’y aplatit de tout son long. Multimédia la rejoignit immédiatement. « T’es-tu fait mal, ô Vaillante ? » demanda-t-elle tandis que notre héroïne se faisait la réflexion que sa souplesse d’antan l’avait définitivement quittée. « Non, dit-elle en se relevant péniblement. Ca ira. » « Quelqu’un peut-il m’aider à descendre ? » minauda la Belle Monogramme. Ses compagnes la regardèrent avec des sentiments mitigés. « N’exagère pas, fausse Princesse, dit Marsupilania. Saute, comme tout le monde ! » « C’est moi qui dois délivrer Logarithme, répliqua Monogramme qui, entre temps, avait eu quelques révélations quant à son destin. Je suis l’héroïne du conte suivant. Alors à ce titre, j’ai droit à des égards. » « C’est ça, fit Marsupilania en entraînant Multimédia vers les buissons. Quand tu auras fini ta crise de mégalo, tu viendras nous rejoindre. » « Mais elles vont me laisser toute seule, ces deux pommes ! dit Monogramme, outrée. Enfin, voyons, c’était pour rire ! » Et elle sauta à terre si gracieusement que Marsupilania en grogna de dépit. « Que crois-tu qu’il y a derrière ces buissons, ô Vaillante Marsupilania ? » s’enquit Multimédia en posant son écran d’ordinateur à terre parce qu’il commençait à peser vraiment lourd entre ses faibles petites mains. « Il n’y a rien », assura Monogramme. « Oh que si ! » dit Marsupilania. Elle fronça le nez. « Je sens quelque chose… On dirait l’odeur d’un ordi sacré… Allons voir. » « Prenons garde, avertit Monogramme. C’est peut-être un piège. »

Marsupilania la Vaillante était une pure héroïne sans peur et sans reproche mais elle avait quand même quelques petits défauts dont le plus flagrant était de ne pas écouter les avertissements qui lui étaient envoyés par quelque canal que ce fût. Aussi négligea-t-elle l’intuition de la Belle Monogramme et entraîna-t-elle ses compagnes derrière le taillis d’où s’échappait une odeur bien connue. Et que découvrirent nos héroïnes…

Un ordinateur, un nouvel ordi tout neuf, rutilant, scintillant, luisant de mille feux ! Sur l’écran s’étalaient tous les programmes et Marsupilania ne put retenir un gémissement de convoitise lorsqu’elle vit que le nouvel ordi contenait tous les jeux vidéos, les logiciels photos et cinématographiques dont elle rêvait depuis des éternités. On lui avait même gentiment ouvert un blog sur lequel elle pouvait écrire toutes les insanités qui lui passaient par la tête. « Regardez ! s’écria-t-elle, émerveillée. Le Ciel m’a récompensée de mes efforts. J’ai un nouvel ordi sacré et lui au moins, il ne rame pas ! » Multimédia tomba à genoux et joignit les mains. « Rendons grâce », dit-elle. Mais la Belle Monogramme ne cessait de se tourner dans tous les sens. « C’est bizarre, cet ordi en plein milieu d’une prairie, murmura-t-elle. Et d’abord, où est-il branché ? » « Qu’importe ! gémit Marsupilania, hypnotisée. Tous ces jeux vidéo, toutes ces photos ! Il y a même celle du CDC ! Bon, ce n’est pas la meilleure, soit dit entre nous. Mais tant pis. Alléluia ! « Ca va mal finir, grommela Monogramme en se plantant devant l’ordi. Ca sent le coup fourré à plein nez. Réveillez-vous, les deux extasiées ! » Elle fit lentement le tour de la table sur laquelle était posé l’ordi magique. Aucune prise, pas de fil, rien. « C’est un piège de la sorcière ! cria-t-elle tout à coup. Filons, les filles, vite ! » Mais l’avertissement venait trop tard. Avec un hennissement de joie, le Servile Séide surgit de derrière son buisson, un aérosol à la main. Nos trois héroïnes n’eurent pas le temps de réagir, elles reçurent au visage un jet de gaz soporifique. Marsupilania s’effondra dans l’herbe, les bras en croix ; Multimédia se recroquevilla sur le sol en un tas plus ou moins esthétique et la Belle Monogramme chut élégamment dans un bouquet d’orties. « Ah ! jubila le Servile Séide, je les ai eues, les trois M ! Finalement, elles étaient moins redoutables que prévu. Et en tous cas, elles ne valent pas les sœurs Halliwell ! » Il se tourna vers le piège qui continuait à scintiller dans une lumière dorée. « Va ! Regagne le château d’Onyx Noir et dis à ma bien-aimée que le piège a fonctionné ! » Aussitôt, le faux ordi reprit sa forme originelle, à savoir celle du corbeau empaillé qui veillait sur les cornues de la sorcière maléfique. Il agita ses ailes de paille et s’envola avec la grâce d’un presse-papier en bronze. Le Servile Séide examina le corps de ses trois victimes puis, crachant dans ses mains, il empoigna Multimédia et la tira vers sa Monture Crevassée, dissimulée derrière un bosquet. Il fit de même avec Marsupilania et avant de refermer les portières, s’assura qu’elles étaient bien évanouies et ficelées à l’instar d’une rosette. Il revint vers la Belle Monogramme, toujours résidente du pays des rêves. « Ma Gudule adorée m’a dit de la laisser là, murmura-t-il. Je veux bien, mais je me demande si c’est très prudent. Enfin, tant pis ! Je vais lui envoyer encore une dose de l’aérosol, pour être bien sûr qu’elle ne viendra pas jouer les trouble-fête. » Puis il regagna sa Monture Crevassée et lui ordonna de regagner le château d’Onyx Noir.

(Ici, le lecteur sera peut-être désolé d’apprendre que le conteur va abandonner la Belle Monogramme pour mettre ses pas dans ceux de Marsupilania et de Multimédia. Mais que l’on ne désespère pas : nous retrouverons la Princesse de Conte de fée plus tard, et nous connaîtrons l’intégralité de son destin dans le conte suivant, Logarithme et Monogramme. Adonc : que vont devenir nos pures héroïnes ? Le château d’Onyx Noir leur réserve-t-il d’abominables surprises ? Quels supplices raffinés l’Odieuse Gudule a-t-elle inventés dans son esprit tordu ? Parviendront-elles à rejoindre leur malheureuse compagne, couchée dans son bouquet d’orties ? Tant de questions auxquelles il va falloir répondre dans le prochain épisode…)

(1) - Merci Sébastien Japrisot pour cet emprunt.  


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