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Yukio Mishima : Dojoji et autres nouvelles

Publié le 29 janvier 2009 par Gangoueus @lareus

Décidemment, tout laisse penser sur ce blog que je suis accro à l’auteur nippon Yukio Mishima. La régularité des commentaires sur ses ouvrages, l’enthousiasme de mes critiques. Il faut dire que chaque fois que j’ouvre un texte de cet auteur, j’ai à la fois le sentiment que je vais découvrir une nouvelle facette de l’âme humaine et que je vais être surpris par le traitement du sujet par Mishima.
Ici, le lecteur a droit à quatre nouvelles. Chacune abordant un thème particulier sans lien apparent avec les autres, mettant en scène les chemins sinueux de l’âme humaine. Un jeu qui, avec cet auteur, se révèle fascinant et parfois troublant.
Dojoji, la première nouvelle, est retranscrit comme une pièce de théâtre. Il y aborde un de ses thèmes récurrents : la beauté. Il est passionnant de voir combien certains auteurs sont obsédés par certaines problématiques. Les jeux de l’esprit et de l’imagination les amènent à produire plusieurs cas de figures détonants. Ici, une belle femme délaissée par son amant pour une autre femme plus âgée, souhaite se vitrioler pour rétablir une communion avec son défunt amoureux. Seulement, la mise en scène de cette nouvelle est tout simplement ubuesque. Je n’en dirai pas plus.
Les sept ponts reconstitue une sorte de procession qu’entreprennent une nuit, trois geishas et une servante. La démarche semble simple : dans le cadre d’un parcours ritualisé, ces trois jeunes femmes doivent atteindre un temple après avoir traversé sept ponts d’une grande ville japonaise sans avoir ouverts la bouche durant le cheminement et en ayant respecté les différentes rites et évité les différentes rixes. Tout cela pour porter une prière intime. Seulement le chemin va s’avérer extrêmement périlleux. Ici, Mishima permet au lecteur de toucher à la condition des geishas, leur vie communautaire, leurs aspirations secrètes et une forme de spiritualité japonaise. La narration révèle une nouvelle fois, les petites contradictions de l’âme humaine enfermée dans un égoïsme et un égocentrisme et une aspiration au bonheur légitime.
Le texte le plus troublant reste cependant Patriotisme. Il faut que je précise une chose. Ces nouvelles sont extraites de l’ouvrage Mort en été publié en 1966. Soit 4 ans avant le spectaculaire suicide de Yukio Mishima. Ce texte met en scène le suicide d’un officier de l’armée impériale suite à une insurrection en 1936 entre éléments d’un même corps de cette armée japonaise. Se sentant en porte-à-faux avec la tâche de réprimer les actions de certains de ses amis officiers devenus rebelles, le lieutenant Shinji Takeyama préfère se faire seppuku… avec son épouse. L’essentiel de la nouvelle est une description froide, clinique, précise de ce rituel s’inscrivant dans l’héritage des samouraïs. Mishima ne laisse aucune place au hasard. La fascination, la dévotion de l’épouse pour son bien-aimé prend une dimension quasi-mystique. Une approche qu’un africain ou qu’un occidental aurait du mal à concevoir. Le plus troublant dans le fait d’être un lecteur à postériori du suicide de Mishima, qui semble être mis en scène ici, on a du mal à comprendre. J’ai dû mal à comprendre. D’ailleurs, sommes nous obligé de comprendre ? Il y a un autre aspect qui me laisse perplexe. La nouvelle est dénommée Patriotisme. Pourtant les motivations de l’acte de ce lieutenant ne sont pas d’ordre patriotique mais le désir refréné de ne pas être un exécuteur de la répression à l’endroit de ses promotionnaires. Il y a donc là, une contradiction importante où on se demande si ce n’est pas la question de l’esthétique de cet homme, de son couple, la communion dans cet acte qui est le véritable enjeu de ce suicide…
La dernière nouvelle intitulée La perle est un imbroglio entre quatre femmes quadragénaires autour d’une perle. S’appuyant sur des petites questions d’honneur et les frustrations existant entre ces dames, Yukio Mishima s’amuse à conduire ce quiproquo avec un talent certain.
Bonne lecture,
Yukio Mishima, Dojoji et autres nouvelles
Edition Gallimard, Collection Folio
Traduit de l’anglais par Dominique Aury, 1ère parution 1966 – 127 pages

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