Résoudre cette énigme, une fois pour toutes.
Savoir pourquoi, depuis toi, il nous faut sans cesse revenir dans ce lieu, nous, tes parents. Ton père, tout d’abord, touché aux poumons, en miroir de ton souffle impossible, et moi, à présent, ici.
Revoir ce hall, cette cafétéria ou je me posais en silence, avant de te rejoindre là-haut, au huitième étage.
Etre de nouveau dans ce grand lit blanc, allongée, la tête sur l’oreiller et les cheveux en bataille. Tandis que l’on me déplace, suivre des yeux ces néons en enfilade, et songer à la douleur de mes seins alors, gonflés de culpabilité.
Avoir peur.
Revoir en pensée ta chambre, dans notre appartement, préparée, vide de toi, et tes petits vêtements pliés, inutiles.
Se souvenir de ces larmes qui gênaient tant les autres et qui ne coulaient pas. Sentir avec violence que c’est à ce moment précis que s’est formé ce caillot importun que l’on m’enlèvera tout à l’heure, coincé dans mes chagrins.
Voir ces têtes, au dessus de moi, penchées, bienveillantes, semblables aux visages que tu devinais, blouses blanches et calottes bleutées. Ma main gauche, pressée, piquée, pour une perfusion à venir, et tes petits poings minuscules que l’on tordaient pour une goutte de sang, cette mèche enfoncée dans mon nez et ce tuyau, coincé par un sparadrap, sous tes narines.
Comme toi. Comme toi.
…le rythme de mon cœur sur l’écran accroché, et cette musique, rythmée, que je connais si bien, qui résonne encore dans ma tête…
Puis, plonger dans le néant, pour se réveiller enfin, plus tard, épargnée de douleur, comme par miracle.
Se rappeler que tu vas bien.
Sourire lorsque l’on me demande d’où provient cette fiche anesthésique, datant de 2005, glissée dans mon dossier. Expliquer le rendez-vous manqué, ta naissance précoce, espérer avoir finalement bouclé la boucle, résolu une partie du mystère, cette fois-ci, et puis…en douter.