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Sarkozy : "Les gens se révolteront, et ils auront raison"

Publié le 18 février 2009 par Juan
Sarkozy
Ainsi s'exprimait Nicolas Sarkozy, jeudi 5 février. Le président français voulait exprimer sa compassion face aux difficultés et aux "inquiétudes" des Français. Les motifs de révolte sont nombreux. Au-delà des grèves (après celle du 29 janvier) et manifestations, les symptômes de rébellion ou de fronde contre l'exécutif se multiplient.
Quel secteur échappe à la contestation ?
Valérie Pécresse bute sur la résistance des enseignants-chercheurs, rejoints par les étudiants. Yves Jego ne sait comment sortir la Guadeloupe de 3 semaines de grève, avant que celle-ce ne s'étende à la Martinique. Xavier Darcos semblait fatigué et en retrait lors de ses voeux de janvier. Rachida Dati est carbonisée depuis longtemps. Après la grève nationale du 29 janvier dernier, un nouvel appel a été lancé pour le 19 mars prochain. Six journaux ont signé un appel "contre la regression démocratique et l'indépendance des médias". Des protestataires manifestent régulièrement sur le chantier de l'EPR, alors que la construction d'un second a été annoncée par Sarkozy début février. Les actions de RESF ne faiblit pas contre les expulsions de sans-papiers.
Education, santé, transports, justice, secteur privé ou public, médias, environnement, immigration, chaque semaine voit un secteur s'ajouter, à la liste des frondes contre les "réformes" du gouvernement Sarkozy. Le 22 décembre dernier, "l'appel des appels" débutait ainsi: "Nous, professionnels du soin, du travail social, de l’éducation, de la justice, de l’information et de la culture, attirons l’attention des Pouvoirs Publics et de l’opinion sur les conséquences sociales désastreuses des Réformes hâtivement mises en place ces derniers temps."
Les désobéissants
En janvier dernier, 154 enseignants ont écrit à Xavier Darcos. Ils se surnomment les "désobéisseurs pédagogiques." Ils exposent leurs motifs sur un blog collectif, "résistance pédagogique". Alain Refalo, insitituteur de 45 ans, a été l'un des premiers à s'opposer ainsi aux réformes Darcos. Dans son école Jules-Ferry de Colomiers (Haute-Garonne), il a remplacé les deux heures hebdomadaires de soutien individuel voulues par le ministre par des activités théâtrales : « C’est le prix à payer pour ma désobéissance. Je l’assume, et je réaffirme avec d’autres enseignants que nous allons continuer à désobéir malgré les sanctions ». Ces enseignants contestent l'inadaptation des horaires et la réduction des durées d'enseignement habillées sous forme de soutien. L'opposition à la réforme de la classe de seconde, reportée d'un an en décembre dernier, procède des mêmes raisons. Xavier Darcos entendait réduire le volume horaire actuel du tronc commun obligatoire à 21 heures à la rentrée prochaine, contre 25 heures aujourd'hui. Et le mouvement semble faire tâche d'huile, même si le nombre de participants restent difficiles à évaluer. Des psychiatres se sont ainsi retrouvés le 7 février dernier pour la "nuit sécuritaire", une protestation contre les plans de "sécurisation" des hôpitaux psychiatriques annoncés par Nicolas Sarkozy en décembre dernier. Le 10 février, 122 membres de l'Institut Universitaire de France ont publiquement exprimé leur désapprobation contre le discours critique de Sarkozy contre la recherche le 22 janvier dernier. Une pétition pour réclamer des excuses publiques circule.
Force est de constater que ces mouvements, associés aux manifestations et grèves de ces derniers mois, semblent avoir eu raison de l'arrogance du ministre.
L'inquiétude à droite
Elle se fait sentir. Nicolas Sarkozy a repris en main l'appareil UMP, notamment pour contenir l'encombrant Jean-François Copé. Mais la crise aidant, certains élus UMP craignent que la présidence médiatiquement omni-présente n'aggrège contre elle toutes les protestations du pays. Ainsi, le député-maire Claude Goasguen (UMP) s'inquiète-t-il d'un amalgame entre la réforme du statut des enseignants-chercheurs, actuellement fortement contestée, et l'autonomie de l'université. Effectivement, les protestations s'amalgament, au sens propre du terme : les sujets s'aggrègent. le très conservateur patron du Point, Claude Imbert commente : "Agitateur éclectique, profus et optimiste de la Réforme, son personnage paraît moins bien taillé pour le rôle de commandeur des tempêtes, de Père de la patrie chargé de l'affliction nationale."
La popularité du président retrouve ses niveaux les plus bas. Et les sondages montrent que la baisse est sévère tant parmi les sympathisants de droite que dans les couches populaires. En 2007, les médias avaient assez rapidement raillé la présidence "Bling Bling" incarnée par son chef, et son icône Rachida Dati. En 2008, les "petits arrangements" de l'encombrant Bernard Laporte ont fait tâche. Voici l'affaire Kouchner qui prend le relais. La défense est maladroite. Sarkozy au pouvoir a perdu la bataille éthique en moins de deux ans.
Et le comportement même du chef de l'Etat en agace plus d'un. Alain Juppé sur son blog n'a pu s'empêcher de tancer Sarkozy le 9 janvier dernier. '“Omniprésident ou roi fainéant”… Quel que soit le niveau de responsabilité, on ne peut donc résister à la tentation d’un bon mot, même quand il est injuste, inélégant, et surtout inutile.'
Les manifestations
L'épisode des voeux "décentralisés" à Saint-Lô est révélateur de la tension grandissante qui entoure chaque déplacement présidentiel. A Saint-Lô, l'UMP avait dépêché 2 cars de militants pour accueillir Nicolas Sarkozy. Mais les protestataires étaient plus nombreux. Le président ayant décidé de visiter deux lieux, la sécurisation fut plus délicate. Pour son intervention télévisée, dans une école, les volets de l'école ont dû être fermés à cause des sifflets des manifestants. Le 5 mars prochain, les syndicats de personnel hospitalier appellent à la grève. Le 19 mars, c'est une nouvelle journée d'action générale qui se prépare. En Guadeloupe, la grève générale depuis un mois a dégénéré, ici ou là, en violences.
Overdose médiatique
Le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel devrait tenir à jour un décompte des interventions présidentielles. Libération soulignait récemment que Nicolas Sarkozy a occupé 23% du temps de parole politique dans les journaux télévisées de TF1, France2, France3 et M6 entre janvier et septembre 2008. Sur ses 15 premiers mois de présidence, Nicolas Sarkozy est intervenu 218 heures à la télévision (sur 8 chaînes), soit davantage que Chirac (128 heures en 10 ans) ou Mitterrand (102 heures de 1989 à 2005) pendant leur mandat ! Selon Marianne (du 7 février), le mois de juin 2008 a frolé un record : ce mois-ci, Sarkozy est intervenu pendant 19 heures et 8 minutes, contre 19h et 23 minutes pour Jacques Chirac sur la totalité de l'année 1996.
Les journalistes qui ont interviewés le président de la République le 5 février dernier ont été critiqués par leurs pairs sitôt l'émission terminée pour leur absence de punch. Les filmages à répétition d'un Monarque en costume sombre derrière son pupitre, chaque jour de l'année, font sourire. "Trop de Sarko finirait par nuire à Sarko" note le journaliste Jean-François Aquilli, sur son blog. Et voici qu'il veut à nouveau intervenir à la télévision, le 18 février en soirée.
Nicolas Sarkozy semble coincé dans le rôle qu'il s'est construit : être partout, sans fusible ni réponse. Son pouvoir n'est pas évidemment pas menacé.
Pour l'instant.
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