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Il est noir. Elle est blanche.
Ils composent en live la partition de leurs frêles existences qu'ils ont double accrochées. Faut dire qu'ils s'aiment comme s'ils ne devaient plus jamais se revoir. Le temps a été blackboulé de leur tango. Plus assez de place. Il n'y a plus que lui et elle. Le monde n'est qu'un décor.
D'ailleurs, les autres sont déjà loin. Ils crocodilisent des larmes baignées dans l'acide de leur marigot de haines. Je vois la noirceur et la petitesse de leurs regards cerclés d'oeillères. Cet amour, ils le vomissent. Tour à tour, ils n'ont de cesse de me reprocher de continuer à fréquenter ces pestiférés de la morale. "C'est pour ton bien !" geignent-ils, la bouche en coeur de pierre.
Je me rappelle l'espoir de mes deux amis lors de l'élection du premier président américain métis. Fils d'une blanche et d'un noir. Le blues n'a pourtant pas tardé à rappliquer. C'est que pour les bien-pensants, l'amour ne peut posséder qu'une seule couleur. La leur, forcément.
Du coup, ils sont partis. Sans regrets mais bardés d'un courage que leur entourage n'a pas eu. Je ne sais pas où le sentier de leur amour les conduira. Ils ont promis de m'écrire. On a pleuré lorsqu'on s'est séparés.
Et je reste là, pensive. Je me rappelle les fleurs du jardin de mes parents. Des dizaines de couleurs joliment mêlées. Je me rappelle que l'eau est la même pour tous.
La différence fera la différence. L'amour fera la différence. Ils me l'ont dit avec leurs yeux. Et je les crois, ma foi... ma douce foi...