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Le Parti socialiste, parti de proximité sans idées

Publié le 23 février 2009 par Pierre

vote-parti-socialisteOn déplore régulièrement les incessantes querelles internes du PS, son absence de projet, son manque de répondant face à Sarkozy. Et pourtant, le PS a triomphé aux régionales, et est devenu majoritaire aux municipales et aux cantonales. Faiblesse au plan national, force au plan local : comment expliquer ce paradoxe ?

Il semble intéressant de rapprocher cette situation du flou idéologique qui caractérise le PS depuis le virage de la rigueur de 1983.

Deux réflexions illustrent les conséquences de ce virage.

Jean-Pierre Le Goff, sociologue et philosophe, décrit dans son livre « La barbarie douce » le mouvement de modernisme qui a envahi les entreprises et l’école depuis quelques décennies. Le discours dominant est devenu celui de la nécessaire adaptation à un monde en mouvement, avec les notions d’autonomie du salarié et de l’élève, de transparence, de motivation, de responsabilisation, de droit à la réussite, etc.

Selon Le Goff, ce discours ne fait que masquer

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le virage néolibéral de la société, qui a développé tout un ensemble de concepts et de discours pour faire accepter au salarié et au citoyen les conséquences de ce virage. La sécurité du travail n’existe plus ? C’est au salarié d’être plus flexible, dynamique, proactif, de se former tout au long de sa vie, etc.

Le Goff montre comment ce discours a été adopté par le PS depuis le milieu des années 1980, avec une gauche qui met en avant des valeurs (égalité des chances, solidarité, respect des différences, respect de l’individu, créativité de chacun…) à défaut de s’intéresser vraiment à la question de la répartition des richesses (à la base du socialisme, tout de même). De Fabius au programme présidentiel du PS en 2007, le discours n’a guère évolué.

Autre éclairage, assez convergent : l’Américain Walter Benn Michaels, professeur de littérature, expose dans Le Monde Diplomatique sa perception de l’évolution de la gauche française. Il se dit frappé par son appropriation, depuis les années 1980, de l’engagement pour la diversité, engagement notamment symbolisé par SOS Racisme. Il souligne que cet engagement, assez consensuel, permet de « désamorcer la question sociale en la reformulant en problème d’identité culturelle ». Il souligne à ce titre la forte proximité idéologique entre cette gauche (symbolisée selon lui par Laurent Joffrin), qu’il juge néolibérale, et la droite néolibérale (laquelle, avec Sarkozy, s’est d’ailleurs rapidement emparée du thème de la diversité en politique). Selon lui, la gauche française a donc glissé de la défense de l’égalité à celle de la diversité. Autre manière d’accepter les inégalités économiques générées par le libéralisme.

Au niveau local, il n’existe pour ainsi dire pas d’affrontement idéologique. Il est en effet frappant de constater la très forte convergence des discours politiques des régions, des départements et des intercommunalités, quelle que soit leur appartenance politique : partout, on célèbre la nécessité de la compétitivité associée à l’exigence de solidarité, l’objectif de développement des territoires tout en préservant leurs équilibres. Partout, dans n’importe quel projet local, on dit finalement plus ou moins la même chose.

Pourquoi cette quasi-absence de débat sur le fond ?

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D’une part, beaucoup de compétences des Conseil régionaux, des Conseils généraux et des communes se rapportent à des sujets relativement consensuels : urbanisme et aménagement local, développement culturel et sportif, environnement. Sujets sur lesquels il est facile de mettre en avant les réalisations effectuées, et de vanter la compétence, la proximité et l’écoute de l’élu local.

Pour les compétences à plus fort contenu idéologique (aide à l’emploi, transport collectif, aide sociale), l’action des collectivités locales se définit souvent comme protectrice face à un environnement hostile (la mondialisation, la crise financière), ou en réaction face à un Etat qui déstructure les territoires (fermeture des services publics) ou n’honore pas ses engagements (retards de paiements dans le cadre des contrats Etat-Région, ou insuffisantes compensations financières des compétences décentralisées).

Au niveau local, on répond aux attentes de la population, on gère au quotidien, on réagit face à l’extérieur, mais on ne propose aucune vision globale, aucun projet de société. En temps de crise, cette posture est évidemment payante électoralement pour un parti d’opposition.

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Il semble bien que ce partage des rôles (UMP au niveau national, PS au niveau local) arrange tout le monde pour le moment. Parce que, finalement, reste-t-il au PS pour se démarquer de la droite ? Ségolène Royal, face à Nicolas Sarkozy, avait surtout défendu des valeurs, à défaut de proposer un projet de société fondamentalement différent.
Alors, le PS ne serait-il finalement devenu que l’antenne locale de l’UMP ? Les deux faces d’un même pouvoir qui accepte le modèle dominant du néolibéralisme. Mais attention, il ne faut pas le répéter, ça ferait le jeu des extrêmes.


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