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On pourrait…

Par Frédéric Romano
- Moi : Dis Maman, tu sais tout à l’heure je…
- Mon Père : Chuuuuut !
- Moi : Ho mais quoi ? On peut plus rien dire ici ?!
- Mon Père : Non tais-toi, la télé parle !

On pourrait allumer la télévision. On pourrait se mettre à l’aise, dans un divan, la fenêtre ouverte, un soir d’été. On pourrait grignoter pendant la météo ou pendant le tirage du Lotto. On pourrait ensuite zapper d’un doigt tout gras. On pourrait virer la chemise parce qu’il fait chaud, se gratter les burnes parce que c’est bon ou faire claquer l’élastique du slip parce que c’est fun. On pourrait regarder le film en prime time et on pourrait même somnoler devant. On pourrait regarder les résultats du foot même si c’est pas intéressant. On pourrait s’étonner au dernier flash info de la nouvelle coiffure de la présentatrice, la trouver jolie, grossie ou mal maquillée. On pourrait rire grassement d’un lapsus ou rouspéter bruyamment à propos des dernières frasques politiques. On pourrait fermer les yeux et se réveiller trois heures plus tard devant une rediffusion, la même qu’hier et qu’avant hier.

On pourrait allumer la télévision et s’installer très sérieusement dans un canapé, les jambes croisées. On pourrait se servir un verre de lait et grignoter quelques biscuits en attendant la soirée Thema sur Arte. On pourrait mettre des lunettes pour mieux lire les sous-titres et saisir avec précision le sens du discours de ce Danois qui nous parle du théâtre et de la danse contemporaine. On pourrait aussi se passer ce concerto enregistré trois jours plus tôt et lire Les Gommes de Alain Robbe-Grillet en se félicitant de nos goûts littéraires et de notre sensibilité pour ce qu’on appelle le “nouveau roman”. On pourrait ensuite se laver soigneusement, enfiler un peignoir bordeau et des pantoufles en cuir. On pourrait enfin passer un pijama bleu rayé, se caler dans un lit sous trois couches de couvertures, regarder le plafond et s’endormir.

Il faudrait choisir une vie parmi les modèles qu’on nous propose. Il faudrait peser le pour ou le contre, choisir une chaîne, choisir un monde. Souvent, on a l’impression de ne pas avoir les moyens de faire ce choix, aspiré et entraîné par une histoire qu’on doit parfois subir. Un jour, on prends une télécommande et on décide entre Jean-Marie Bigard ou Bernard Pivot, le slip ou le peignoir, le stoemp ou le homard.

Mais on pourrait tout aussi bien éteindre la télévision…


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