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Augustine Prozac

Par Frédéric Romano
Moi : J’ai mal à la tête…
Ma Mère : Ho arrête hein, ça va pas recommencer !
Moi : Allez, où sont les perdolans ?
Ma Mère : Mais enfin, si tu continues tu vas te bousiller l’estomac !

Augustine est toujours malade, par complaisance ou par détressse. Depuis toujours, elle est un peu accro à son pharmacien. Augustine a commencé jeune, par des aspirines junior. Un jour, lors d’une poussée de fièvre, sa mère lui fit goûter ce petit cachet citroné et elle y pris goût. Depuis c’est un peu devenu compulsif. Pour la moindre douleur, un petit bobo ou un refroidissement, Augustine veut tout voir, tout acheter et tout tester.

Depuis quelques années, elle ne se sépare plus de son sac à main, un simple sac pourtant, mais un sac qui rendrait envieux un toxico. Sa philosophie est simple, à chaque mal son remède et pour chaque remède une pilule. Elle en a de toutes les formes et de toutes les couleurs, des grandes, des petites, des allongées, des blanches, des rouges et des pigmentées bleues. Pour chacune d’entre elles, elle en connait les teneurs, les effets et les contre effets. Cobaye pour elle-même, elle en évalue la qualité et l’éfficacité. C’est que le bien être est une affaire sérieuse et son bonheur passe par ces boîtes aux noms imprononçables et par des tonnes de pilules plâtrées.

Un matin de juillet, Augustine s’est pourtant retrouvée bien dépourvue. Elle savait qu’une hypoglycémie nécessitait d’ingurgiter un aliment sucré. Elle savait qu’un mal de tête se soignait grâce à une aspirine ou à un paracétamole. Les aigreurs d’estomac, les jambes lourdes et les insomnies, elle savait comment les combattre mais rien ne la préparait réellement à ce qui allait lui arriver. Comme chaque matin, à huit heure trente précise, elle allait prendre son service derrière le comptoir d’accueil de la Société Anomyme pour la distribution de l’électricité. Elle s’installait soigneusement sur sa chaise qu’elle réhaussait d’un coussin qui lui soutenait le bas du dos et protégeait ses fragiles lombaires. Elle plaçait son casque micro qu’elle avait obtenu après de longue négociations et discussions sur l’inconfort des combinés classiques et les problèmes de santé qu’ils engendraient. Ce matin là, la première personne qui franchit le tourniquet n’était pas un énième client en colère, c’était un jeune homme, propre sur lui et souriant. Il lui demanda l’étage et le numéro du bureau du chef du service “réclamations”, elle lui répondit d’un air un peu incertain, en souriant du mieux qu’elle pouvait. La maladie la gagnait déjà. Elle sentait des palpitations, des sueurs et des noeuds d’estomac qui s’annonçaient. Elle prit ce qu’il fallait pour combattre tout ça, un cocktail de pilules blanches, beiges et bleues, mais rien n’y fit. Les symptômes de s’estompaient pas et d’autres apparaissaient. Cette nuit là et toutes les suivantes, Augustine ne dormit pas. Elle mutiplia les doses de vitamines et testa les tisanes pharmaceutiques. Elle changea ses oreillers et son matelas et doubla ses rideaux. Augustine se sentait sombrer, atteinte par un mal dont elle ignorait les causes et contre lequel elle ne pouvait rien faire.

Elle trouva enfin la solution quinze jours plus tard. Alors qu’elle somnolait devant ses écrans et ses agendas, elle fut réveillée par une voix qu’elle reconnu directement. “Bonjour Madame, j’ai rendez-vous avec le chef du service réclamations, je suis Monsieur Dubier. J’ai passé une entrevue il y a quinze jours, vous m’aviez indiqué son bureau. Je commence à travailler aujourd’hui dans son service“. Le visage d’Augustine s’éclaircit et elle lui sourit. “Bienvenu dans notre société Monsieur Dublier, je vous annonce de suite“. Le diagnostique tomba comme un couperet. Il s’appellait Samuel, il avait vingt-huit ans et Augustine était amoureuse.


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