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Romain qui pleure, Romain qui rit

Par Frédéric Romano
Moi : On va quand même pas se presser, dit le citron…
Lui : … pas de quartier !!! Dit la pomme…
Moi : … tout ça me pèle, dit la banane…
Lui : Ha ha ha ! Il faudrait qu’on écrive tout ça.

Un jour on voit une photo et on imagine. Qui est la personne sur le cliché ? Comment parle-t-elle ? Que dit-elle ? Que fait-elle ? Pour nous aider, l’image est accompagnée de quelques mots et de quelques éléments descriptifs. Par curiosité ou par désespoir, on décide de tenter sa chance, on envoie un message et on attend. On ne sait pas trop ce qu’on attend, une réponse au moins, un foutage de gueule au pire, et au mieux, un “bonjour” en retour.

Ainsi va la vie des “nouveaux” romantiques et des doux rêveurs numériques. Il y en a des choses sur la toile, le meilleur comme le pire. Il est évident que cette méthode est la moins “naturelle” de toutes mais il faut reconnaître qu’elle n’en est finalement qu’une parmis d’autre, ni mieux, ni plus mauvaise, et qu’elle peut aussi fonctionner.

Si les trains avaient roulés le lundi seize avril, Romain ne lui aurait peut-être jamais envoyé de message. Il était assez déprimé ce jour là, fatigué d’avoir été à la gare pour rien, énervé d’avoir du prendre un congé forcé, troublé d’avoir accepté, pour se changer les idées, d’aller boire un verre avec un garçon, tout ce qu’il y a de plus détraqué et de plus malsain. Ce jour là, Romain avait rencontré la folie en personne. Ce jour là était l’un de ceux où, les yeux perdus dans son reflet, il aurait voulu disparaître, pour ne plus être vu, pour ne plus être entendu. Accablé par une chaleur pour le moins exceptionnelle à cette époque de l’année, il s’était consolé en flânant en ville, au pied de l’hôtel de ville et ailleurs.

“Bonjour, moi c’est Romain, enchanté. Ton profil est sympa, ça te dit de faire connaissance ?“, un message envoyé à dix-sept heures quinze, sans grands espoirs mais avec beaucoup d’honnêteté. Réponse reçue le lendemain matin, pleine d’enthousiasme et remplie de la même honnêteté. Premiers échanges de paroles et, très vite, première rencontre. Romain assure puis Romain flanche. Il n’empêche, il passe l’un des plus beaux week-end de sa vie, persuadé qu’il y a matière à vivre quelque chose d’assez sensationnel. Romain a des ailes dans le dos, des ailes qui le poussent à révéler le grand secret à sa famille. “Papa, Maman, j’aime les garçons !“. Romain vit, Romain est heureux parce que libéré.

Mais l’émotion et l’inconscience passée, il revient sur terre pour une nouvelle exploration intérieure. Romain se décrit, il se dévoile et volontairement s’enlaidit. Il aurait tout fait pour vivre les choses sereinement mais il ne veut donner aucune illusion et impose sa propre vision de lui-même, celle qu’il faudra selon lui accepter, cette vision faussée, qui n’existe que dans ses cauchemars les plus insupportables. Il y a de quoi prendre peur et c’est ce qui se produisit. “Ècoute Romain, il y a quelque chose qui ne colle pas, restons amis“. Romain accepta.

Rien ne fut aussi dur, rien ne fut aussi difficilement supportable mais il y arriva. De l’extérieur les choses devaient paraître étranges. Ces deux là passaient tout leur temps ensemble, sans pour autant se poser des questions. Il y avait quelque chose de très innocent et de profondément sincère dans cette amitié naissante, quelque chose qui donnait à Romain l’occasion de se révéler. Marcher dans la rue mais ne plus marcher seul, c’est déjà bien plus plaisant. Parler et construire, échanger et partager, il y avait tout ce qu’on peut attendre d’une belle amitié et bien plus encore.

L’histoire aurait pu s’arrêter là mais elle a continué. Successivement, il y eu les moments de déprime de l’un et les moments difficiles de l’autre. Il y eu des épaules dérobées et des instants où l’on ne sait pas quoi dire mais, malgré tout, encore beaucoup de bonheur et d’amitié. Il y eu des verres pris sur des terrasses, quelques restos mal digérés, un café un samedi après-midi, une réaction étonnante et incompréhensible, un appartement et une pendaison de crémaillière, du monde qui danse et qui boit, lui qui entre et qui s’enferme dans une chambre, des larmes et des paroles plus dures… un tourbillon d’émotions, un boucan d’enfer, des questions, des réponses et enfin, les yeux qui se ferment…

Sans cette grève de train le lundi seize avril, cette histoire n’aurait pu être racontée. Il n’y aurait eu ni messages, ni verres, ni alcools, ni restaurants. Il n’y aurait pas eu les idées, l’amitié, les partages, les rencontres, les amis et les amis des amis. Il n’y aurait pas eu les terrasses, An Pierlé au Mont des Arts, la piscine, les messages un peu débiles, Gustave et Lucien. Enfin il n’y aurait pas les sourires, les jours, les nuits courtes et les baisers.


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