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Le changement, un chemin semé d’embûches…

Publié le 23 février 2009 par Infoguerre

Arrivé depuis peu à la Maison Blanche, Barack Obama se trouve déjà confronté à la difficulté d’amener le changement promis. Le message véhiculé pendant toute la campagne annonçait une rupture nette avec les pratiques de ses prédécesseurs. Au-delà de la volonté, le président se trouve confronté à une réalité parfois encombrante qui entrave la révolution voulue.

Le premier faux pas a été retentissant et c’est dans des termes crus- « I screwed up » [1]- que le président a dû présenter un mea culpa qui sonnait comme un aveu d’échec. En effet, deux nouveaux membres de son administration ont décliné l’offre présidentielle car ils avaient des démêlés avec l’administration fiscale : Tom Daschle, pressenti pour être le secrétaire d’Etat à la Santé, et Nancy Killefer qui était pourtant la figure du changement puisqu’elle devait occuper le nouveau poste de Performance officer- un membre de l’administration chargé de veiller au bon fonctionnement des programmes fédéraux et de traquer les dépenses superflues de l’Etat.

Un nouveau personnel politique ?

Entamer une nouvelle ère demande un nouveau personnel politique. Cependant, faire table rase du passé veut aussi dire faire table rase de l’expérience, et un jeune président ne peut se permettre ce genre de luxe. C’est ainsi que dans son administration, on retrouve de nombreux visages connus ; des visages qui ont attendu deux mandats républicains pour réapparaître. Ce constat est particulièrement frappant au Pentagone et aux Affaires étrangères. Quatre anciens de l’administration Clinton occupent les postes stratégiques de la Défense américaine : William Lynn, secrétaire à la Défense adjoint, soit le numéro 2 du Pentagone, Michele Flournoy, sous-secrétaire à la Défense, Robert Hale contrôleur des comptes du Pentagone et Charles Johnson, conseiller général ; sans citer Robert Gates, qui reste le numéro 1 du Pentagone et incarne la continuité avec… G. W. Bush. Il en va de même aux Affaires étrangères où la femme de Bill Clinton, Richard Holbrook et Susan Rice reprennent le travail sous une administration démocrate, à des hauts postes- ils ont respectivement Secrétaire d’Etat, envoyé spécial pour l’Afghanistan et le Pakistan et ambassadeur auprès des Nations Unies.

Dans le reste de l’administration on peut citer Peter R. Orszag qui a conseillé Bill Clinton sur la politique économique, Eric Holder, proche de Clinton qui l’avait nommé Procureur général du district de Columbia, Janet Napolitano, ou encore Rahm Emmanuel qui a été conseiller politique à la Maison Blanche de 1993 à 1998. Aujourd’hui, ce démocrate, qui a voté en faveur de la guerre en Irak, occupe l’important poste de Directeur de Cabinet. C’est un personnage controversé en raison de ses prises de positions plutôt républicaines et de ses liens avec la finance : jusque là il était directeur de la banque Dresdner et membre du conseil d’administration de l’organisme de prêts Freddie Mac. Il en va de même pour Tom Daschle qui était président du comité de conseil d’un fonds d’investissement, associé dans un cabinet d’avocats et surtout consultant pour des entreprises dans le domaine de la santé… Les émoluments perçus pour ces services étaient évidemment loin des 500 000 dollars préconisés par le Président.

Ces nominations ont permis aux Américains de réaliser, avec inquiétude, combien politique et monde des affaires étaient liés. Ce genre de personnage est l’illustration des « portes tournantes » entre la finance et la politique que Barack Obama avait tant décriées. Et pourtant, même avec la meilleure volonté, il semble difficile de se passer d’eux. Cette première démonstration sur la scène intérieure est un jeu périlleux.

La profession honnie hors de la Maison blanche ?

En promettant qu’il n’y aurait pas de lobbyistes dans « sa » Maison Blanche, Barack Obama a probablement fait une promesse trop difficile à tenir. Son gouvernement en compte deux, si l’on retire Tom Daschle qui avait des fonctions similaires auprès de… l’industrie médicale. William Lynn, ancien lobbyiste d’un vendeur d’équipement militaire, a été nommé numéro deux du ministère de la Défense alors que le numéro deux du ministère de la Santé est un ancien lobbyiste anti-tabac. Le président s’est accordé une « exception raisonnable » selon les mots de Robert Gibbs, le porte-parole de la Maison Blanche. Comment l’expliquer ? Nécessité doit tenir lieu de loi et, en toute logique, les meilleurs connaisseurs des dossiers ont aussi été sollicités par le privé pour défendre ses intérêts.

La question du lobbying se pose avec encore plus d’acuité lorsque l’on regarde de plus près les contributions de certaines banques lors des campagnes électorales. Freddie Mac et Fannie Mae, deux établissements tristement célèbres, sont connues pour le discernement dont elles font preuve dans l’allocation des centaines de milliers de dollars qu’elles destinent aux campagnes politiques. Aux Etats-Unis, il est en effet possible de soutenir des candidats grâce à des contributions financières transparentes. Pour cette campagne, Freddie Mac a donné 56% des 555 700 dollars au parti démocrate contre 44% l’année 2006, où les Républicains étaient majoritaires au Congrès. La balance a été exactement la même pour Fannie Mae, qui donne généralement un peu plus de 1 million de dollars en contributions.

Si elles sont légales, elles posent toujours un problème de transparence et restent très liées à la question du lobbying. Quand on sait, qu’entre 1989 et 2008 [2], le personnage qui a reçu la plus grosse somme est Christopher Todd, accessoirement Président de la Commission bancaire du Sénat, le combat de Barack Obama prend toute sa valeur. Le problème est que le troisième plus gros récipiendaire est… Barack Obama… S’il veut vraiment réformer un système dont il a joui, le nouveau président devra s’attaquer à des habitudes qui lui sont maintenant inhérentes. Ce genre de banques est souvent pour beaucoup dans le financement des campagnes et sait cibler les élus « utiles ». Ainsi, les personnages qui ont reçu le plus d’argent de Freddie Mac et Fannie Mae depuis 25 ans sont les avocats qui siègent dans les commissions bancaires et des finances des deux chambres. Est-ce réellement du lobbying ? Le système américain ne semble pas le considérer comme tel mais c’est sûrement une collusion des milieux politique et financier que le président promettait de réguler.

Un pari trop ambitieux ?

Amener le changement et lutter contre les vieilles habitudes semblent être des travaux bien ambitieux. On dit souvent que l’expérience est un atout pour un jeune président, cependant elle peut aussi être une obstruction au changement. Cette nouvelle administration ne l’est pas réellement. Le réseau que tisse Barack Obama rempli deux caractéristiques inquiétantes pour accomplir la tâche assignée. Doit-on pour autant en tenir rigueur au nouveau président ? C’est une question délicate dans la mesure où la réalité semble rattraper des promesses probablement faites en toute bonne foi. Il est bien dur de choisir entre compétence et parcours irréprochable, nouveauté et expérience, surtout dans une situation de crise aigue. La tâche s’annonce plus dure que prévue. Les institutions n’ont pas de mémoire et si Obama veut réformer, il  devra se heurter aux inerties d’un système fermement attaché à ses habitudes. L’espoir qu’il a soulevé semble être encore bien vivant chez lui et ses supporters, lui permettant peut-être de mener à bien un travail si ambitieux.

JB

1 : « J’ai foiré »

2 : Chiffres: Federal Election Commission. 30 juin 2008.


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