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Monsieur le préfet de police: interdisez l’exposition “Our body”, au nom de la dignité de la personne humaine!

Publié le 24 février 2009 par Combatsdh

… Au nom de la dignité et du respect dû aux morts

M. le Préfet de Police,

J’ignore si vous lisez Combats pour les droits de l’homme. C’est peu probable.  Mais peut-être l’un de vos agents, attiré par la sélection des blogs du Monde, passera par là.

Monsieur le Préfet de Police, la rue parisienne et le métro parisien sont envahis d’affiches - parfois deux par station - de cette exposition indigne d’un Etat respectueux de la dignité de l’être humain : “Our body A corps ouvert, l’expo anatomique” qui se targue de présenter “de vrais corps humains“.

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Et c’est justement le problème. Il est manifeste que ce sont de vrais corps qui sont exposés à la curiosité (malsaine, indécente, morbide surtout) du public comme autrefois on exposait des indigènes des colonies dans les zoos humains en plein bois de Vincennes ou des difformités humaines dans les spectacles de curiosité des cirques et fêtes foraines.

Selon Rue 89, d’après l’importateur en France de l’événement, Pascal Bernardin, ce sont “des corps asiatiques, chinois plus précisément“.

Est-il difficile de comprendre que même morts ces corps ne sont pas que des choses mais le prolongement de l’humanité? Qu’une société n’est pas civilisée si elle ne respecte pas les morts?

Vos pouvoirs de police vous permettent, quelles que soient les circonstances de temps et de lieu, d’interdire les atteintes à la dignité de la personne humaine.

Alors agissez. Interdisez cette exposition sur le fondement de vos pouvoirs de police générale!

Est-il besoin de vous rappeler qu’en 1995 un maire a pu légalement interdire sur le fondement de ses pouvoirs de police générale une activité de lancer de nains dans une discothéque à Morsang-sur-Orge, alors même que la personne en cause était volontaire, que c’était son métier et qu’il revendiquait sa liberté (de commerce et d’industrie, du travail et individuelle) d’exercer cette activité devant le Conseil d’Etat (CE 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge) et même le comité des droits de l’homme des nations-unies (Comm. n°854/1999, 26 juill. 2002, Wackenheim c/ France)?

Est-il besoin de vous rappeler que la ville de Bonn a pu valablement, sans porter atteinte à la liberté de prestation de service garantie par les droits fondamentaux issus du droit communautaire, restreindre pour des motifs d’ordre public l’implantation d’un laserdromme sur son territoire car il s’agissait d’une simulation de l’action de tuer jugée contraire à la dignité de la personne humaine par les autorités de la ville (CJCE 14 oct. 2004, Omega Spiehlhallen, n°36/02 )?

Vous avez pu vous-mêmes, préfet de Police de Paris, valablement interdire en décembre 2006 l’activité la distribution par l’association d’extrême droite “Solidarité des Français” de la soupe au cochons. Le juge des référés du Conseil d’Etat a estimé que votre arrêté a pris en considération “les risques de réactions à ce qui est conçu comme une démonstration susceptible de porter atteinte à la dignité des personnes privées du secours proposé et de causer ainsi des troubles à l’ordre public” (CE ord. 5 janv. 2007, Ministre de l’intérieur c/ Association Solidarité des Français, AJDA 2007. 601, note B. Pauvert).

Le 22 février 2006, vous interdisiez de nouveau l’organisation par cette association d’un rassemblement, le 23 février 2006, devant la Maison de la Mutualité à Paris pour distribuer la même mauvaise soupe.
Le Tribunal administratif de Paris vient de confirmer la légalité de votre décision en estimant que la distribution sur la voie publique de soupe à base de porc « revêt un caractère provocateur, humiliant, voire injurieux à l’endroit des personnes qui, en raison de leur appartenance culturelle ou religieuse, sont volontairement exclues du dispositif d’aide, alors surtout qu’il s’agit de personnes le plus souvent fragilisées par l’absence de logement et de ressources » (TA Paris, 10 février 2009, Solidarité des Français, n° 0600609/3-3: AJDA 2009 p. 234).
Au pasage il était alors aussi de votre devoir, en vertu de l’article 40 du Code de procédure pénale de porter à la connaissance du Procureur de la République cette infraction à l’article 225-1 du Code pénal qui réprime la discrimination en raison de l’origine religieuse ou ethnique. L’avez-vous fait?
Vous n’ignorez pas non plus que le Conseil d’Etat a récemment estimé que “les décisions en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement doivent respecter les principes fondamentaux relatifs au respect de la dignité humaine”. Au cas d’espèce, il s’agissait précisément d’exhumer des restes humains au cours du chantier dans le bois des Loges (CE 26 novembre 2008, Syndicat mixte de la Vallée de l’Oise, Commune de Fresnières, communauté de communes du Pays des Sources).

 Ce qui vaut pour une décision en matière d’installation classée vaut évidemment pour l’organisation d’une exposition dans la ville lumière.

Qui plus est, l’article 16-1-1 du code civil prévoit ainsi que “le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort“.

Or en l’occurence, toujours selon Rue 89, le producteur de spectacles, Pascal Bernardin ne cache pas ses intentions purement lucratives:

“Cette expo a coûté 2 millions d’euros à ma société, Encore Productions, il faudra beaucoup de monde avant de dégager des bénéfices. A Lyon, elle a fait 110 000 entrées, à Marseille 35 000, et à Paris nous atteignons 10 000 visiteurs la première semaine.

Nous visons 300 000 visiteurs minimum sur les deux lieux (elle ira au Parc floral après la Madeleine fin août). Mais nous comptons bien ne pas en rester là si nous voulons être rentables.”

Ce même monsieur précise quant à l’origine des corps:

J’avais vu la même exposition à Orlando aux Etats-Unis, et je me suis dit, c’est fantastique! J’ai alors pris contact avec l’Anatomical Sciences and Technologies Fundation basée Hongkong qui fournit les corps.

Ils m’ont montré comment ils obtiennent leurs corps, ce sont les même conditions en Chine qu’en France, des gens qui ont donné leur corps à la science. Bien sûr, le lien est coupé entre le donneur et le corps exposé, par respect pour celui qui a fait ce geste.

Vous avez bien lu: un Chinois pensait servir la Science en donnant son corps et se retrouve exposé une fois mort à la curiosité de tous dans les rues et métros parisiens et dans une exposition à la Madeleine! Et comment peut-on être sûr de son consentement? Et si c’était des prisonniers politiques ayant été exécutés par le régime chinois?

Dans quelle société vit-on? Comment peut-on mépriser à ce point l’humanité et les dernières volontés de défunts - fûssent-ils chinois ? Comment peut-on laisser mettre en scène un mort faisant du vélo? Avez vous oublié les dizaines de milliers de manifestants de Carpentras le président de la République en tête?

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Vous n’ignorez pas non plus que le Comité consultatif national d’éthique a émis un avis défavorable sur l’exposition, que son initiateur aurait aimé installé à la Cité des sciences de la Villette ou au musée de l’Homme.

Pierre Le Coz, vice-président du Comité consultatif national d’éthique, explique:

Sur 39 membres du comité d’éthique, seuls deux ont estimé qu’il n’y avait rien de répréhensible, les autres ont jugé que la visée scientifique de l’exposition n’était pas suffisante, qu’il n’y avait pas d’autre sens que de flatter le voyeurisme.

C’est abject! Un corps peut être utilisé après sa mort seulement à des visées scientifiques, même si les personnes sont consentantes. Qu’est-ce que ça veut dire le consentement d’un Chinois quand on connaît le respect des droits de l’homme dans ce pays? On n’aurait jamais fait cela avec des Français.”

François Rastier, directeur de recherche au CNRS en linguistique, a ravivé la pétition collective qu’il avait lancé il y a quelques mois à Lyon. Ce texte appelle à la suspension de l’expositon dans l’attente de garanties légales sur l’origine des corps.
Le scientifique invoque “le doute méthodique”:

“On ne sait pas si ces gens ont consenti de donner leur corps à la science et rien ne prouve qu’ils n’ont pas été tués pour ça. On utilise des cadavres pour faire du spectacle, à quand cadavres sans frontière?

On peut entrer dans le jeu de la fascination morbide, c’est une spectacularisation de la mort à des fins commerciales, d’ailleurs le fait que ce soient de vrais cadavres est mis en avant pour attirer les visiteurs.”

Interrogé par lefigaro.fr , François d’Aubert, le directeur de la Cité des sciences, confirme qu’aucune exposition anatomique ne verra le jour à la Cité. La principale raison est éthique,

« Montrer un corps humain mort, pose d’énormes problèmes éthiques (…) l’image du corps, l’image de l’homme, ce n’est pas quelque chose de neutre, c’est au cœur de la culture de chaque pays, ça peut facilement heurter des convictions très profondes enfouies dans l’esprit des gens ».

Selon l’avis du Comité consultatif national d’éthique qu’il a saisi dans la foulée :

«…Bien qu’anonymes, les corps représentés n’en ont pas moins été des individus ; leur exhibition (et leur réification) constituent une atteinte à leur identité, et donc à leur dignité ».

Monsieur le Préfet comment pouvez-vous rester passif face à une atteinte aussi manifeste et établie à la dignité de la personne humaine ?

Peu importe que ces morts qu’on expose ne soient pas français - la nationalité n’a pas de sens lorsqu’on est mort. Elle n’a d’ailleurs aucun sens lorsqu’il s’agit de dignité qui est inhérente à la personne humaine.

Peu importe aussi que votre collègue préfet du département du Rhône et le maire de Lyon aient eu l’incurie de laisser se dérouler pendant des mois cette exposition sur leur territoire.

La dignité est un principe garanti par les plus grandes conventions internationales de protection des droits de l’homme - en premier lieu à la Déclaration universelle de 1948 - mais aussi par le Préambule de la Constitution de 1946 sous la forme d’un principe de valeur constitutionnelle.

Un chapitre entier du Code pénal est consacré à la protection de la dignité. Et dans ce chapitre une section entière protège des “atteintes au respect dû aux morts “.

Je le reproduis pour que vous vous rendiez bien compte de l’ampleur de votre passivité en violation radicale avec les lois de la République.

Article 225-17

Toute atteinte à l’intégrité du cadavre, par quelque moyen que ce soit, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende.

La violation ou la profanation, par quelque moyen que ce soit, de tombeaux, de sépultures, d’urnes cinéraires ou de monuments édifiés à la mémoire des morts est punie d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende.

La peine est portée à deux ans d’emprisonnement et à 30000 euros d’amende lorsque les infractions définies à l’alinéa précédent ont été accompagnées d’atteinte à l’intégrité du cadavre.

Article 225-18 

Lorsque les infractions définies à l’article précédent ont été commises à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, des personnes décédées à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 45000 euros d’amende pour les infractions définies aux deux premiers alinéas de l’article 225-17 et à cinq ans d’emprisonnement et à 75000 euros d’amende pour celle définie au dernier alinéa de cet article.

Article 225-18-1

Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l’article 121-2 des infractions définies aux articles 225-17 et 225-18. Les peines encourues par les personnes morales sont :

1° L’amende, suivant les modalités prévues par l’article 131-38 ;

2° Les peines mentionnées aux 2° à 9° de l’article 131-39 ;

3° La peine mentionnée au 1° de l’article 131-39 pour les infractions définies par l’article 225-18.

L’interdiction mentionnée au 2° de l’article 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.

 

Sur les fondements de ces dispositions les organisateurs peuvent donc faire l’objet de poursuites pénales et il est de votre devoir, en vertu de l’article 40 du Code de procédure pénale, de saisir le Procureur de la République puisque vous avez connaissance de cette infraction dans le cadre de l’exercice de vos fonctions.

“Article 40

 Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux dispositions de l’article 40-1.

Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.”

Dois-je aussi vous alerter sur le fait qu’en cas d’inaction la responsabilité de l’Etat pourrait être engagée?

Vous vous devez au nom des pouvoirs qui vous ont été conférés par la loi d’interdire purement et simplement cette exposition. C’est une obligation légale pour vous. C’est surtout une obligation morale pour nous tous.

A défaut, tout administré ou association qui démontrerait un intérêt suffisant pourrait saisir le tribunal administratif pour faire respecter, par la voie d’un référé-liberté, la dignité de ces morts. La dignité de l’être humain.

Monsieur le Préfet, je ne suis pas un chaud partisan de l’extension des pouvoirs de police. Je n’ai jamais non plus beaucoup apprécié que le Conseil d’Etat ait accepté d’intégrer aux côtés de l’ordre public “matériel et extérieur” (sécurité, tranquillité, salubrité) des considérations morales ou éthiques (le “bon ordre”, l’ordre moral, les bonnes moeurs, la dignité).

Mais en l’espèce  l’essence même de l’homme est atteinte.

C’est pour cela qu’en ma qualité de citoyen, je vous demande - je vous commande même - d’agir: interdisez cette exposition. Saisissez le Procureur de la République. Agissez!

—-

  • D’où viennent les corps humains de l’exposition “Our body”  Par Sophie Verney-Caillat | Rue89 | 20/02/2009
  • Our Body : l’exposition ui dérange par Aurélia Vertaldi lefigaro.fr 20/02/2009 |
  • Our Body : Les cadavres peuvent rapporter gros , Lyon Capitale, 27/05/2008

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LES COMMENTAIRES (1)

Par RX13
posté le 22 septembre à 14:41
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Beaucoup d'indignation je trouve pour ces morts, alors que les vivants souffrent bien plus. Pourquoi faire interdire une exposition, pendant que la France est le troisième vendeur d'armes du monde? Je trouve ce combat déplacé.

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