Repas-dégustation : retour en beauté!

Par Eric Bernardin

Cela faisait quelques semaines que ma vie de dégustateur était relativement calme. Elle a connu de nouveau un pic samedi dernier. Je n'ai évoqué pour l'instant que le Krug qui fut certainement l'un des sommets, mais il y eut d'autres vins fort sympathiques.

Autour de quelques mises en bouche, nous avons attaqué par une série de 3 champagnes (nous ne faisons pas les choses à moitié : nous explorons ... et explorons encore!).

Le premier paraît tout jeunot. Son nez nez la pomme Granny et la noisette fraîche n'y est pas étranger. En bouche on croque dans la pomme verte, avec son côté désaltérant, finement acidulé et l'on finit sur la pamplemousse avec de gourmands amers, et juste ce qu'il faut d'astringence pour donner envie de vider son verre et de se resservir. J'ai un peu la honte parce que je ne l'ai pas reconnu (mais il ne ressemblait pas à celui que j'ai déjà bu) c'est le blanc de blancs de Larmandier Bernier.

Le deuxième est plus raffiné : nez plus épicé, avec du beurre noisette, de la poire bien mûre. La bouche est ronde, pleine, suave, contrebalancée par des bulles énergiques. Le tout est assez long, avec une bonne tension. C'est ... le Terre de Vertus du même producteur. Un champagne que j'affectionne particulièrement (déjà évoqué plusieurs fois sur le blog).

Vient ensuite le Krug Grande Cuvée. Au départ, il semble vouloir faire son modeste, histoire de ne pas mettre la honte au précédent. Mais on ne se refait pas. Très vite, il se libére de ses inhibitions et se lâche : on change alors de registre. Du simple violoncelle, on passe à l'orchestre symphonique. Son ampleur vous submerge, sa complexité vous interpelle, sa suavité vous émeut. Plus bouleversifiant, on peut pas...

Puis viennent deux vins blancs...

Le premier a une robe dorée, un nez sur la cire, la poire et la fumée. Si le nez pourrait éventuellement faire penser à un riesling, la bouche douce, suave, me porte plutôt à croire que c'est un pinot gris, tendance VT. C'est bien un pinot gris. Un Muenchberg 1999 d'André Ostertag.

Le deuxième a une robe tirant vers le cuivré. Cette marque d'évolution est confirmé par le nez aux accents de Jerez. La bouche est ronde, expressive, mais manque de relief. Difficile de reconnaître la Cuvée Edmond 1997 d'Alphonse Mellot, déjà bue à plusieurs reprises (dont un magnifique ICI).

Nous passons ensuite aux choses sérieuses : les rouges!

Le premier a une couleur brique, suggérant un âge certain. Le nez sur les fruits compotés, le sous-bois et les cuir le confirme. La bouche est douce, élégante, aux tannins parfaitement polis. C'est vraiment très beau si ce n'est une fin un peu courte. Pas plus surpris que ça d'apprendre que c'est Haut Marbuzet 1982.

Le deuxième, je sais ce que c'est, puisque je l'ai apporté ;o) Le nez est sur les fruits noirs (cassis) et les épices douces. La bouche est fraîche, limpide élégante, avec beaucoup de finesse. Léger durcissement en final, mais ce vin impressionne par son bel équilibre. L'encépagement est introuvable parce qu'improbable : 70% merlot, 15% carignan et 15% syrah. C'est un Merle aux Alouettes 2001 d'Alain Chabanon (Fontcaude).

Le troisième est plus facile à situer. Robe évoluée. Nez sur sur la vieille prune, les épices, la garrigue. Bouche ample, d'une grande douceur, avec une finale chaleureuse. Ca sent le vieux Châteauneuf à 10 mètres. C'en est un. Chateauneuf du Pape 1990 de Guigal.

Le quatrième a une robe beaucoup plus rouge et sombre : c'est un jeunot! Le nez a beaucoup de charme, sur les fruits noirs épicés. La bouche est goûteuse, friande, avec une belle matière. Surprise lorsque Sylvain nous dévoile l'étiquette : c'est un Châteauneuf du Pape 2004 du Domaine des Relagnes  (un vin que nous avions bu en janvier dernier, mais qui avait alors un défaut).

Le cinquième a une robe très sombre. Un nez d'une grande noblesse. Une bouche ample, veloutée, alliant puissance et douceur. Une finale persistante et épicée. Y a bon! Ca peut : c'est un Hermitage  2005 de Chave.

Le sixième a un boisé plus "luxueux" mêlé à la myrtille et au cassis. La bouche est superbe de velouté et de sensualité, avec un équilbre frôlant la perfection. Finale magnifique. "Une bombe" ai-je écrit (ça doit donc être vrai...). Quelle est cette merveille? Château du baron Pichon de Longueville 2000. Ouah, la baffe! Un Bordeaux de 2000 ça peut être ça??? Serait-ce vraiment le millésime du siècle?

Nous passons aux vins de dessert

Le premier a une couleur cuivrée prononcée aux reflets acajou (ou l'inverse). Le nez est superbe, sur les fruits secs grillés, le caramel, la banane séchée. La bouche est douce, sensuelle, avec une bonne fraîcheur. Le sucre que ce vin contenait a été en grande partie "digéré". La finale est assez courte, mais très sympa toutefois. Il n'y a plus d'étiquette, mais le bouchon indique un Barsac  Coutet 1939. Pour un vin de 70 ans, il tient la route ;o)

Le second retrouve une robe dorée, moins évoluée. Le nez a de la fraîcheur, sur l'ananas et les fruits confits. La bouche, moelleuse, possède cette même fraîcheur ainsi qu'un très beau fruité. Ce vin tout en élégance est ... un vouvray Le Mont 1ère trie 1990 du domaine Huet.

Le troisième, je sais aussi ce que c'est, parce que je l'ai apporté. Le nez est sur l'encaustique et la marmelade d'abricot. La bouche est ample, mûre, alliant une grande suavité à une acidité rafraichissante. Un très bel équilibre. C'est bien sûr un Monbazillac 2005 du Château Tirecul la Gravière.

En relisant mes notes, j'hallucine un peu : alors que j'étais dans un état de fatigue avancé, j'ai tout de même pris soin de prendre des notes sur l'eau de vie de poire qui suivait. Bon, pas trop détaillé tout de même. Je lis "nez de poire sur la poire fraîche et séchée. Très aromatique. Bon!"

Après cela, je me suis endormi sur ma chaise. Je ne m'en rappelle pas, mais une photo en témoigne. Lorsque je me suis réveillé, j'ai cru m'être réveillé sur une planète inconnue qui aurait ressemblé à l'Ile aux Enfants. Des gentils monstres tenant un verre à la main m'ont gentiment accueilli.

Et puis je me suis rendormi, sur la banquette, cette fois-ci. C'était beaucoup plus confortable. J'ai passé ma nuit à boire ... de l'eau (1,5 litre, exactement)! Et le lendemain matin, j'étais frais comme un gardon :o)