Magazine Régions du monde

À bas Slumdog vive le Kathakali

Publié le 25 février 2009 par Annegaellerico

“Tous les hommes de ma famille sont acteurs de Kathakali, et ce, depuis des générations, me raconte Nithin. Mon père m’a enseigné les secrets de notre art qui exige un entrainement physique et mental quotidien.”

Cette forme de théâtre est née à la fin du XVIe siècle dans le Kerala, un État du sud ouest de l’Inde : les seigneurs rivaux s’affrontaient alors par l’intermédiaire de spectacles de kathakali, chacun voulant avoir la meilleure troupe. “Katha” signifie histoire, et “kali”, jeu, en Malayâlam, la langue de l’État. La performance de l’acteur de Kathakali mêle en effet théâtre, danse, drame et rituel.

“Nous développons nos méthodes de concentration et de gestion de l’énergie par un art martial traditionnel, le kalaripayat. Cette technique de combat était originellement pratiquée par des guerriers médecins qui maîtrisaient les techniques de soins ayurvediques“.

La salle de spectacle, éclairée par quelques lampes à huile, est quasiment plongée dans l’obscurité. Les artistes qui arrivent sur scène viennent honorer le dieu du feu en ramenant la fumée sur leurs visages. Nithin, un miroir dans la main gauche, un pinceau dans la droite, commence à s’appliquer les premières couleurs.

Allongé sur le dos, les bras croisés sur le ventre, un maquilleur vient ensuite lui poser les cheuti, des fausses joues blanches, découpées et collées avec de la pâte de riz liée à de la noix de coco. Les couleurs sont réalisées à base de poudres végétales résistantes à l’eau qui permettent de conserver l’intensité des motifs malgré la sueur qui inonde le visage des artistes durant la performance.

Nithin m’explique, à voix basse, la signification de chaque élément de sa -très longue- métamorphose, quatre heures environ. Les couleurs et les formes, chargées de symboles, sont codées, et c’est grâce à elles que les initiés reconnaissent les personnages : vert pour le gentil prince vertueux et courageux…

noir pour le méchant démon…

Le maquillage terminé, les artistes doivent encore enfiler leur magnifique costume, se coiffer, mettre bijoux et faux ongles. Le rang, le métier et le sexe sont également indiqués par les costumes, sachant que tous les personnages y compris féminins sont joués par des hommes.

Enfin, le spectacle commence, quatre heures pour la version courte, toute la nuit pour la version traditionnelle. Les expressions de visage, les positions des mains et des pieds sont, comme dans la plupart des arts traditionnels indiens, extrêmement importants et significatifs. Le jeu des regards, particulièrement impressionnant exprime également les émotions des personnages. Des chanteurs et des musiciens, surtout des percussionnistes, accompagnent les acteurs.

Les thèmes favoris sont tirés des poèmes épiques de l’Inde : le Mahâbhârata (la lutte sanglante de deux familles cousines mais rivales) et le Râmâyana(la quête de Rama pour retrouver Sati, son épouse enlevée par le démon Ravana).

“Notre art se perd,déplore Nithin. Aujourd’hui les gens préfèrent regarder les films de Bollywood plutôt que de venir voir jouer des acteurs en vrai. Nous survivions grâce aux représentations que nous donnons devant les touristes étrangers. Mais qui ne connaît pas véritablement la culture indienne ne peut apprécier toutes la poésie du Kathakali”.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Annegaellerico 1 partage Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossiers Paperblog