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Affaire U. Bossi et CGIL: droit d’accès à un tribunal et immunité parlementaire (CEDH 24 févr. 2009 C.G.I.L. et Cofferati c. Italie )

Publié le 26 février 2009 par Combatsdh

Après l’assassinat en 2002 d’un professeur de droit par les brigades rouges, Umberto Bossi, à l’époque ministre et député (Ligue du Nord), a accusé le syndicat C.G.I.L. d’avoir favorisé ce crime en organisant des manifestations contre les assouplissements du droit du travail soutenus notamment par ce professeur. Le syndicat et son secrétaire général ont tenté d’assigner M. Bossi et les responsables du quotidien devant une juridiction civile pour atteinte à leur réputation. Cependant, la Chambre des députés décida que les propos visés avaient été exprimés dans le cadre des fonctions de parlementaire et qu’ils étaient donc couverts par l’immunité parlementaire.

La Cour constitutionnelle italienne, saisie par le tribunal civil, déclara la demande de ce dernier irrecevable. La procédure devant le tribunal n’a pas repris depuis et un recours a donc été formé devant la Cour européenne par le syndicat et son dirigeant, ceux-ci alléguant d’une violation de leur droit d’accès à un tribunal (Art. 6).

La Cour européenne condamne l’Italie pour violation du droit d‘accès à un tribunal.

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C.G.I.L. et Cofferati c. Italie (Cour EDH, 2e sect. req. n° 46967/07) du 24 février 2009

Lettre Droits-libertés par Nicolas Hervieu

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La Cour s’était déjà prononcée sur la question de l’immunité parlementaire en Italie (v. notamment Cour EDH, 1e sect. 3 juin 2004, De Jorio c. Italie, req. no 73936/01) et a ici confirmé sa position. La juridiction strasbourgeoise relève d’abord l’existence d’une ingérence dans le droit d’accès à un tribunal des requérants (§ 67), ceci pour ensuite considérer que cette ingérence « poursuivait des buts légitimes, à savoir la protection du libre débat parlementaire et le maintien de la séparation des pouvoirs législatif et judiciaire » (§ 69). Sur le terrain de la proportionnalité de cette ingérence, la Cour estime que les propos litigieux, bien que prononcés par un parlementaire, le furent en dehors de l’enceinte de la chambre et n’étaient donc pas «  liées à l’exercice de fonctions parlementaires stricto sensu » (§ 72).

Dès lors,  « l’absence d’un lien évident avec une activité parlementaire appelle une interprétation étroite de la notion de proportionnalité entre le but visé et les moyens employés », d’autant que la Cour souligne que la décision de maintenir l’immunité émane « d’un organe politique » (§ 74).

En conséquence, cette dernière décision « na pas respecté le juste équilibre qui doit régner en la matière entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu » (§ 75) car, ainsi que l’affirment les juges européens, « conclure autrement équivaudrait » à empêcher toute poursuites « chaque fois que les propos attaqués en justice ont été émis par un membre du Parlement » (§ 74 - v. néanmoins les critiques formulées par les juges Sajó et Karakaş dans leur opinion dissidente commune).

L’Italie est donc condamnée pour violation du droit d‘accès à un tribunal.

C.G.I.L. et Cofferati c. Italie (Cour EDH, 2e sect. req. n° 46967/07 ) du 24 février 2009

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