Les doigts dans la prise

Moins d’un mois après le décès de son inventeur*, la Ministre de la Sécurité et de l’environnement du canton de Vaud nous gratifie de sa dernière spontanéité : elle a oublié qu’elle était opposée à l’usage du Taser*.

Pourtant, jusqu’ici, la magistrate semblait réfractaire à cette «arme non-létale» qui a déjà tué plus de 300 personnes. C’est en tout cas ce qu’affirmait l’ancien et regretté - dans ce cas-là et seulement dans ce cas-là – commandant de la police Eric Lehmann dans «L’e-mail du dimanche» du Matin Dimanche :

Concernant le Taser et son usage, vos lecteurs connaissent ma position partagée par Mme de Quattro. C’est fermement non. Cette décision n’a pas varié depuis 2003, date à laquelle j’avais sollicité l’avis du patron de l’Institut universitaire de médecine légale, le professeur Mangin. Sa détermination nous avait confortés dans notre position. Le risque encouru de causer des lésions corporelles graves, voire la mort de personnes dont le «statut» médical nous est inconnu, ne saurait être envisagé. À nos yeux le principe de la proportionnalité n’y trouve pas son compte. La police dispose de moyens aussi efficaces que moins dangereux.

Cette position ferme date de début décembre 2007 et un peu plus d’un an plus tard et un commandant de police après, l’élue semble avoir radicalement changé d’avis.

Si elle y est favorable, la magistrate prétend réserver l’engin au Détachement action rapide et dissuasion (DARD) et, encore, sous certaines conditions dont l’autorisation du chef de l’opération ou du commandant de la police. Des hommes qui sont sans doute capables de poser un diagnostic médical à distance et d’apprécier en quelques instants le «statut» médical du futur taserisé et donc de déterminer si ce dernier pourra supporter, ou non, le choc.

Cette oscillation d’opinion s’accompagne de surcroît d’un sens plus que discutable de la communication : c’est dans le cadre de la conférence de presse «Bilan 2008 en matière de circulation et d’ordre public» que l’adepte du pistolet électrique a annoncé, par la bande, sa nouvelle marotte. Il n’en faut pas moins pour inciter à supputer, dans un bel amalgame, qu’à terme, l’usage de l’engin pourrait être étendu à tous les policiers puisque «Les propos sont devenus bien plus durs qu’avant, et les menaces ne touchent plus uniquement nos hommes, mais aussi leurs familles. Il n’est plus rare qu’on fasse usage de gaz lacrymogène contre nous, que les gens sortent des fausses armes sous notre nez, ou des couteaux.»

De toute façon une extension de l’usage de ce que les Etatsuniens appellent la «chaise électrique portable» est très probable puisqu’aux Etats-Unis et même en France, le pays des Droits de l’homme, tous les corps de police ou presque y ont accès. La conséquence peut se résumer par une métaphore de Coluche : celui qui a inventé le vélo a fini par monter dessus.

Ce que notre Ministre aux goûts électriques oublie, et c’est d’importance, c’est que l’ONU considère que l’usage de cet engin est une forme de torture. À moins qu’elle le sache très bien et que, depuis qu’elle s’est séparée de ses deux plus hauts fonctionnaires, elle n’arrive tout simplement plus à résister aux demandes pressantes de ses policiers qui aimeraient bien disposer de cet engin soi-disant non-létal qui permet de tirer sans grands risques et en toute bonne conscience comme ce policier lyonnais qui a taserisé une jeune femme de 21 ans déjà maîtrisée - bien que non dangereuse - et à terre.

Après les balles expansives, qui restent dans la cible, qui n’en demande pas tant, et évitent ainsi les dommages collatéraux en en ressortant, Jacqueline de Quattro s’apprête à offrir sur un plateau l’outil portatif à 50′000 volts à ses pandores.

On ne te dit pas merci «Tata Gégène».