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La hiérarchie des normes

Publié le 03 mars 2009 par Nufroftsuj

L’idée qu’il existe en droit français une hiérarchie des normes de type pyramidal est très rapidement intégrée par les étudiants de nos facultés de droit, sans toutefois que ces derniers n’en maîtrisent réellement les mécanismes, ni n’en mesurent les limites. Rien que de très normal puisque les enseignants eux-mêmes feignent, pour la plupart, d’en garantir la validité tout en n’étant capables que d’en présenter une image grossière et maladroite. C’est, prétendent-ils souvent, qu’il serait inutile d’encombrer les esprits de leurs ouailles.

De sorte qu’au total, la hiérarchie des normes est avant tout un dogme et peut-être même un mystère. Cette situation n’est pas exceptionnelle et ne me chagrinerait pas trop si l’actualité (plus tout à fait récente, d’ailleurs) de la question ne conduisait à voir se multiplier les sujets de devoir, d’examen et peut-être même de concours la prenant pour objet, pour le plus grand malheur de nos chères têtes blondes.

Exemple de sujet rencontré assez fréquemment ces derniers temps : “La Constitution est-elle encore la norme juridique suprême ?”

Commençons donc par un avertissement à destination de ces dernières : l’idée qu’il existe en droit français une hiérarchie des normes est éminemment problématique !

On peut même soutenir que plusieurs phénomènes contredisent l’idée même qu’il existerait une hiérarchie des normes en droit français :

  • Il semble, tout d’abord, qu’on assiste ici ou là à un renversement de la pyramide normative, voire à sa désintégration au profit d’un ordre juridique organisé en réseau (voir F. Ost, M. van de Kerchove, De la pyramide aux réseaux ? Pour une théorie dialectique du droit, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 2002).
  • Par ailleurs, on doit bien constater que tous les juges n’appréhendent pas les conflits de normes de la même façon : en fonction des limites de leurs compétences (juridictionnelles) et en réalité des normes juridiques pour le respect desquelles elles ont été initialement créées, voire même en fonction des enjeux des affaires dont elles sont saisies (voir B. Latour, La fabrique du droit. Une ethnographie du Conseil d’Etat, La Découverte, 2002), les juridictions semblent être en mesure de définir des hiérarchies des normes “sur-mesure” (c’est-à-dire largement factices).
  • Enfin, l’image même de la “pyramide” apparaît gauche. Il est déjà assez étonnant - du moins pour l’architecte - que les éléments de l’édifice considérés comme fondamentaux soient placés à son sommet et non à sa base (les fondations d’une maison ne se trouvent pas entre les tuiles). Mais même mis de côté le caractère autoritaire, sinon divin, de cet ordre juridique présenté comme une pyramide dont l’essentiel serait au sommet, on comprend mal pourquoi ce qui est le plus important est aussi le plus étroit. S’agit-il de montrer, à l’instar des physiciens, qu’il existerait une ”loi” première de laquelle découleraient toutes les autres ? Ce serait alors une question de nombre : un petit triangle pour les normes les plus élevées car elles sont peu nombreuses, des trapèzes moyens pour les normes juridiques intermédiaires et enfin un large trapèze pour les normes juridiques les plus faibles ; une façon de voir la quantité plus que la qualité… On peut encore remarquer qu’il manque de nombreuses pierres à notre pyramide, tous les domaines de l’activité humaine ne faisant pas l’objet de dispositions de chaque type de norme juridique. Cette pyramide, dont le centre de gravité est très haut et le socle friable, semble décidément bien moins stable qu’il n’y paraissait de prime abord !

De tout ce qui précède, il résulte qu’avant de reconstruire notre propre pyramide, voire de construire une autre sorte d’édifice, il semble plus sage d’essayer d’ordonner les solutions jurisprudentielles dont nous disponsons en matière de conflits de normes de manière pragmatique. L’idée est ici de lister de manière systématique les principales hypothèses de conflit de normes et de chercher ensuite quelle attitude les juges ont choisi d’adopter pour chacune d’elles.

Hiérarchie des normes : à chacun la sienne ?

Et maintenant, j’aimerais essayer de montrer le grand bénéfice que l’on peut tirer à remplacer la métaphore de la pyramide par celle de l’arbre (ou de la forêt) :

[je réfléchis… vous en pensez quoi, vous ?

petits indices :

  • pensons aux racines (qu’on ne voit pas forcément), à l’articulation entre le tronc, les branches charpentières, les branches secondaires, les rameaux et les feuilles, aux greffons, drageons et gourmands, à la circulation de la sève, aux conséquences liées au fait de scier telle ou telle branche, à la possibilité pour plusieurs arbres de mêler leurs branches ;

  • faisons des législateurs des jardiniers et des juges des promeneurs ;

  •  et voyons-nous comme des animaux arboricoles (contraints d’adapter leur comportement [se déplacer, se nourrir, etc.] à leur environnement, mais capables d’agir sur lui en retour)…]

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