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Mardi c’est anatomie

Publié le 03 mars 2009 par Miliochka

Ce matin, j’ai profité d’une invitation à la presse pour aller visiter l’exposition “Our Body - À corps ouvert” en compagnie de quelques confrères et d’un professeur de médecine. Il s’agit d’une expo qui présente une vingtaine de corps humains, des vrais, disséqués et plastinés (un subtil procédé d’imprégnation polymérique…) pour donner à voir les différents organes. Cette expo a déjà été montrée à Lyon et à Marseille et aurait attiré plus de 30 millions de visiteurs dans le monde.

Au départ, je pensais qu’il s’agissait d’une version light de la fameuse expo de l’anatomiste allemand Gunther von Hagens, dont on ne sait d’ailleurs pas s’il se considère plutôt comme un artiste ou un scientifique. Mais en fait non, c’est un truc différent. Celle montrée à Paris a été réalisée par une soi-disant fondation scientifique chinoise et son seul but est d’ordre pédagogique… Cela n’enlève rien aux troubles et à l’intense débat qu’elle provoque. Je ne vais pas ici vous faire une présentation de cette expo, rédiger une sorte d’article, mais seulement tenter de décrire quel a été mon ressenti face à tous ces corps…

ourbody

Pourquoi suis-je allée voir ça ? Par curiosité personnelle avant tout, mais aussi pour ma culture professionnelle.  J’ai toujours aimé les sciences du vivant, comprendre comment l’organisme fonctionne, ce qui le compose etc… Voir des corps, des organes, du sang, ne m’a jamais fait peur. En fac de biologie, j’adorais passer 4 heures en TP d’anatomie à disséquer des organismes ! Ceci étant dit, voir des corps humains, morts, c’est autre chose. Je n’ai pas été choquée ni dégouttée, mais évidemment troublée à l’idée que j’avais en face de moi des personnes, des individus avec autant de parcours de vie différents. Qui plus est, tous des chinois dont on ne sait pas vraiment s’ils ont simplement donné leur corps à la science ou s’ils ont véritablement accepté de “servir” à une telle exposition.

Je ne peux m’empêcher de m’interroger sur la pertinence d’une telle mise en scène de véritables corps simplement pour permettre au grand public d’accéder à une meilleure connaissance de l’anatomie humaine. Des musées d’anatomie en cire existent depuis le 18ème siècle en Europe (et notamment le très beau musée de la Specola à Florence). N’aurait-il pas été possible de faire la même chose actualisée, en plastique par exemple ? Les organisateurs de cette expo soutiennent que non, bien évidemment. Bien sûr, il s’agit là d’un très beau travail de dissection anatomique, splendide même, mais montre-t’on ce genre de choses à n’importe qui sans un minimum d’encadrement éthique et philosophique ? Il paraît que des sites comme le Musée de l’Homme ou la Citée des Science ont refusé d’accueillir cette expo, le Comité National d’Éthique se serait même prononcé contre. Une décision difficile à comprendre quand on sait que la France héberge par ailleurs de nombreux écorchés de Fragonard, dont la démarche n’était pas moins trouble que celle de Van Hagens… (à savoir : le musée de l’école véto d’Alfort vient de rouvrir après d’importantes restaurations, il présente quelques pièces de Fragonard, dont un homme à cheval - le cavalier de l’apocalyspe -, et des enfants morts-nés qui font toujours débat quant à leur origine !)

Le spécimen qui m’a le plus impressionnée n’est bizarrement pas un corps, mais un organe. Un organe d’une importance considérable puisqu’il est d’abord le plus grand du corps humain, il constitue par ailleurs la frontière entre nous et le monde extérieur et porte des traces d’une individualité (c’est un organe qui ne peut être “anonyme”) : il s’agit simplement de la totalité de la peau d’un homme présentée à plat d’un seul tenant…

En sortant, je suis passée à la librairie de l’expo, et suis tombée sur une perle, un petit bijou photographique : le livre “Le cœur sacré” de Max Aguilera-Hellweg. Il s’agit de photos prises à la chambre, durant des opérations chirurgicales très impressionnantes. Cela peut paraître gore ou du voyeurisme, mais en fait non. D’autant que chaque photo est longuement légendée et que le bouquin comporte de nombreux textes, témoignages, description de la démarche du photographe. Les images sont très belles mais aussi très dures à regarder. Pour autant, ce livre me plait bien plus que cette expo Our Body. Car il y a là une vraie démarche, argumentée, il y a un parti pris qui ne se cache pas derrière une pseudo-démago-pédagogie. Et un angle artistique certain…

hellweg
Ah tiens, j’oubliais de dire qu’en sortant de l’expo, en bonne professionnelle j’ai laissé ma carte de visite à l’attachée de presse, et là… Eh bien là je me suis bien moquée de moi-même et de mes appréhensions et critiques face à cette expo. Car que représente ma carte de visite ? Mon propre coeur et mes poumons ! C’est mon penchant exhibitionniste sûrement.

radio_poumons


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