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Quelques réflexions sur le syndicalisme, les luttes, le secteur tertiaire privé, la politique et "l'exemple" du LKP

Publié le 04 mars 2009 par Lalouve
Bonjour,
A un camarade qui me disait que, nous en métropole, compte tenu de notre inaction actuelle, on devrait "avoir honte" et que nous devions "suivre l'exemple" du LKP, je répondais, en gros, que on ne fait pas grève durablement "par solidarité" (une heure ou deux oui, en témoignage, à la rigueur), on ne bloque pas un pays ou une région "pour ressembler au LKP", j'ai eu, d'un autre, cette réponse, ironique, et qui m'a agacée (pas parce qu'elle était ironique, mais pour ce qu'elle révèle au fond, parce que c'est simpliste comme manière de présenter le problème , donc au fond, que c'est le meilleur moyen de ne pas le résoudre, ce problème réel...) :

"Tu as raison, La Louve !

Heureusement qu’on a des dirigeants syndicaux RESPONSABLES, pour nous empêcher de faire n’importe quoi !

Grâce à eux on attend un mois et demi entre le 29 janvier et le 19 mars.

Je leur demande que la prochaine fois ils soient encore plus responsables et d’attendre carrément la rentrée pour une nouvelle journée d’action.

D’ailleurs, une journée, c’est pas un peu trop long pour une grève"

Voici ce que j'ai répondu, et finalement je décide de publier tout cela, agrémenté de quelques réflexions supplémentaires, dans un texte unique, pour vous soumettre certaines de mes réflexions et donc, attirer les vôtres, évidemment.

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"Je vais passer outre l’ironie de ton intervention et ce qu’elle m’inspire de même en échange.

Pour essayer d’être constructive.

1 ° Je ne soutiens pas le moins du monde la position de nos directions syndicales, au contraire, je la combats. Mais je règlerai ce compte, comme tant d’autres camarades, "le moment venu", et pour l’instant, je la combats différemment de toi peut être, parce que je me suis rendu compte que la combattre en "braillant", comme dit un-e autre camarade, en signant des pétitions, en dénonçant, si ce n’était pas stupide, c’était néanmoins non seulement inefficace mais "contre productif" (parce que, à la longue, si ce n'est suivi de "rien d'autre", cela montre que notre seule force est de déclamer, mais pas de regrouper, et donc, in fine cela ne montre que notre faiblesse et notre incapacité de fédérer pour nos buts).

Or je crois qu'il n'y a rien de pire pour engager une lutte que de montrer ouvertement à "l'ennemi" la médiocrité de notre niveau d'analyse du réel. On peut se planer mais il ne faut pas persévérer et savoir changer son fusil d'épaule pour atteindre la cible.. non?

La seule manière de faire tourner casaque et de "dé-légitimer" une direction syndicale nationale qui ne nous conviendrait pas est de lui imposer le mouvement de la base.

Ce que l’on ne peut pas faire dans un parti politique réformiste et embourgeoisé, sclérosé (suivez mon regard...), mais qu’on peut encore essayer de faire à la CGT par exemple, compte tenu de nos structures et de notre fonctionnement ( mais comme ça ne va peut être pas durer, et que ce sera un rude combat de préserver cette possibilité organisationnelle originale, il faut se dépêcher d’en profiter pour éviter "le pire").

Mais quelle plus belle victoire contre ce que tu dénonces que de jeter à la face de directions capitulardes et "traine savates" ;-)) des mouvements de grève puissants, organisés, coordonnés et unis à la base?

Bien sur que les directions nationales ne sont pas "facilitantes" du mouvement, voire, le bloquent pour certaines, ce qui est surtout incroyable, c’est que certains représentants nationaux sont plus présents dans les salons que pour soutenir les travailleurs en lutte ... Enfin pour la direction de la CFDT à quoi s'attendre d'autre? Quant à FO, on attend juste de voir quand ils vont se "retourner"...Bref.

Mais il ne faut pas non plus tout ramener à ça, et en faire "la causa ultima" de notre problème !

D’abord, c’est comme dire que les travailleurs sont des "infans", des personnes sous tutelle, qui ne peuvent pas décider pour et par elles mêmes de ce qu’il convient de faire pour elles.

Alors, là où je suis d’accord, le drame, c’est qu’à ce stade et pour l’instant, c’est peut être vrai (7 % de syndiqué dans le privé mon cher camarade !!! ouvre les yeux....participation aux prudhommes? moins de 25 % je crois de mémoire) et on n’a pas le cul sorti des ronces , donc. Ce n’est pas de "flinguer" verbalement B Thibault Le Duigou ou tte la clique, sans être force de proposition, qui fera bcp avancer le schmilblick, ( même si ça peut défouler, je le reconnais...)

La question c’est : comment on inverse cette "mauvaise vapeur"-là, nous syndicalistes, militants de terrain? Comment on fait pour sortir "la masse" de sa torpeur, de son suivisme? Comment on travaille, patiemment, modestement , chacun-e- à son niveau, pour CONSTRUIRE ce qui nous manque pour "ressembler au LKP", justement?

Mais depuis quand tu as vu qu’il suffisait que les grands chefs à plume disent "On y va" pour que 2 ou 3 millions de personnes soient dans la rue (et en grève , n’en parlons pas !!!), je veux dire ,durablement?

C'est fini et bien fini, l'époque du syndicalisme instrument de partis politiques puissants à la solde de l'étranger, où on se retrouvait des centaines de milliers, des millions, dans la rue, le "doigt sur la couture du pantalon", au premier claquement de doigt des directions (si tant est que ça AIT JAMAIS existé, et moi je doute...).

3 ° On a par ailleurs un VRAI problème : la syndicalisation, surtout dans le privé, et la conscience de classe qui va avec - car c’est pas le tout d’avoir des adhérents, encore faut il avoir aussi des MILITANT-E-S. Tiens, tu en fais des adhésions toi? Et si oui, tu prends le temps de les former, un minimum, sur des bases de classe, tes adhérents? Ou tu te contentes d’encaisser les cotiz', de répertorier les noms et de leur dire "Ralliez vous à mon panache blanc?" (et surprise, oh, quand tu te retournes, les trois quarts de ce que tu pensais être "tes troupes", sont restées au port!?...)

L’état de ce qui est réellement mobilisable dans le secteur privé et notamment tertiaire , est dramatique. Or, notre manque est là. Il y a des syndicats entiers à CRÉER - mais qui parmi les camarades vraiment engagés y pense? Le fait? C’est si facile de se contenter de "gérer" l’existant dans sa branche ou sa profession. C’est un foutu pb et c’est pour ça d’ailleurs AUSSI que corrélativement nos directions syndicales partent en sucette.

Il faut commencer par là donc,syndiquer, organiser les colères, les faire devenir "conscience de classe". Organiser les forces et les volontés, dans le bon sens. Préparer le terrain. Tu ne sèmes rien sur une terre qui n’est pas labourée.

Autre "problème", c'est un hiatus, une apparente scission dans le mouvement, je m'explique : on a des luttes très fortes, des avant garde très pointues, très déterminées en France depuis 2 ans - je salue encore une fois les camarades de Goodyear, la SBFM , Renault, Saint Nazaire, Ford, les cheminots, La Poste, les profs, les sans papiers, et tant d’autres, encore en lutte actuellement .

Ce sont des "durs à cuire", admirables, et ils sont en guerre depuis bien plus longtemps que "nous", je parle du privé tertiaire (gros pourvoyeur d’emplois mais dramatiquement sous mobilisé), et bien plus férocement; oui, chapeau bas devant eux.

Oui, mais voilà, d’une part, nous ne savons pas comment bien aider cette "avant garde" (j’emploie le mot à dessein car ce sont bien des luttes "isolées" pas seulement isolées par la direction des syndicats, mais isolées dans le climat social général jusqu’à présent, disons que ce sont des "poches de révolte et de luttes"), et d’autre part, cette avant garde, pour des tas de raison, a fait les frais, pour le moment, du déclenchement d’une crise structurelle partielle "trop en avance" par rapport au reste du contexte , si vous comprenez ce que je veux dire. Les conditions ou possibilités d’autres luttes ailleurs plus étendues, d'une "extension du domaine de la lutte", sont seulement en train d’arriver maintenant pour la majorité des salariés, tous secteurs confondus.

Il faut tenir compte de cela aussi. Les fameuses conditions conjoncturelles, les circonstances historiques. Et les mentalités dominantes, dures à bouger! Et ce n’est pas en faisant le mariole pour "casser" les uns ou les autres que tu changeras quoi que ce soit aux faits. Qui sont têtus malheureusement.

Je peux rappeler le gros "plouf" qu’a fait le fameux "grève le 11 novembre" par exemple? Je signale aussi que selon certains, le 29 janvier au soir, touchants, qui prennent leurs désirs pour des réalités, la France entière devait entrer dans la grève générale pour ne plus en sortir avant d’avoir pendu le dernier banquier avec les tripes du dernier curé... (C'est pas forcément l'envie qui m'en manque....mais...Je cherche encore aux pylônes et aux arbres, ce fameux dernier banquier... Mais là tout de suite, j'vois rien...)

Perso', depuis que je suis syndiquée, et bien, tous les matins, psychologiquement, je "prends mon tracteur", je vais labourer "mon" champ. C -à -d mon entreprise et son entourage immédiat. Sillon par sillon, patiemment, en sachant que c’est un combat quotidien à recommencer sans cesse, demain j’aurais de la flotte averse pendant 3 jours, puis le gel, puis la grêle, que je devrais recommencer des tas de fois, mon labourage, mon semis, ma récolte....

Compte tenu des conditions historiques qui s’avancent, on peut refaire ce retard, ce décalage, pas pour "servir à la CGT", mais bien pour servir aux luttes et à l’émancipation des travailleurs par eux mêmes, pour eux mêmes, pour notre classe, pas pour un drapeau avant tout.

Je me place dans cette optique.

Je me suis fixé des objectifs pour le 19 mars : essayer de monter, avec d'autres, un embryon de coordination départementale, amener au moins une 10 aine de personnes de ma branche à ne pas travailler et à venir manifester en tenant une banderole CGT, même si elles n’y sont pas (encore ;-)), qu’elles voient que c’est possible, qu’on ne mord pas, qu’on est des "gens normaux", comme EUX, les aider à se frotter aux réalités de la lutte, leur donner envie de ne plus baisser la tête, de se révolter contre l"ordre des choses " si bien établi.

Pas seulement "contre Sarko" non mais contre toute la droite, contre la fausse gauche, dans son ensemble, MAIS surtout, contre le patronat, le grand possédant, qui possède même nos vies.Qui a droit de regard même sur nos rythmes biologiques, nos désirs d’enfants, nos besoins élémentaires. Leur dire qu'elles ne sont pas obligées d'accepter d'être licenciées "parce que c'est la crise" après 25 ans de bons et loyaux et service.

Qu’elles se sentent vouloir devenir des adultes autonomes, indépendants, que l’on doit respecter, qu’elles fassent "craquer les coutures" du vêtement social imposé par la bourgeoisie, et qu’elles disent "STOP", que les propriétaires du capital ne peuvent pas les humilier, maltraiter, voler, briser... comme ça impunément.Et que si il y a du fric, en France, et ailleurs, et bien on va aller d'abord le chercher dans LEURS POCHES, plutôt que dans les nôtres , celles de nos vieux, de nos gamins!

Voilà, ce n’est évidemment pas pour "parler de moi", mais c’est pour livrer mon expérience personnelle, de terrain, mes réflexions quotidiennes sur ce sujet, et dire que je suis en complet désaccord avec cette position infantilisante ("c'est la faute au chef"), qui finalement, si on la déroule jusqu’au bout, va simplement aller nous chercher un "autre chef à plume", un autre "grand leader" que ceux là , qui ne conviennent plus, et finalement, ce sera plus ou moins toujours pareil "à la fin" car le PROBLÈME EST AILLEURS que dans la couleur du cheval blanc d’Henri IV, ou du chat de Bernard...

Ce qui me gêne au fond dans cette position-là, si on va au fond des choses, c’est que je ne suis pas convaincue que tu aies envie de l’émancipation réelle des travailleurs, et moi je ne rêve que de ça, c'est une des conditions de la fin du capitalisme.

Et c’est pas Chérèque ni Mailly ni Thibault ni le Pape qui nous en empêcheront le JOUR Où LE MOMENT sera venu.

En revanche la bonne question, je pense, c’est : avons nous construit de quoi nous éviter le fascisme et l’extrême droite le jour où "ça va venir"? Ma réponse, hélas, à ce jour, c' est non.

C’est pour ça que en plus de mon activité syndicale je m’efforce ,avec d’autres de construire les possibilités d’une démocratie réelle, une démocratie prolétarienne, au cas où par hasard le capitalisme aurait encore qques décennies devant lui, qu’on ne les passe pas le nez dans la merde.....et bien sur, toujours , de ne pas perdre de vue la révolution c à d la fin du capitalisme et le début d’un nouveau jour....

Bref, désolée j’ai été longue mais je dois dire que ça me gonfle légèrement de lire ce type de réactions parce que je en vois pas en quoi ça fait avancer. Je préfèrerais largement que tu me parles de ton activité de terrain que tu t’ouvres à nous de tes idées pour construire le mouvement durablement. Les jaunes et les capitulards t’inquiète pas ils ne perdent rien pour attendre....

Mais dis moi, si ça se trouve tu n’es même pas syndiqué et tu considères comme de nombreux petits bourgeois que "c’est nul et ça n’en vaut pas la peine, ça ne sert à rien , car tous pourris"? non ?

La Louve"

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Et je conclurai ici en disant qu'on ne peut pas tout faire reposer sur le mouvement social et les syndicalistes, cela je le dis depuis longtemps et je le maintiens. Si le syndicalisme ne peut être "apolitique" comme le prétendent certains de façon hypocrite, il ne peut tenir lieu d'organisation politique au sens strict, en tout cas, pas pour des communistes ou des socialistes révolutionnaires.

Or, c'est une tendance forte actuelle dans de nombreux "partis de gauche" d'être "à la remorque" des syndicalistes, de vouloir les utiliser, les instrumentaliser, et cela aussi, ça me "gonfle".

C'est en plus nous prendre pour des abrutis, car on voit très bien que les manteaux qui sont sur les épaules de Martine, Vincent ou même Jean Luc, par exemple, sont les nôtres, qu'ils viennent des combats de classe que NOUS menons, en général sans leur aide, dans les entreprises, et qu'eux n'ont pas la légitimité pour les porter ainsi.Encore moins pour les revendiquer comme étant "les leurs"!

Il faut les deux et on doit travailler aux deux : mouvement social et mouvement politique. Un seul mouvement social ne règlera pas tout. On doit travailler, j'en suis plus convaincue que jamais, à pouvoir aller vers la démocratie prolétarienne, c'est cela que nous devons proposer, construire.

Il faut une force politique, y compris protéiforme, populaire, révolutionnaire, et un projet politique nouveau à opposer à la droite, à arracher le bras armé de la politique du Capital. Mais aussi au PS et à ses alliés implicites, deuxième fer au feu des patrons "au cas où". A bon entendeur...

Cela ne sortira pas de terre "tout seul" en revanche, et il faut y travailler ensemble (et le premier qui me parle "élections européennes" comme solution ultime à cette occasion a un gage!!).

Fraternellement


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