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Un échafaud pour quelques mots

Publié le 05 mars 2009 par Hortensia

Bloguer était devenue une sorte de drogue. Je me réveillais même parfois en pleine nuit, pour asseoir des bribes de mots, des pensées, des émotions. C’était devenu plus fort que moi. Je quittais mon écran tard le soir, encore hallucinée par la tournure d’un commentaire ; je m’endormais entrechoquée par l’écho d’un commentaire qui n’avait de cesse de résonner dans ma tête sans trouver sortie.

Je peux même vous raconter l’anecdote qu’il m’est arrivé hier. Je cherchais un peu vainement un vol pas cher pour me rendre à Barcelone. Cette lubie m’avait prise, allez voir la Sagrada Familia, monter les marches de cette cathédrale inachevée. Ses pierres, soudainement, me manquaient. Ses antres montants et étroits m’obsédaient. Je me visionnais sur les marches de l’édifice, regardant de temps en temps à l’extérieur, ses autres côtés, marrons. J’avais envie de me retrouver parmi les touristes et leur excitation à s’élever dans cette œuvre d’art, cette tour babelisante, jamais finie.

Je me retrouvais tard le soir à surfer entre opodo.fr, e-dreams.fr, easyjet.com et autres sites fournisseur d’envolées à portée de main. Je n’arrivais pas à trouver mon affaire. Tout dépassait mon budget. J’y allais à tâtons, je recherchais week-end après week-end… Rien n’y faisait, les prix gardaient la constante d’au-dessus des 100 euros… Et ce billet sur le blog ‘Un échafaud pour quelques mots’ sorti depuis des heures, sans aucune visite…

Je surfais, languissante, assise sur mon canapé-lit, déjà déplié, déjà confortable…Mes yeux se fermaient… Je m’assoupis… Les prix dansaient dans ma tête, les dates aussi… Et ce commentaire dont les mots peu à peu s’échappaient. Il était une fois une phrase… Un commencement… je n’arrivais plus à saisir une date sur le clavier, pour ma recherche… Quel temps perdu ! Tout valsait à présent, les mots,les dates, les prix tournaient et virevoltaient. Un rire retentit. Les verbes s’envolèrent, les mots s’échappèrent. Une voix solennelle m’annonçât que tout était à refaire. Aux oubliettes mon billet ! Les blocs de mots devaient être revus, taillés de nouveau. Tout cela manquait de structure, de style… Les fondations, elles ne tenaient plus ! Mais les dates se faisaient de plus en plus lointaines. Le modérateur du blog m’annonçât que tout était pris avant longtemps, ma pensée n’avait qu’à patienter un peu.

N’écrit pas qui veut ! Il faut se lever tôt ma petite ! Je restais perplexe dans mon désarroi… Ah, ah, ah ! Le rire retentissait de plus belle. Ce rire sardonique achevait en moi tout espoir de pouvoir atteindre la dernière marche d’une quelconque prose. Les virgules et les points n’étaient plus. Tout tombait dans un lent et douloureux fracas. Ma tour de mots n’était plus qu’un tas de pierres cassées.

Je me réveillais en sursaut. L’ordinateur était resté allumé et scintillait dans la pièce ennuitée. Une lueur se fit plus précise, je rechaussais mes lunettes. L’écran affichait un aller-retour pour la mi-juin à 89 euros. J’étais sauvée. La ruine n’avait été qu’un rêve.


photo tirée du blog Requiem pour une vie

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