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L'usage de la journée des femmes

Publié le 08 mars 2009 par Samiahurst @samiahurst
A quoi cela sert-il d’avoir une journée ?

Une sur 365 ?

Sinon à affirmer que le reste du temps, c’est OK que de moins compter ? Ambiguïté de toutes ces actions qui cherchent à mettre un groupe négligé en exergue et risquent par là de confirmer son statut particulier, habituellement inférieur. On a ainsi critiqué aux Etats-Unis le mois de l’histoire noire américaine. Ne s’agit-il pas de la même histoire que celle des autres, sauf qu’elle s’en trouve enrichie ? Bien sûr, l’enjeu symbolique est tel qu’il semble difficile de simplement rayer notre journée fuchsia du calendrier. Alors tant qu’à faire, si on s’en servait comme date de mesure pour des choses qui comptent, elles, vraiment ?

Disons que chaque année, on compte comme réussie une journée des femmes non pas au nombre de colonnes dans les journaux, de pages web, et de discours politiciens, mais sur la base de progrès sur des marqueurs mesurables, comparés à l'année précédente. Certains seraient plus difficiles à mesurer que d’autres. Certains relèvent du vœu pieux. Mais si l’échec signifiait que quelqu’un doit avoir honte devant une caméra, ne serait-ce pas déjà un tout petit progrès ?

Quelques exemples de ce qu’on pourrait choisir :

-Le nombre de filles de moins de 15 ans allant à l’école à temps plein devrait avoir augmenté.

-Le nombre de mariages contractés avant l’âge de 16 ans devrait avoir diminué.

Mais que peut-on faire depuis chez nous pour des trucs comme ça? En fait, beaucoup. Ne serait-ce que parce que les deux mesures précédentes passent en partie par un accès plus large à la contraception. Et là, on peut à la fois aider et s'abstenir de nuire. Car quand on ne se protège pas, on est enceinte plus jeune, on se déscolarise, rien de surprenant à ça. Une éducation sexuelle efficace n’est pas un luxe, c’est la pierre angulaire: pour des millions de jeunes filles, le pré-requis à une éducation tout court. Pour leur pays, un facteur de prospérité mesuré depuis longtemps, mais qui reste en retrait pour des raisons souvent dogmatiques.

Par ailleurs:

-On observerait une régression des 'crimes d'honneur' et une augmentation des pressions sur les états qui les tolèrent.

-Les femmes opposées à l'infibulation dans les cultures la pratiquant recevraient un soutien international pour faire œuvre de pédagogie.

-La traite et les réseaux d'exploitation sexuelle seraient non seulement criminalisés, mais on prendrait des mesures concrètes à leur encontre et on en quantifierait l'efficacité.

-etc...etc...

La liste pourrait se poursuivre très très longuement. Il y a bien sûr aussi un certain nombre d’enjeux plus locaux : l’égalité des salaires, un congé paternité, le retrait progressif des stabilisants des plafonds de verre, pour qu’ils deviennent enfin solubles dans les compétences. Même si, personnellement, je donnerais volontiers un pourcentage de mon revenu ou du temps de congé parental si cela pouvait acheter un meilleur avenir ne serait-ce qu’à une adolescente africaine, il n’y a pas de vraie raison pour se dire que ça doit être l’un ou l’autre.

Plus symboliquement, Simone Veil, qui reçoit parait-il encore parfois des lettres d'insultes le jour anniversaire de la mise en œuvre de la loi qui porte son nom, les verrait se tarir complètement. Les églises devraient sans doute avoir fait au moins un pas mesurable vers la parité en leur sein, et diminué de, disons 10%, leurs déclarations contraires à la parité vis-à-vis de l'extérieur. Mais là je fais sans doute preuve de vision à court terme. A long terme, il serait sans doute plus constructif que le Vatican, par exemple, prononce au moins une mesure ridicule à l’encontre de la condition féminine par année. Tant qu’une église demeure une institution intrinsèquement contrainte de refuser la parité, mieux vaut qu’elle se discrédite un peu régulièrement. Un exemple : la condamnation, 300 ans après Galilée, des gender studies. Je suis jalouse : c’est pas tous les jours qu’un champ scientifique a le prestige d’être condamné par un pape.

Des rêves que tout cela? Malheureusement, peut-être. Mais le genre de rêves dont le changement, parfois, se nourrit. Et puis pragmatiquement, il y a quelque chose que vous pouvez faire là tout de suite. Chaque jour, des femmes –et des hommes- ont besoin d’appui pour sortir de la pauvreté. L’organisation Kiva en recense un certain nombre, et leur acheminera vos prêts en ligne. C’est ici, et c’est très simple : si vous passiez y faire un tour ?


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