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Grand-Paris, le piège de Nicolas Sarkozy

Publié le 08 mars 2009 par Jean-Paul Chapon

article_paris2.1236536175.jpgJean-Paul Huchon remporte un manche a titré sur son blogue un journaliste de l’Express, une bataille peut-être mais pas la guerre. La temporisation apportée par le président de la République, Nicolas Sarkozy, à la question du débat sur le Grand-Paris n’est certainement pas un report sine die comme on a pu le lire ici et là. L’adhésion de l’UMP et du 92 à Paris-Métropole à la veille de la publication du Rapport Balladur est un cadeau qui devrait inciter ceux à gauche qui condamnent en bloc les propositions du Rapport Balladur, à réviser leurs classiques entre victoire à la Pyrrhus et Guerre de Troie, et répéter avec Virgile timeo danaos et dona ferrentes *, face à une UMP qui fera payer cher son ralliement à Paris-Métropole, sorte de sauvetage d’un syndicat mixte d’études qui patinait et risquait de se transformer à Paris-Est, « syndicat des frustrés qui se réunissent pour essayer de piquer du pognon aux autres » comme l’avait dit Bernard Gauducheau, le maire NC de Vanves lors d’une séance de la Conférence Métropolitaine le 5 novembre 2008.

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Quel consensus et quelle audace peut-on attendre d’un Paris-Métropole, composé d’élus qui soient combattent l’idée d’un Grand-Paris et préfèrent le moyen terme d’un syndicat sans pouvoir, et surtout d’élus qui n’ont même pas le courage politique de s’emparer d’un rapport Balladur, certes bien perfectible, mais qui aurait pu leur servir de base de travail ? Sans parler de sujets qui fâchent comme la solidarité financière, la répartition du logement social, ou l’éternel rééquilibrage Est-Ouest, prenons un sujet plus consensuel comme les transports, qui touchent tout le monde, à droite et à gauche, à l’Ouest comme à l’Est, au Nord et au sud.

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L’urbaniste Philippe Panerai conclut son livre Paris Métropole ** par une formule d’une très grande justesse parce que la ville aujourd’hui est mobile et que son périmètre se définit par son offre et/ou sa capacité de mobilité : « la carte d’un Grand-Paris plus juste et plus solidaire sera le plan de ses transports en commun. » Et ce sont peut-être les transports qui seront l’élément déclencheur de la création d’un Grand-Paris. Le jour où l’exaspération face à la dégradation des transports parisiens atteindra son comble, Nicolas Sarkozy aura beau jeu d’attaquer la région, en charge des transports via le STIF et se débarrasser d’un Jean-Paul Huchon, président de la région et du STIF, qui aura intérêt à bétonner son argumentaire pour les prochaines régionales. Et en même temps, il jouera sur du velours pour dénoncer l’impuissance d’un Paris-Métropole réduit à ne proposer autre chose que des études, et ce n’est pas avec des études qu’on contentera les électeurs. Allez expliquer sur le quai d’un RER à des usagers (électeurs) en carafe en fin de journée à la Défense, ou à Auber ou aux Halles que Paris-Métropole est là et qu’il fait des études. Ce serait un peu démagogique, mais certainement efficace sur un tract électoral ! Et même si Paris est sa banlieue a suivi et soutenu l’initiative de la Conférence Métropolitaine, il faut reconnaître que son efficacité est tout de même plus que limitée. Rappelons-nous tout de même que la Conférence Métropolitaine s’était prononcée dès sa session de Montreuil en novembre 2006 pour la construction d’une rocade de banlieue à banlieue, du type Métrophérique, qu’en est-il aujourd’hui deux ans et demi plus tard ? Une inclusion au forceps et encore par tronçon dans le SDRIF, des études pas assurées sur un premier arc avec Orbival et un doute persistant sur la nature de cet Arc-Express : petite ou grande couronne ?

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Et quand tous les franciliens, parisiens, petits et grands, s’apercevront que leurs élus sont dans l’incapacité de régler leurs problèmes quotidiens à commencer par les transports, mais aussi le logement, le développement économique ou encore la sécurité, ils finiront par comprendre que ce n’est pas au niveau local, mais au niveau de la métropole que tout doit se régler (métropole qu’ils vivent sans le savoir, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose). Nicolas Sarkozy n’aura plus qu’à cueillir un fruit bien mûr, proposer sa vision et ses solutions tout en dénonçant des élus locaux qui devant l’audace d’une réforme ont préféré la défense de leurs intérêts corporatistes d’élus, leur fonction et leur salaire, plutôt que de se saisir à bras le corps du débat. Le PS condamne en bloc les 18 propositions du rapport Balladur ? Que propose-t-il comme alternative ? Des voix se sont déjà fait entendre, comme celle d’André Vallini, président du Conseil Général de l’Isère et membre du comité Balladur pour condamner cette attitude, comme l’a fait le maire PC de Sevran, Stéphane Gatignon. Hier c’est Manuel Valls qui salue « l’ambition juste de la commission Balladur », même s’il fait des critiques sur la proposition du Grand-Paris, « insuffisante ». Mais cela fait peu de monde aujourd’hui…

Du côté de l’UMP, le président du Conseil général des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian, a déclaré dans le Figaro que “rien n’est abandonné” des propositions du Comité Balladur sur le Grand Paris, et préconise une consultation des Franciliens sur ce projet. “Le président de la République a simplement voulu donner du temps à la réflexion“, ajoute-t-il, et “nous attendons notamment les conclusions” du secrétaire d’Etat au Développement de la région-capitale, Christian Blanc.

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Et pendant ce temps, le piège de Nicolas Sarkozy se met en place. On voit ces images distillées les unes après les autres du Grand-Paris des 10 cabinets d’architectes : “intéressant” me disait un ami socialiste, responsable local, qui est séduit par de belles études d’urbanisme, des tours ici, un parc de la Courneuve façon Central Park, un métro sur le périph… Des images mises en scène sans trop de commentaires par les journaux. Bref, du teasing et de la séduction. Loin de moi de critiquer les travaux des dix équipes dont Paris est sa banlieue avait salué l’intérêt des pistes préliminaires (le métro sur le périph tout de même, plus nul comme prise en compte des besoins de la métropole, mérite un mur du çon urbanistique alors qu’on aura déjà dépensé un milliard ou à peu près pour un tram à 200 mètres, et qu’on enterre Métrophérique ;-). Mais là, il s’agit d’une campagne de presse habile, on vend de l’image, du rêve et de la modernité, chose que n’a pas su faire le Comité Balladur avant de dévoiler son rapport (mail envoyé par Paris est sa banlieue au contact du site du comité et resté sans réponse à ce jour). Nicolas Sarkozy est en train de se construire son image positive du Grand-Paris, séduisante et moderne, visionnaire et tournée vers l’avenir alors que les adversaires du Rapport Balladur sont en train de se ringardiser dans une attitude corporatiste et archaïque, de défense des intérêts d’élus repliés sur eux-mêmes et sur le passé.

Aujourd’hui, Nicolas Sarkozy temporise, le climat ne se prête pas à la réforme, pas tout de suite. Mais après, à la première opportunité, il ne restera plus au président qu’à refermer son piège et créer Son Grand-Paris…

* timeo danaos et dona ferrentes je crains les grecs, surtout quand ils apportent des cadeaux, Virgile - Eneide (II 49), j’ai toujours aimé cette citation de la mise en garde de Laocoon devant le Cheval de Troie, que l’on retrouve également dans différents Astérix dans la bouche du vieux pirate ;-)

** Paris Métropole, formes et échelles du Grand-Paris - Philippe Panerai - Editions de la Villette - 2008

Jean-Paul Chapon


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