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Banque et bourse : changement de business model / par Alain Sueur

Publié le 09 mars 2009 par Argoul

Février est passé et la déprime reste là, en toile de fond. Encore de -18% (Nasdaq) à -25% (Dow Jones) depuis le 1er janvier (-20% pour le Cac40) – mais la Chine se redresse (+19% pour le SSE composite), comme la Corée du sud (+5%). Résistent sur le Cac40 un peu le pétrole, la santé et les télécommunications. Les prévisions actualisées du FMI, de la Banque Mondiale, de la Commission Européenne, les discours d’Obama, de Bernanke et de Christine Lagarde, vont tous dans le même sens : c’est plus grave que prévu, la reprise sera plus lente et plus longue qu’anticipée. Les optimistes irréductibles en appellent au cycle Kondratiev – c’est dire qu’ils n’ont guère d’arguments de plus court terme à faire valoir… Ne voilà-t-il pas près de 15 ans que l’on nous vante ce fameux début de Supercycle tiré par les technologies de l’information et de la communication ? Y aurait-il TIC idéologique pour balayer les questions sociales sur la création d’emploi, l’investissement et la répartition des gains ?

Les autorités font ce qu’elles peuvent, rappelons chronologiquement :

  • Baisse des taux
  • Renfort aux ratios des banques pour qu’elles puissent prêter
  • Baisse d’impôts
  • Soutien keynésien à la consommation dans certains pays
  • Soutien bismarckien à certaines industries vitales pour l’emploi (notamment automobile, mais aussi restauration et travaux publics)
  • Politique visant à laisser filer la devise pour exporter mieux
  • Filets sociaux plus serrés (en Chine où ils étaient quasi inexistants, mais aussi aux États-Unis sur la santé et en France pour les chômeurs)
  • Discours rassembleurs, donc protectionnistes, le ‘nous’ ne se constituant que contre un ‘eux’, comme le dit si bien sur les ondes ces jours-ci Régis Debray (Le moment fraternité).

Mais il faut laisser du temps au temps. Or le marché a pris l’habitude d’être fébrile, il suffit d’écouter la radio BFM un quart d’heure ou de regarder Bloomberg TV pour être pris de tournis : vite ! vite ! il faut entrer ! sortir ! écouter le dernier chiffre ! il est vital, absolument vital, pour toute l’épargne de votre vie ! C’est probablement ce modèle économique de trading qui est condamné, ces comportements de speedés permanents, formatés marketing des années 1980. Le récent business model des banques espérait dégager du capital pour spéculer, les ratios Bâle II évaluant leurs actifs par modèles internes, en mark to market. Ce néo modèle économique des années 2000 a fait Pfuit ! Fini le virtuel du risque en pyramide. Pour investir, une banque se devra désormais (et comme avant) de posséder des capitaux propres et des actifs en garantie suffisamment sains pour être vendables tous temps. C’est dire combien les flambeurs vont être mis en veilleuse et combien « le risque » devient un mot grossier. C’est dire aussi combien la « réactivité » de l’économie américaine (à laquelle je souscris) sera cette fois-ci beaucoup moins vive – contrairement à ce qu’espèrent beaucoup.

2009 03 05 volatilite VIX

Nous voyons dans ce changement de paradigme du métier la cause des errements actuels de la bourse. Une période où chacun cherche de nouvelles marques n’est pas propice à un quelconque consensus haussier. La mesure de la volatilité (VIX) reste élevée, un indice boursier prenant 2% une journée pour en perdre 3% le lendemain, sans guère d’informations « vitales » neuves. Les banques et certaines assurances découvrent chaque semaine dans leurs placards connus des cadavres entassés, sans parler des placards oubliés dans des caves obscures que l’on finit forcément par soupçonner à force de mauvaise « transparence ». Les paroles lénifiantes du « tout va bien Madame la marquise » commencent à devenir usées à force de servir dans les claques où les milliards sont flambés sans que l’on sache comment. Le placard d’AIG est certainement l’armoire de Barbe Bleue la moins Disney ces derniers temps… N’est-ce pas toute une génération « arrivée » qui – comme en 1987 mais à une plus grande échelle – devra être balayée par le nouveau business model exigé ?

Notre dernière note de stratégie pouvait avoir un air de printemps qui revient. C’était surtout un effet de titre, puisqu’elle s’intitulait « Rebond de mars à juillet ? ». L’essentiel était dans le point d’interrogation car il y était explicitement exposé : « Les investisseurs long terme ne bougeront pas sur les actions ; les spéculateurs actions pourront regarder le marché. (…) Nous l’avons dit, pas de reprise économique viable avant 2010 - si les scénarios raisonnables s’avèrent. Nous l’avons dit aussi, la bourse anticipe toujours, en général de 6 mois. Mais les anticipations ne sont pas à l’abri de faux départs, ou de déceptions cruelles. » Nous n’avons pas changé d’avis, une stratégie n’est pas composée pour le prochain 7h30 sur la radio à la mode.

  • SI les scénarios raisonnables s’avèrent, nous aurons une reprise économique en 2010. Elle partira des États-Unis, à condition que la Chine tienne socialement et que l’arc Pakistan-Afghanistan-Pakistan n’explose pas.
  • SI la nouvelle aversion au risque induit un changement durable des modèles économiques des industriels comme des banquiers (ce que nous croyons), la reprise économique sera lente et douloureuse. Pas avant 2010 donc, et aux États-Unis en premier, tout de même plus réactifs aux nouveaux business models que nos banquiers européens (qui sont moins atteints, donc seront moins incités à changer).
  • SI les annonces négatives des établissements financiers se tarissent enfin, la bourse pourra anticiper - pauvrement, mais positivement – car des indicateurs cruciaux se sont stabilisés (Euribor, Baltic Dry, parité dollar). Cela ne pourra se produire qu’entre mars et juillet pour raisons de saisonnalité déjà exposées (l’été, la liquidité se tarit et, dès l’automne, il s’agit de consolider les performances des portefeuilles). Ce sera un faux rebond, une pause dans le trend qui reste baissier tant que le système n’a pas purgé. Mais ce sera un rebond et il peut être (en relatif) violent, tant les cours sont tombés à de bas niveaux pour certains titres – qui ne sont industriellement pas plus mal en point aujourd’hui qu’ils ne l’étaient hier (par exemple Total). Cette violence peut représenter 20 à 30% de rebond, en quelques semaines. Rebond qui sera fragile, tant la tentation légitime de prendre son bénéfice sera forte.

Ce pourquoi « les investisseurs long terme ne bougeront pas sur les actions » et seuls « les spéculateurs actions pourront regarder le marché. »


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