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HADOPI, la dernière danse des lobbyistes

Publié le 09 mars 2009 par Careagit

Tiens donc, un billet réaction pour débuter la semaine. Ce week end, Toréador prévient dans la liste de discussion Google qui permet aux gentils Kiwis de converser entre eux. Il va pondre un billet sur Hadopi en tapant sur tout ce qui bouge, histoire de réveiller les avis et de (re) lancer le débat. Ce matin, le bougre s'exécute. Tiens, c’est l’occasion d’en parler. Alors parlons-en. Pour commencer, il n’est pas totalement inutile de rappeler que cette question respire le raisonnement binaire (télécharges-tu cher lecteur ?), marqué par plusieurs tabous. Le premier, le tabou du vol de masse. Car il ne faut pas se tromper, ce débat oppose tout un chacun, coupable, un jour, d'avoir touché de prés ou de loin a un fichier piraté, aux industriels et aux artistes soit disant honteusement floués. D'un côté, Hadopi, cette loi plus ou moins pondue par l'ex boss de la Fnac (question indépendance on a fait mieux...) emmerde profondément les internautes que l'on ose déranger tranquillement la main dans le sac et il réjouit les industriels du secteur qui, faveur des faveurs, trouvent en ce texte une loi capable de garantir à plus ou moins long terme, leurs chiffres et leurs profits.
La vérité, ou plutôt, ma vérité, c'est que l'industrie du disque doit faire face à plusieurs changements profonds de ses marchés et qu'elle n'a pas su, le moment venu, suivre la voie du changement. Lorsque le marché change, l'offreur doit suivre (a défaut d'avoir su précéder ou initier le changement), c'est une règle basique de tout bon pilotage d'entreprise. Dire cela c'est insuffisant et pour le moins inefficace. Avançons donc si vous le voulez bien.
La première révolution ratée fut celle du format numérique. Avec une offre (très) tardive sur la toile, l'industrie du disque n'a pas su combler le trou d'air qui s'est soudainement créé sur le marché du bon vieux CD. Il faut dire que Steve Jobs est passé par là et que l'iPod (et ses concurrents) ont modifié les manières de consommer de la musique. Terminé le CD, sa boite en plastique et son livret promotionnel, bonjour la bibliothèque musicale et l'alignement des morceaux les uns à la suite des autres, complètement dépourvus d'artifices marketing, place à la pureté de la musique en somme. Le CD est mort, vive le CD pourrait on dire. Tout au long de la journée, le disque n'a plus sa place. Le matin, les bases, ordinateurs et autres chaînes MP3 règnent sur le réveil des mélomanes, dans les transports, terminé les CD's, vive le format numérique et son offre bien plus étoffée, le soir, dans la voiture ou ailleurs, les câbles ou les transmetteurs FM remplacent les chargeurs CD. Non, décidément, le disque n'a plus sa place. Et pourtant, les majors persistent dans le schéma économique de la vente sur support CD. Le support « single » par exemple, est une hérésie qui symbolise à elle seule tout le décalage existant entre le mode de consommation « de mass music » et l’offre stupide de deux ou trois pistes audio sur un CD, le tour emballé dans une pochette cartonnée ! En 2008, le support « single » tire les ventes dans le rouge avec un recul de près de 42 % ! Depuis quelques années maintenant, les maisons de disques poussent à la marge la consommation de musique par téléchargement, il serait temps d’y consacrer plus de moyens… En 2008, le canal de vente en ligne ne constituait (que) 6% du chiffre d’affaires du secteur pourtant en progression de +57% par rapport à 2007 pour un chiffre d’affaires de presque 62 Millions d’Euros.
Mais le cœur de la révolution d’ores et déjà en route du marché de la musique se situe ailleurs. La question n’est pas seulement une question de support. A ce propos, consommateurs, internautes, majors ou institutionnels persistent dans ce débat, à tord, je le crois.
Pour s’en convaincre, il suffit de poser la question à des « pirates ». Seriez-vous prêt à payer 1 euro, 50 centimes ou même 2 centimes pour un morceau de vos artistes préférés ? Et ce, alors même que votre menu démarrer vous propose le logiciel de téléchargement gratuit juste en dessous du payant ?
Je suis curieux de connaître la (les) réponse(s). Tout ces faisceaux d’indices conduisent à un constat, désagréable pour les artistes, je veux bien le croire, mais pourtant diablement criant. La chanson, l’album et son support (numérique ou CD) sont passés de statuts de produits à part entière à ceux de produits d’appels. Pour les non initiés aux techniques marketings, le produit d’appel est un produit souvent à bas prix, poussé en avant par l’offreur pour attirer le consommateur sur une autre offre, sur laquelle est réalisée l’essentiel du chiffre et donc de la marge.
Dans le sujet qui nous intéresse, il semblerait ainsi que l’œuvre culturelle (album) pousse le consommateur dans les salles de concerts, remplissant du même coup les portefeuilles des artistes concernés. Prenons l’exemple des revenus des artistes américains l’an passé. En la matière, difficile de trouver mieux, ce sont eux qui trustent les marchés mondiaux.
Le classement 2008 place Madonna en tête avec un gain de 242 millions de dollars devant Bon Jovi qui aurait gagné 157 millions de dollars comme Bruce Springsteen du reste. Suivent Police, Céline Dion, Kenny Chesney, Neil Diamond, Jonas Brothers ou encore Coldplay.
Est-ce un hasard ou doit on y voir là la confirmation de mes propos précédents, il se trouve que les 5 premiers de ce classement constituent également le top 5 des plus grosses tournées. De plus, figurez-vous que Madonna, pourtant en tête au palmarès des gains 2008 a placé son album en 50ème place seulement des meilleures ventes d’albums et 14ème place en terme de ventes en ligne ! Comment a-t-elle fait pour gagner autant d’argent grâce à son travail avec si peu de ventes effectives de son album ?
Retour en France, ajoutons à notre argumentation ce rapport, publié par le Centre National de la Chanson de la Variété et du Jazz, qui fait état d’une progression de 5% de la fréquentation des concerts et spectacles de 2006 à 2007 et ce, malgré une hausse des tarifs de près de 8% (+25% sur 3 ans). Replacé dans le contexte économique, notamment en termes de pouvoir d’achat, cette progression a tout de remarquable.
Une fois resituée dans son contexte, cette loi Hadopi présente donc tous les aspects de la dernière bouée de sauvetage envoyée par le pouvoir sous pression des lobbies. Car les chiffres désagréables des téléchargements signent en fait le décalage criant entre les modes de consommation du marché et l’offre. Le marché considère l’album comme un produit d’appel lorsque les majors persistent à centrer leurs business model sur la vente de disques, en majorité sur support CD. Ajoutez à ce cocktail la première « réussite » (il ne s’agit pas là d’une critique musicale mais économique) d’autres modèles de distribution de musique et vous obtiendrez le tableau actuel de colosses aux pieds d’argiles, les joues rouges de honte de n’avoir pas su, le moment venu, suivre les évolutions de leurs marchés.
Dans ces cas là, il est donc normal que la sanction soit rude. Hadopi ou pas Hadopi, pour l'industrie du disque ce sera "changer ou mourir"...

Lire sur le même sujet, Toréador.


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