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L’extension du “Secret défense” relance la polémique sur les atteintes aux libertés publiques

Publié le 12 mars 2009 par Hmoreigne

 Nicolas Sarkozy, un président liberticide ? C’est la question posée par le PS avec la publication d’un livre noir au titre évocateur :”La France en libertés surveillées, la République en danger”. Une compilation de 170 pages des coups de canifs portés par Nicolas Sarkozy aux libertés publiques depuis son arrivée à l’Elysée. A force d’être en retard sur l’actualité dans ses ripostes, le PS finit par être à l’heure. «Il reste quelques pages blanches à la fin, à compléter. Par exemple avec l’extension du secret défense…» a malicieusement glissé Martine Aubry lors de la conférence de presse de présentation de l’ouvrage.

Nicolas Sarkozy le magicien sait que quand on veut réussir un tour de passe-passe, il faut arriver à détourner l’attention de son auditoire. En attirant l’opinion publique sur le terrain de la participation de la France au commandement intégré de l’Otan, le président évite que ne soit abordé, autrement qu’entre initiés, la question délicate de l’extension du secret défense.

Heureusement, comme le rappelle Edwy Plenel de Médiapart , la démocratie a encore des vigies. Jean-Louis Bianco, Dominique Barella, ancien président de l’Union syndicale des magistrats, ou encore, le Syndicat de la magistrature.

Le 29 octobre 2008 un projet de loi est déposé à l’Assemblée nationale. Il suit son cheminement normal, examen par la commission de la défense nationale, la commission des lois et la commission des affaires étrangères. Le texte n’est pourtant pas anodin. Il porte sur la discrète insertion par le gouvernement dans le projet de loi de programmation militaire 2009-2014 d’un chapitre VI ” Dispositions relatives au secret de la défense nationale “. Le contenu est aussi simple qu’inquiétant : Elargir le champ d’application du secret défense et limiter les pouvoirs d’enquête des juges d’instruction.

Si les parlementaires socialistes ont semble-t-il joué les abonnés absents sur le dossier, la rue de Solférino a sauvé l’honneur. Dans un communiqué de presse diffusé le 10 mars, le bureau national du PS s’est déclaré opposé à l’extension du secret défense jusque là réservée à des documents classifiés (et à quelques locaux ainsi identifiés par le code pénal).  “La qualification de secret défense serait étendue à des locaux publics ou privés sans que ceux-ci soient identifiés au préalable avec précision. Ces dispositions sont inacceptables car elles constituent une entrave au fonctionnement normal de la justice et érigent une autorité administrative indépendante en censeur du juge judiciaire”.

Même son de cloche du côté des deux principaux syndicats de magistrats. “C’est un texte inédit et scandaleux à la constitutionnalité douteuse”, “C’est un nouvelle étape dans la reprise en main des juges par le pouvoir politique”, a affirmé Laurent Bedouet, secrétaire général de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire). Le syndicat de la magistrature (SM, gauche), relève qu'’”alors qu’en l’état du droit, seuls des documents peuvent être classifiés, le projet de loi prévoit de protéger des lieux entiers” et retient que ce nouveau texte vise “à la fois à étendre le champ du secret-défense et à limiter drastiquement les pouvoirs d’enquête des juges d’instruction”.
Pour le SM, ce texte “a été conçu à la suite d’investigations qui ont semé l’émoi dans les milieux politiques et militaires”: l’instruction de l’affaire de la vente de frégates françaises à Taïwan qui s’est terminée par un non lieu en France mais a abouti à des condamnations à Taïwan.

Le projet de texte prévoit en effet, que lorsqu’une perquisition est envisagée dans un lieu protégé par le secret défense, elle ne peut être réalisée qu’en “présence du président de la commission consultative du secret de la défense nationale” ou l’un de ses représentants. Toute perquisition “doit être précédée d’une décision de déclassification temporaire aux fins de perquisition”.

Edwy Plenel avance que “si ce projet de loi passe, un simple décret désignera les lieux classés secret défense” et que l’extension ainsi permise permettra de couvrir des lieux « susceptibles d’abriter des éléments classifiés » parmi lesquels, outre des « services administratifs sensibles », « certains locaux d’entreprises privées intervenant dans le domaine de la recherche et de la défense », en clair des entreprises privées du secteur de la défenses souvent citées dans des affaires de corruption au niveau international.

Autrement dit, le ministre de l’intérieur d’hier qui dénonçait les zones de non droit dans les banlieues veut offrir comme président de la république des sanctuaires juridiques taillés sur mesure aux milieux d’affaires amis. 

La philosophie générale du texte est aussi limpide qu’éloquente. Elle part du postulat exprimé dans l’exposé des motifs qu’un magistrat ou un enquêteur représentent une menace en terme de divulgation d’informations et que par conséquent, la justice ordinaire ne peut agir “ordinairement” dans tout ce qui touche au secret défense. Il faudra systématiquement, préalablement, une “décision de déclassification temporaire aux fins de perquisition.

Pas d’inquiétude répond le gouvernement, la décision de déclassification relève de « l’autorité administrative compétente », laquelle peut aussi bien ne pas donner suite à la demande ou, si elle l’accepte, l’encadrer dans le temps et la limiter dans l’espace. On pourrait en sourire si l’affaire n’etait aussi grave.

Tout le début de mandat atteste que l’Elysée fait peu de cas de l’indépendance des autorités administratives. La nomination de François Pérol à la tête de la fusion des BP et Ecureuil, dernier exemple en date, atteste d’un mode de gouvernance très spécifique à Nicolas Sarkozy. Un exercice du pouvoir critiquable, inquiétant et inédit comme le souligneMarie-Pierre de la Gontrie, la Secrétaire Nationale du Parti Socialiste chargée des libertés publiques et de la Justice.


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