Magazine Politique

La lettre du Pape (2) - La levée d'excommunication

Publié le 13 mars 2009 par Hermas

L'information donnée par la lettre du Pape sur la levée de l'excommunication elle-même est simple. Si simple qu'elle permet de mesurer le caractère démesuré, voire absurde, des réactions que cette levée a suscitées. Elle assigne clairement la "signification positive" et les "limites" de cette décision.

Le Saint-Père rappelle que les quatre évêques concernés ont été " ordonnés validement mais non légitimement ", ce qui est, sur le principe, une manière de rappeler aux destinataires premiers de la lettre que ces évêques sont, malgré tout, leurs frères dans l'épiscopat. Cette situation ayant créé un danger de schisme, ces évêques ont été frappés de la peine canonique la plus sévère, l'excommunication, pour les amener à repentir et à l'unité. Ayant constaté que ce but n'avait pas été atteint, le Pape indique que la fonction pédagogique de la sanction peut aujourd'hui être assurée par sa levée, comme une " invitation à la réconciliation avec un groupe ecclésial impliqué dans un processus de séparation ". Cette description rend parfaitement raison d'une tendance qui éloigne toujours plus ce groupe de l'Eglise et qui, si rien n'est fait pour l'enrayer, risque fort de le conduire à une constitution sectaire.

Cette invitation a été rendue possible à la fois parce que les intéressés ont " exprimé leur reconnaissance de principe du Pape et de son autorité de Pasteur ", malgré les limites et les évidentes équivoques de cette expression, et parce que Benoît XVI, dont on sait que, comme cardinal, il a longuement traité avec Mgr Lefebvre pour le règlement de sa situation, a lui-même fait l'expérience que " l'humble geste d'une main tendue " vers certaines communautés auparavant séparées de Rome avait permis de " dépasser des positions unilatérales et (d')atténuer des durcissements, de sorte qu'ensuite en ont émergé des forces positives pour l'ensemble ". On pense bien sûr aux membres "dissidents" d'Ecône, qui ont créé différentes Fraternités sacerdotales [Saint-Pierre, Bon Pasteur, etc.], au monastère du Barroux ou à l'ancienne communauté sédévacantiste qui a laissé place à la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier.

Ces groupes, qui étaient parfois fort loin de Rome, surtout ce dernier, ont été accueillis en 1988 ou depuis lors avec une générosité inespérée pour se voir octroyer un statut canonique qui ne l'était pas moins. Malgré les grincements de dents alors provoqués dans l'épiscopat par cette ouverture, ces communautés se sont intégrées, avec leurs spécificités. Cette intégration serait parfaite si l'hostilité à leur égard était tout à fait désarmée, ce qui est loin d'être toujours le cas, et si, il faut le dire également, les "durcissements" évoqués par le Pape avaient eux-mêmes disparu chez ces communautés au lieu d'être seulement "atténuées".Ces raideurs, qui portent sur la liturgie et le Concile, favorisent objectivement les incompréhensions réciproques et les méfiances de l'épiscopat. Les contradictions, " suffisance et présomption, fixation sur des unilatéralismes, etc. ", évoquées par le Pape dans sa lettre, au sujet de la Fraternité Saint-Pie X, sont le fait de bien d'autres traditionalistes, clercs ou laïcs, qui ont aujourd'hui place dans l'Eglise. Quoi qu'il en soit, ce que le Pape entend montrer ici, c'est que la voie vers l'unité est possible, et que cela suffit pour qu'elle soit suivie.

Le Pape rappelle cependant que la levée des sanctions contre les quatre évêques, disciplinaire, n'a qu'un caractère personnel. Elle n'a pas de portée institutionnelle. La Fraternité saint-Pie X n'en est donc pas "reconnue". Elle " n'a pas de position canonique dans l'Eglise ", et aussi longtemps qu'il en sera ainsi, " ses ministres - même s'ils ont été libérés de la punition ecclésiastique - n'exercent de façon légitime aucun ministère dans l'Eglise ". Ceci affecte toujours, dit en passant, la validité même des mariages dont ils reçoivent les consentements et des absolutions sacramentelles qu'ils prononcent. La Fraternité Saint-Pie X demeure dissidente, étant rappelé que son admission dans l'Eglise est liée au règlement de questions doctrinales toujours en suspens, lesquelles " regardent surtout l'acceptation du Concile Vatican II et du magistère post-conciliaire des Papes ". C'est pourquoi la Commission Ecclesia Dei, compétente en la matière depuis 1988, sera désormais rattachée à la Congrégation pour la doctrine de la foi.

Cette initiative est particulièrement heureuse. Elle devrait contribuer, au premier chef, comme c'est son objet déclaré, à favoriser le dialogue avec la Fraternité Saint-Pie X. Cependant, comme nous l'avons vu plus haut, les remarques du Pape à son égard pourraient bien s'appliquer aussi à des traditionalistes aujourd'hui "reconnus", dont il est frappant de constater que leurs clercs, assez généralement, se gardent d'invoquer le Concile Vatican II dans leurs enseignements - comme s'il n'existait pas. Il y a peu de temps encore, il nous était infligé d'entendre, dans l'homélie d'un prêtre d'une Fraternité bien établie à tous égards, opposer le " calendrier liturgique catholique " à celui de la nouvelle liturgie. Lapsus ? Peut-être.

Le rattachement de la Commission Ecclesia Dei, par un double effet, pourrait permettre non seulement de faire sortir les communautés qui en dépendent de leur isolement mais aussi de mieux faire comprendre à leurs membres que leur appartenance à l'Eglise ne résulte pas seulement d'un statut canonique privilégié mais d'une pleine acceptation du Magistère vivant, lequel s'étend à la totalité des enseignements de l'Eglise. Le propos concerne la Fraternité Saint-Pie X mais il peut s'étendre très au-delà : " On ne peut geler l'autorité magistérielle de l'Eglise à l'année 1962 - cela doit être bien clair pour la Fraternité ", souligne avec force le Pape. Le propos va si loin, d'ailleurs, qu'il s'étend à ceux qui invoquent le Concile comme d'autres invoquaient le vain "Seigneur, Seigneur" que fustige l'Evangile. A ceux-là, qui sont de ceux qui font mine de craindre que le Pape " ne revienne sur les acquis du Concile ", comme à tous, le Saint-Père rappelle que ce dernier " renferme l'entière histoire doctrinale de l'Eglise ", sans rupture de l'arbre auquel il est rattaché. Il s'agirait peut-être, cinquante ans plus tard, d'en prendre enfin conscience, sans ajout et sans retranchement.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Hermas 907 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog

Magazines