Lors de sa dernière sauterie télévisée consacrée à la crise, en février dernier, Nicolas Sarkozy avait annoncé qu’il allait proposer aux partenaires sociaux d’augmenter les indemnisations pour le chômage à temps partiel. En effet, celui-ci avait déclaré avec son autosatisfaction coutumière :
« Je vais proposer à toutes les organisations syndicales ou patronales de les recevoir le 18 février prochain et je souhaite qu’un des sujets qui soient mis sur la table soit celui-ci : comment on indemnise le chômage à temps partiel ? […] Je préfère que les gens soient en activité partielle, qu’ils conservent leur contrat de travail dans l’entreprise plutôt qu’on les mette dehors ».
Que signifie cette annonce ? Du vent, hélas, comme tout ce que peut raconter le Leader Minimo pour amuser la galerie. Le patronat ne semble guère disposé à traduire dans les faits les exigences présidentielles.
A titre d’illustration, prenons l’exemple d’un secteur relativement mal connu des citoyens : le notariat. Cet exemple est pris à dessein, dans la mesure où le notariat n’est pas ce que l’on pourrait qualifier de secteur sans avenir. Chaque année, le notariat représente un chiffre d’affaires d’environ cinquante milliards d’euros, ce qui a notamment pour effet de susciter la très forte jalousie d’autres professions juridiques (les avocats en particulier) qui aimeraient voir tomber le monopole de la publicité foncière.
Cependant, la crise est bien là et de nombreuses Etudes de France connaissent depuis plusieurs mois d’importantes difficultés liées, entre autre, à la chute significative des transactions immobilières et au fait qu’un très grand nombre d’Etudes en milieu urbain se soit spécialisé dans cette activité.
Si les notaires sont loin d’être sur la paille (un notaire associé à 4.000 € mensuels est par exemple un « smicard » dans la profession), il n’en va pas de même pour celles et ceux que l’on appelle affectueusement « les petites mains du notariat », c’est-à-dire les clercs et employés de notaire qui gèrent les dossiers jusqu’à la signature. En effet leur situation s’est sensiblement dégradée depuis plusieurs semaines. Fin décembre, ce sont environ 1500 emplois qui ont disparu. Le mois de janvier n’a guère été meilleur et tout semble indiquer que la tendance n’est pas prête de s’inverser.
Au lieu de proposer le recours au chômage partiel et de traduire ainsi dans les faits la volonté du Président de la République, le notariat préfère opter pour des modifications unilatérales et non négociées des contrats de travail. De plus en plus de salariés du notariat sont confrontés aux exigences de leurs employeurs à vouloir baisser leurs temps de travail et leurs salaires. Le motif avancé est toujours le même à peu de chose près : « C’est la crise. Soit vous acceptez la baisse de votre temps de travail et de votre salaire, soit c’est le licenciement pour raison économique. »
L’entourloupe consiste donc à proposer la modification du contrat de travail avec baisse corrélative du salaire sur le fondement de l’article L 1222-6 du code du travail qui énonce que:
« Lorsque l’employeur envisage la modification d’un élément essentiel du contrat de travail pour l’un des motifs économiques énoncés à l’article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. »
Or, les motifs économiques justifiant une modification essentielle du contrat de travail doivent être en principe démontrés à l’employé par l’employeur. Mais rares sont les notaires qui se livrent à des explications circonstanciées.
C’est la crise… Il faut s’y faire. Et les salariés, terrorisés à l’idée de perdre leurs emplois, préfèrent serrer les dents et accepter le sacrifice plutôt que d’accepter le chômage partiel.
On est donc très loin des promesses du sarkozisme ambiant qui se gargarise de l’amélioration de l’indemnisation du chômage partiel : augmentation du montant de l’allocation à 60% du salaire brut contre 50% auparavant, et fixation d’un plancher d’indemnisation à 6,84 € par heure chômée.
Quid également de l’application de l’arrêté du 30 décembre 2008 portant le nombre d’heure maximum de mise en chômage partiel par salarié de 600 à 800 heures ?
Si des accords ont été signés dans d’autres branches, le notariat semble en revanche pour l’instant assez réticent à enjoindre les Etudes de France, confrontées actuellement à une baisse d’activités, à proposer à ses salariés la mise en chômage partiel.
De nombreux clercs et employés de notaire, malgré leurs compétences, sont ainsi considérés comme de simples « variables d’ajustement » et sont en train de faire l’amère expérience de l’article L.1233-3 du Code du travail. Ce qui représente, dans certains cas, une baisse de 200 à 300 € de salaire ! Et une telle baisse sur un salaire moyen de 1.400 € nets (souvent, il est plus bas) n’est pas du tout négligeable, surtout quand on constate que le coût de la vie ne cesse d’augmenter.Les syndicats ont donc demandé au Conseil supérieur du notariat qu’un accord intervienne d’urgence sur le chômage partiel afin d’aligner ce secteur sur les accords interprofessionnels.
Il n’est pas du tout sûr qu’ils soient entendus.