13 mai 1964, Alain Peyrefitte parle avec De Gaulle au sujet du retrait des officiers de marine français de l’OTAN.
Alain Peyrefitte : « Attendez-vous quelque chose de la session de l’OTAN ?
De Gaulle. – Que voulez-vous que j’en attende ? L’OTAN ne sert à rien : il ne peut rien s’y passer ! Tout ça, c’est zéro, zéro, zéro. C’est fait pour faire vivre des fonctionnaires internationaux qui se font payer grassement à ne rien faire, sans verser d’impôt.
Alain Peyrefitte. – On ne reviendra pas sur le retrait de nos officiers de marine de l’OTAN ?
De Gaulle. – Pourquoi voulez-vous qu’on revienne là-dessus ? Il n’y avait aucune raison pour qu’ils y restent. C’était une anomalie qu’ils soient là. Bien sûr, ils se faisaient payer plus cher que s’ils étaient restés dans la marine française. Ces organismes internationaux sont bons pour y attraper la vérole. Nos représentants oublient le devoir d’obéissance à l’Etat. Ils y perdent le sentiment national.
Alain Peyrefitte. – La chose a été rendue publique à partir de l’Allemagne. Nous les avions prévenus de notre intention, dans le cadre des consultations prévues par le traité de l’Elysée ?
De Gaulle. – Non. Je ne crois pas. Pourquoi voulez-vous qu’on les prévienne ? Non. Il fallait bien que ça se sache un jour ou l’autre.
Alain Peyrefitte. – C’est le journal Die Welt qui a fait la fuite.
De Gaulle. – Les Anglais, qui sont des maîtres dans l’art de manipuler, ont colonisé la presse allemande. Adenauer était le premier à s’en plaindre. Les
Allemands sont liés par leur presse aux mains des Anglo-Saxons.
Vous savez ce que ça veut dire, la supranationalité ? La domination des Américains. L’Europe supranationale, c’est l’Europe sous commandement américain. Les Allemands, les Italiens, les
Belges, les Pays-Bas sont dominés par les Américains. Les Anglais aussi, mais d’une autre manière, parce qu’ils sont de la même famille. Alors, il n’y a que la France qui ne soit pas dominée.
Pour la dominer aussi, on s’acharne à vouloir la faire entrer dans un machin supranational aux ordres de Washington. De Gaulle ne veut pas de ça. Alors, on n’est pas content, et on le dit
à longueur de journée, on met la France en quarantaine. Mais plus on veut le faire, et plus la France devient un centre d’attraction. Vous nous voyez avaler la supranationalité, nous ? La
supranationalité, c’était bon pour les Lecanuet !
(Alain Peyrefitte, C’était De Gaulle, Fayard, tome 2, page 216-217)
(merci à Xavier, qui a laissé cette excellente citation en commentaire. C'était de Gaulle est un grand livre.)