6. Maintenant, quels sont ceux qui vendent les boeufs? Cette action est comme une figure dont il nous faut chercher le sens mystérieux. Quels sont ceux qui vendent des brebis et des colombes? Ce sont ceux qui recherchent leurs intérêts au lieu de rechercher ceux de Jésus-Christ (Pr 5, 22). Ceux-là sont prêts à tout vendre, qui ne souffrent pas qu'on les rachète; ils ne veulent pas être achetés, et ils veulent vendre. Il leur serait pourtant bon d'être rachetés par le sang du Sauveur, car ils pourraient, par là, parvenir à la paix qui vient de lui. A quoi sert, en effet, de se procurer en ce monde quelque avantage passager et temporel, l'argent, le plaisir du gosier et du ventre, la gloire qui résulte des louanges. humaines? Qu'est-ce que tout cela? Du vent et de la fumée: autant de choses qui passent et s'en vont avec la rapidité de l'éclair. Malheur à ceux qui s'attachent aux choses passagères, parce qu'ils passeront avec elles! Qu'est-ce que tout cela? Un torrent impétueux qui se précipite dans la mer. Malheur à ceux qui y tombent, parce qu'il les entraînera avec lui dans l'abîme! Nous devons donc éloigner nos affections de pareils objets. Mes frères, ceux qui cherchent à se procurer ces sortes de biens sont des vendeurs. Simon le Magicien voulait acheter le Saint-Esprit (Ac 8, 18-19) pour avoir ensuite à le vendre; il pensait que les Apôtres étaient des marchands semblables à ceux que le Seigneur chassa du temple avec un fouet. Car tel il était pour son propre compte, et il voulait acheter pour revendre. Cet homme était du nombre des vendeurs de colombes. En effet, le Saint-Esprit est apparu sous forme de colombe (Mt 3, 16). Quels sont ceux qui vendent des colombes, mes frères, sinon ceux qui disent: Nous donnons le Saint-Esprit? Qui est-ce qui les fait parier ainsi, et quel est le prix de ce trafic? C'est l'honneur qu'ils en retirent. Ils reçoivent pour prix de hautes places, et par là ils ont l'air de vendre des colombes. Qu'ils prennent garde au fouet de cordes. La colombe ne se vend pas, elle se donne gratuitement, parce qu'elle est appelée grâce. Aussi, nies frères, comme les marchands étaient aux yeux de tout venant leur marchandise, ainsi chacun des hérétiques vante ce qu'il vend. Que d'étalages ils ont établis! A Carthage, Primien tient une boutique et Maximien en tient une autre; Rogat en a ouvert une en Mauritanie; d'autres et d'autres encore, dont la nomenclature serait trop longue, ont placé les leurs en Numidie. Un homme va d'étalage en étalage, pour se procurer une colombe, et chaque trafiquant, assis à son comptoir, fait à ce client l'éloge de sa marchandise. Que celui-ci détourne son coeur loin de ces vendeurs; qu'il vienne à l'endroit où se donne gratuitement la colombe. Toutefois, mes frères, ces marchands ne rougissent pas du grand nombre de fractions entre lesquelles ils se sont partagés, à la suite d'amers et malicieux dissentiments, en s'attribuant les qualités qu'ils n'ont pas, en se vantant d'être quelque chose, tandis qu'ils ne sont rien (Ga 6, 3). Aussi, parce qu'ils ne veulent pas se corriger, se vérifie parfaitement en eux ce qui est marqué au psaume: " Ils ont été séparés, mais sans être amenés au repentir".
7. Quels sont donc ceux qui vendent les boeufs? Sous le nom de boeufs sont compris ceux qui nous dispensent !es Ecritures. Par eux sont désignés les Apôtres et les Prophètes. C'est ce qui a fait dire à l'Apôtre: "Tu ne lieras pas la bouche au boeuf qui foule le grain. Dieu se met-il en peine des boeufs? Ou plutôt, ne parle-t-il pas pour nous? Sans doute, il parle pour nous afin de nous montrer que celui qui laboure doit labourer avec espérance d'en profiter, et celui qui bat le grain, avec l'espérance d'y avoir sa part (1 Co 9, 9-10). Ces boeufs nous ont donc laissé le mémorial des Ecritures. Ils ne nous les ont pas dispensées comme leur bien propre, parce qu'ils ont cherché la gloire de Dieu. En effet, que dit le Psalmiste? "Qu'ils disent toujours: Glorifié soit le Seigneur, ceux qui aiment la paix de son serviteur (Ps 34, 16; Ps 34, 27)". Voilà le serviteur de Dieu, voilà son peuple, voilà son Eglise. Ceux qui aiment la paix de l'Eglise, qu'ils glorifient le Seigneur, et non pas son serviteur; "et qu'ils disent toujours: Glorifié soit le Seigneur! Qui sont ceux qui parlent ainsi? Ceux qui aiment la paix de son serviteur". Evidemment, c'est la voix du peuple lui-même; c'est la voix même du serviteur, que vous avez entendue dans les chants si tristes du Psalmiste; vous avez entendu avec, émotion la voix de ce peuple, parce que vous en faites partie. Aussi ces chants d'un seul homme partaient du coeur de tous. Heureux ceux qui se reconnaissaient dans cette voix, comme dans un miroir! Quels sont ceux qui aiment. la paix de son serviteur, la paix de son peuple, la paix de celle qu'il appelle son unique et qu'il désire voir arrachée de la gueule du lion, lorsqu'il dit: "Arrachez mon unique de la gueule du chien (Ps 21, 21-22)?" Ce sont ceux qui disent toujours: "Glorifié soit le Seigneur!" Ces boeufs ne se sont donc pas glorifiés eux-mêmes, c'est le Seigneur qu'ils ont glorifié. Voyez un boeuf qui glorifie son Seigneur, parce que ce boeuf a connu son maître (Is 1, 3). Considérez un boeuf qui craint que le maître soit abandonné et qu'on mette en lui sa confiance, comme il redoute ceux qui seraient tentés de placer en lui leur espérance! "Paul a-t-il été crucifié pour vous Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés (1 Co 1, 13)?" Ce que j'ai donné, ce n'est pas moi qui l'ai donné, vous l'avez reçu gratuitement; la colombe est descendue du ciel pour vous l'apporter. "J'ai planté, Apollo a arrosé, mais Dieu a donné l'accroissement. Ni celui qui plante n'est quelque chose, ni celui qui arrose, mais celui qui donne l'accroissement, Dieu (1 Co 3, 6-7)". "Qu'ils disent donc toujours: Glorifié soit le Seigneur, ceux qui aiment la paix de son serviteur".
8. Les hérétiques se servent des Ecritures mêmes pour tromper les peuples, pour en recevoir des honneurs et des louanges, au lieu de chercher à ramener les hommes à la vérité. Et comme ils se servent des Ecritures pour tromper les peuples et en obtenir des honneurs, ils vendent les boeufs, ils vendent aussi les brebis, c'est-à-dire les peuples eux-mêmes. Et à qui les vendent-ils, si ce n'est au diable? Car, mes frères, s'il n'y a qu'une Eglise du Christ, elle doit être une; tout ce qui s'en détache, se trouve emporté, et par qui? Par le lion rugissant, qui tourne et cherche quelqu'un à dévorer (1 P 5, 8). Malheur à ceux qui se détachent de l'Eglise; pour elle, elle demeure dans son entier; car le Seigneur connaît ceux qui sont à lui (2 Tm 2, 19). Cependant, autant que cela dépend d'eux, ces trafiquants vendent les boeufs, les brebis et aussi les colombes: qu'ils prennent garde au fouet formé par leurs péchés. S'il leur arrive d'être frappés, en punition de leurs iniquités, puis. sent-ils reconnaître dans leurs péchés les cordes dont Dieu a fait un fouet pour les flageller! Puissent-ils reconnaître qu'il les avertit de se convertir et de renoncer à leur trafic! Car s'ils ne se convertissent pas, ils entendront à leur mort cet arrêt: "Liez-leur les pieds et les mains, et jetez-les dans les ténèbres extérieures".