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Dédicaces, ou mieux, paroles autour d'un café salé

Publié le 19 mars 2009 par Vanessav
Je n’ai jamais aimé les dédicaces… pas en faire bien sûr, mais en demander. J’aime la créativité, j’aime les écrits, les dessins, les tableaux, les chansons, les sculptures… j’aime leurs œuvres et pourtant je n’ai pas envie de les rencontrer. En fait, c’est un peu faux, voire complètement certaines fois.


Je n’aime pas me frotter aux personnes connues (voire quelques fois reconnues, par leurs pairs, par la foule), je ne sais pas si je réussirais à voir derrière le masque officiel. Je fuis d’ailleurs toute personne people-isée ou starisée (même non égocentrique), comme je déteste tous les mouvements de foule. J’ai pris sur moi pour les files d’attente aux avant-premières au cinéma, aux festivals, aux concerts mais ne peux toujours pas profiter d’une exposition dite fabuleuse aux musées si la file d’attente me demande plus d’1/4 d’heure… à l’intérieur je ne serais pas avec ma place attribuée, mon espace vital, mais bien encore à me faufiler, à faire des concessions sur la promiscuité choisie… encore pire j’aime prendre mon temps et surtout ne pas écouter les commentaires, indélicats, ineptes, vulgaires, consensuels, de certains publics. J’ai tout de même quelques dédicaces sur certaines œuvres, faites devant moi, alors ?
Parce que jeune femme, j’étais en couple avec un dessinateur, que nous vivions aussi dans les bandes dessinées (surtout les éditions DELCOURT, tranche noire au triangle rouge avec le signe distinctif de la série) et que, par choix de vie professionnelle, nous louchions vers ce milieu… je suis ravie d’avoir pu dire à Guillaume SOREL l’impact qu’a eu sur moi « Le fils du Grimacier » (avec Mathieu GALLIE).
Les autres, je les ai eu comme un cadeau de retour… de ce même dessinateur, l’homme de mes 18/23 ans ; mais aussi d’écrivain/poète ou peintre parce que notre journée ensemble s’est achevée et que je repars avec une de leurs œuvres, dont nous venons juste de parler, ornée de la dédicace comme un sceau asiatique sur une œuvre plus toujours aussi personnalisée après le passage des métiers de l’édition (pour me remémorer l’atmosphère de nos échanges).
C’est cela justement. Certains artistes me sont indifférents même si j’aime ce qu’ils ont créé, leurs créations les dépassent, les réduisent à néant ou l’individu derrière le masque m’est d’aucun recourt (secours). J’ai comme l’impression qu’ils m’ont déjà offert le meilleur.
Pour les « reconnus par leurs pairs », il est plus question d’une relativité du discours. Je n’ai pas forcément besoin d’avoir le propos le plus compétent en « live », j’ai souvent peur d’être ridicule à côté, ou pire, les découvrir humains, plein de failles, de celles que je n’aime pas : l’orgueil, la condescendance et l’immodestie.
D’autres me sont plus chers et là ce ne sont que concours de circonstances. Je les croise dans la vraie vie, à un autre moment que celui désigné pour cette rencontre (pas dans les loges, pas dans les séances de dédicaces). En fait, j’aimerais vivre avec ces artistes. Non, non, pas d’hystérie de petite oie blanche ! J’aimerais les côtoyer dans ma vie de tous les jours en voisin, en ami. Certains me font l’honneur d’en être… d’autres m’ont fait le plaisir de laisser aller les mots, les paroles, dans une discussion réelle et sincère, un repas après un spectacle ou lors d’une visite dans un atelier.

Mais pourquoi donc vous raconter tout cela. Parce qu’au Salon du livre de Paris 2009, où je suis allée lundi en très bonne compagnie, j’ai reçu deux dédicaces. « Plus on prête attention aux coïncidences, plus elles se produisent », cette citation de Vladimir NABOKOV, tirée de son contexte mais mise en devanture du site culturel EVENE ces derniers temps, a été d’une pertinence ce jour-là (le lien avec EVENE ? oui, plus tard).
Avec cette demoiselle si prescriptrice de livres, Lily, (je garde le meilleur pour un autre billet), nous avions été conviées chez un auteur, dont l’écriture est chère à ma sensibilité. Parce que nos mots l’avaient touché, il nous avait ouvert son chez lui et son amitié. Rencontre riche de sens et de promesses. Et voilà qu’au Salon du livre, après le temps des engagements achevé, nous nous sommes rendues aux stands de nos lectures, suivant l’intertextualité de l’une, de l’autre ou de nos enfants. Et par un hasard, nous avons dédicacé une œuvre à quatre mains : « Petits poèmes pour passer le temps » de Carl NORAC, illustré par Kitty CROWTHER.
Oui, vous avez bien lu, je n’étais pas au courant en y allant que je rencontrerais cette demoiselle dont les écrits et les illustrations me parlent si profondément. Si vous ne le saviez pas, faites une recherche sur « Blog-it express » (dans la colonne de droite) pour retrouver tous mes articles concernant CROWTHER. « Demoiselle », oui ! Demoiselle pour toujours et à jamais. Loin de connaître sa situation conjugale, le demoiselle fait référence à ces femmes qui me transmettent autant… de la sensibilité, une philosophie de vie, une transmission de réflexions (sans âge ou plutôt enfant, pour leur dose d’émerveillement et de curiosité, et vieille femme, pour leur pertinence, en même temps !)… je pense ici à une autre de ces ombres de mon quotidien (ombre pas dans le manque ou la noirceur mais bien dans la présence insoupçonnable pour celui qui ne fait pas attention), Holly Golightly. C’est drôle mais nous avions, Lily et moi, cette même impression avec l’auteur qui nous a ouvert ses portes… un vieil homme mais des yeux pétillants d’enfant, mi garnement, mi aventurier.
Alors oui, je ne me suis pas défilée pour la dédicace. Surtout que cette association entre Carl NORAC et Kitty CROWTHER me plait énormément. Grâce à la seconde, en suivant ses choix et ses participations, j’avais découvert le premier, formidable auteur (jeunesse uniquement ?). Surtout que ce livre, que j’ai du racheté pour avoir le grigri de ces deux auteurs si compétents, « Petits poèmes pour passer le temps », me suit depuis sa sortie… une approche fine, poétique, burlesque et si déconcertante du temps, du quotidien. C’est un livre que j’offrirai encore et encore… deux sont en partance.


Mais voilà… quelle déception de n’être que moi-même. Je n’aime pas les séances dédicaces parce que la plupart du temps il n’y a pas d’échange… un regard, une parole de convenance et un grigri fait à la chaîne pour des lecteurs que les artistes ne peuvent pas repérer (assidu, opportuniste d’une signature négociable, nomade littéraire, fan du personnage, épris de leur œuvre, sensibilité proche etc…). Je n’aime pas parce que je ne sais pas leur dire mon enthousiasme.
Et quelle honte, le nom de Carl NORAC m’était connu pour d’autres écrits que celui que j’avais entre les mains, parce que je voulais vous en parler ici, dans ce blog, parce qu’il m’avait ému… sans retrouver de quel(s) livre(s) y s’agissait. Quelle manque d’à propos ! L’auteur des « Mots doux » avec ce petit hamster si charmant… ou mieux encore ce livre, avec Kitty CROWTHER « Le père Noel m’a écrit ». Ce dernier si agréable dans ce monde niais autour de Noel. J’en reparlerais.
Et puis avec quelle incompétence de communication j’ai parlé à cette demoiselle CROWTHER… j’aurais tellement préféré la rencontrer autour d’un café avec une pointe de sel ou lors d’une promenade champêtre pour que mes mots se délient. Lily me poussant à être là, pour un dessin, une parole, une signature, alors oui, je les ai eu… j’ai été témoin de cette manière si attentionnée qu’ont les sourds de nous écouter, nous entendants, de suivre nos mots sur nos lèvres, d’avoir les mains prêtes à l’expression (peut-être au langage des signes). La demoiselle a eu sa période silencieuse et ses gestes, ses yeux, le portent encore… c’est peut-être cela que nous retrouvons dans ses œuvres, une part entrouverte de sensibilité encore insoupçonnée.
Merci Lily de m’avoir accompagnée là… lors de cette seconde coïncidence.


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