Dans le monde des grandes entreprises Total constitue un être à part. Total vit dans une permanente et chronique situation de crise tout en affirmant une incontestable réussite financière et industrielle.
Une crise très particulière : une « crise de désamour ».
Total n’est pas aimé dans son pays. L’opinion publique*, les médias et la classe politique n’aiment pas le groupe pétrolier. Cette situation s’explique à la fois par des raisons objectives et des raisons subjectives.
Les raisons objectives sont connues : le naufrage de l’Erika et la marée noire de décembre 1999, l’explosion à l’usine AZF de Toulouse, en 2001, le procès de l’Erika en 2007, le procès AZF en cours en ce moment, plus récemment l’annonce de 555 suppressions d’emplois quelques semaines après la présentation aux médias des 13,9 milliards de profits réalisés en 2008… Il faut bien reconnaître que le groupe pétrolier a inscrit sa trace dans l’actualité avec des événements négatifs lourds par leur impact humain et environnemental mais aussi… par leur impact psychologique.
Les raisons subjectives de la « crise de désamour » qui affecte l’image de Total relèvent de la perception, de la représentation et de la communication. Malgré le meilleur accueil fait par les journalistes à Christophe de Margerie, le nouveau directeur général, plus cordial, plus direct et animé du souci d’expliquer et de convaincre que son prédécesseur, la « crise de désamour » persiste. Nous voyons encore la compagnie pétrolière avec les yeux d’un lecteur du « Tintin au pays de l’or noir »…
Le « paradoxe de Total » pourrait se résumer ainsi : profits visibles, métiers… invisibles. Sur le bruit de fond négatif des affaires Erika et AZF, on ne voit que les performances financières de Total. Pas ses métiers dans leur diversité, pas ses performances technologiques, pas son travail, pas sa recherche et développement, pas sa mutation en cours d’un groupe pétrolier classique vers un groupe énergéticien de taille internationale. Pas son apport à notre société aujourd'hui confrontée à une grave crise économique mondiale. Les campagnes publicitaires du groupe et son slogan « Votre énergie est notre énergie » ne suffiront pas à Total pour créer une relation plus équilibrée avec l’opinion. Et personne ne peut considérer qu’il est sain qu’une des plus grandes entreprises françaises soit à ce point mésestimée dans son propre pays.
Total vient, en tout cas, contredire une idée généralement admise : On peut vivre sans amour. Durablement ?
*Six Français sur dix ont une mauvaise image de Total,
d'après le baromètre Posternak-Margerit de février 2009, plaçant le pétrolier au dernier rang de trente grandes entreprises françaises.