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Secret bancaire : la trahison des Conseillers fédéraux

Publié le 16 mars 2009 par Francisrichard @francisrichard
Secret bancaire : la trahison des Conseillers fédéraux Par quelque bout que l'on prenne la déclaration du Conseil fédéral de vendredi dernier ( ici ), il n'y a pas d'autre mot pour qualifier les concessions faites, avant même de négocier, que celui de trahison.

Même si c'est au prix d'être condamné par l'ensemble des politiciens et des médias, cela justifie par avance, aux yeux de l'Histoire, que le seul conseiller fédéral UDC, Ueli Maurer, se soit désolidarisé de cette décision collégiale prise contre les intérêts supérieurs du pays (
ici ). Face aux dictatures, la loi fédérale des banques de 1935, qui avait consacré le secret bancaire, avait été adoptée dans des circonstances autrement périlleuses... et cette adoption avait prouvé à la face du monde que la petite Suisse pouvait être courageuse devant les grands tels que l'Allemagne nazie.

N'en déplaise au Président de la Confédération, le Conseiller fédéral Hans-Rudolf Merz, qui a cru bon de répéter - après la parution d'un article du Blick qui annonçait la fin du secret bancaire - que le secret bancaire était maintenu (
ici ), pour la presse étrangère il ne fait aucun doute que la Suisse ( ici ) abandonne désormais le secret bancaire. Le mal est donc bien fait... malgré qu'il en ait. Même si c'est aller pour l'heure un peu trop loin et trop vite en besogne. 

Une vidéo, enregistrée par Hans-Rudolf Merz, et publiée aujourd'hui sur le site de la Confédération, reprend en substance ce qui a été concédé il y a trois jours sans que bataille ne soit livrée :


Il s'agit en clair de traiter les étrangers non-résidents autrement que les résidents, de ne pas les faire bénéficier, comme les autres clients des banques, de la distinction entre fraude et évasion fiscales. C'est une première trahison, à l'égard de ces clients étrangers des banques, qui ont fait confiance au droit suisse pour les protéger des pays rapaces et inquisiteurs dont ils sont les ressortissants. Ils ont cru naïvement que le gouvernement suisse n'était pas inconstant comme les leurs et que les règles de protection de leur sphère privée étaient immuables en Suisse. Ils savent maintenant - et tout le monde avec eux - que la Suisse n'est pas plus fiable que les autres et qu'ils se sont trompés sur elle.
C'est ensuite une trahison à l'égard des citoyens suisses et des étrangers résidents. Qui peut croire en effet que le droit interne ne devra pas s'aligner, dans un avenir plus ou moins proche, sur le droit applicable aux étrangers ? Il y a une semaine encore le Conseil fédéral jurait ses grands dieux que le secret bancaire n'était pas négociable, et, sans même négocier, vendredi, il a cédé... Or la confiance ne peut reposer que sur la certitude que les règles ne seront pas remises en cause au moindre coup de vent, et du jour au lendemain, pour complaire aux puissants.
Par peur - la peur est mauvaise conseillère - de se retrouver sur la liste noire des paradis fiscaux du G20, qui est une structure internationale dont la légitimité est autoproclamée, le Conseil fédéral a cru bon de prendre les devants. Il ne pourra donc pas revenir sur ces premières concessions. Or il n'est pas sûr que ces concessions satisferont l'appétit de cette cohorte de pays dont les leaders sont de bien mauvais élèves en économie (voir mon article
Le non au secret bancaire des mauvais élèves : E.U., France, Allemagne ). De plus, c'est bien connu, les maîtres-chanteurs sont encouragés à demander toujours davantage quand on commence à leur céder... En se montrant aussi peu habile, le Conseil fédéral a non seulement outrepassé ses droits, mais il a trahi sa mission de protection des intérêts supérieurs du pays. 
Pour qu'elle renonce à son secret bancaire, les Etats-Unis, la France et l'Allemagne ont fait à la Suisse une guerre à outrance que rien ne justifie sinon l'impéritie et l'incompétence de leurs propres dirigeants, incapables de contenir les folles dépenses qu'ils ont déjà engagées et qu'ils vont accroître inutilement, pour donner la fallacieuse impression qu'ils font quelque chose contre la crise, résultat pourtant de leur interventionnisme. Ces dirigeants ont lancé la chasse à leurs riches ressortissants qu'ils n'ont pas su convaincre de laisser fructifier leur fortune chez eux. Car, à un certain niveau de confiscation, pour parodier Proudhon, la fiscalité c'est du vol, à main armée par l'Etat. 
Dans son édito de L'Hebdo du 12 mars (
ici ), Alain Jeannet considérait comme une évidence que :
"
la place financière helvétique aurait été mieux défendue si nous avions été membre de l'Union ".

Il fallait vraiment être un indécrottable partisan de l'eurocratie pour le croire. Le jour de la parution de l'hebdomadaire romand, la Belgique cédait devant les oukases de l'Union européenne, vingtième membre du G20. Le lendemain c'était au tour de l'Autriche et du Luxembourg. Après demain ce sera au tour de la Grande-Bretagne. Gageons que seul le Delaware, un Etat de l'Amérique d'Obama, échappera à ces "amicales" pressions...
Comme disait La Fontaine :
" La loi du plus fort est toujours la meilleure ".
Mauvais élèves en économie, les enfers fiscaux ont l'impudence de traiter de mauvais élèves et de paradis fiscaux - ce qui devrait être un honneur pour eux - les pays qui sont moins endettés qu'eux, dont la fiscalité est moins lourde et qui défendent mieux qu'eux la sphère privée. Ces enfers fiscaux sont de véritables dictatures qui s'avancent sous le masque de pseudo-démocraties, lesquelles, entre parenthèses, donnent le moins possible la parole à leurs peuples, sinon pour les cocufier d'importance.
Rétrospectivement la fiscalité de l'épargne, qui avait été consentie par la Suisse à l'UE comme contrepartie du maintien de son secret bancaire, apparaît comme un marché de dupe, comme une première concession, comme une première trahison, puisqu'elle s'est avérée totalement inutile. Le Conseil fédéral reconnaît piteusement que cet accord devra maintenant être adapté... compte des concessions qu'il vient de faire unilatéralement.
Il n'y a plus qu'une manière de sauver le secret bancaire. Il faut trouver moyen de donner la parole au peuple pour qu'il désavoue démocratiquement le Conseil fédéral. Ce ne devrait pas être impossible. Rappelons que d'après un sondage effectué par l'Association suisse des banquiers 
ici ), et publié le 11 mars, 78% des Suisses sont favorables à la préservation du secret bancaire.

Francis Richard
Le dessin de Nardo a paru le 23 février sur le site de Bakchich.Info (
ici ).
Articles précédents sur le secret bancaire :

La Suisse, paradis fiscal ? Si seulement... du 22.10.2008
Secret bancaire : le "sauvetage" de l'UBS risque de coûter très cher du 19.02.2009
Le secret bancaire protège l'intimité, les Etats vous mettent à poil du 23.02.2009
Le visionnaire Arnaud Montebourg à l'assaut du secret bancaire du 25.02.2009 
A lire : "Le secret bancaire : un impératif moral" de Jan Krepelka du 27.02.2009
Le non au secret bancaire des mauvais élèves : E.U., France, Allemagne du 5.03.2009

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