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La vision ultra-réactionnaire & «fantasmagorique» de Pascal Salin : le profit ne se partage pas !

Publié le 20 mars 2009 par Kamizole

pascal-salin.1237541779.jpgSi Pascal Salin veut ressusciter le communisme pur et dur – classe contre classe et «le couteau entre les dents» ! – il ne s’y prendrait pas autrement… Plus réactionnaire et ultralibéral que le prof d’économie de Dauphine, je pense que c’est quasi impossible de trouver.

Je suis toujours surprise quand je consulte les statistiques de fréquentation du blog de voir apparaître un grand nombre de visites pour un article ancien… C’est souvent signe qu’il se passe quelque chose à ce sujet.

Or donc, depuis quelques jours j’ai remarqué un afflux de visites sur un article où j’étrillais – avec une joie féroce – un article du sieur Salin : Pascal Salin économiste ultra-libéral & médaille d’or toutes catégories : une connerie par phrase ! Me doutant bien qu’il se passait quelque chose – était-il mort ? – je suis donc allée tout à l’heure aux nouvelles sur Wikio…

Il vient seulement de pondre une nouvelle connerie… Qu’il est possible de lire sur Les Echos.

Pour lui, le profit ne se partage pas. Ce serait même la loi d’airain du capitalisme – celle de la révolution industrielle du XIXe siècle où la «condition ouvrière» fut particulièrement terrible mais il n’est nullement question de cela dans son propos, je vous rassure tout de suite !

Or donc, il conteste le partage du profit tel que défini récemment par Nicolas Sarkozy : 1/3 pour les dirigeants et les actionnaires, 1/3 pour les investissements et 1/3 pour les salariés. Règle – de bon sens - dont je rappellerais qu’elle fut souhaitée également par Michel Rocard en 1989 lors d’une embellie économique (hélas de courte durée) et jamais appliquée, bien au contraire : tout le monde sait que la part du salaire n’a jamais cessé de décroître depuis cette époque.

Il ose qualifier cette idée de «fantasmagorique»… je doute qu’il connaisse le sens de ce mot qu’il s’agisse de la notion de «fantasme» chez Freud ou chez les Stoïciens où elle est utilisée dans la théorie de la connaissance.. La représentation – φαντασία – tirant d’ailleurs son origine du mot «lumière» : φώς…

Le terme évoluera d’ailleurs étymologiquement de l’image à l’illusion en passant par les fantômes…

A l’origine le mot «fantasmagorie» désignait en effet un spectacle à la mode au XIXème siècle qui consistait à faire voir des fantômes par illusion d’optique dans une salle obscure…

Ce sont bien plutôt les billevesées de Pascal Salin qui relèvent de la pure fantasmagorie !…

Une conception absolument figée de l’histoire du capitalisme dont il scrute les fantômes à travers sa petite lorgnette magique. Tout aurait été fixé une fois pour toutes. Pour le pire, s’agissant des travailleurs et le meilleur pour les entrepreneurs…

Nous savions déjà que le fantasme de l’ultralibéralisme pur et dur – encore une fois, je mettrais l’accent sur l’aspect non seulement idéologique mais surtout utopique, au sens où les utopies, sauf à susciter un système totalitaire, ne doivent jamais être mise en pratique… et cela vaut bien évidemment pour le communisme… à cet égard, je ne peux que conseiller la lecture du texte de Pierre Bourdieu paru dans le Monde diplomatique en mars 1998 Pierre Bourdieu : «L’essence du libéralisme» et on ne peut plus d’actualité !– consistait à nous faire revenir à «l’âge d’or» de la Révolution industrielle, des patrons de droit divin et des ouvriers sur-exploités au maximum, sans même avoir le droit d’être syndiqués… Dieu ! quelle horreur, bien évidemment.

Je résumerais brièvement la théorie défendue en l’espèce par Pascal Salin pour justifier que les profits ne se partagent pas.

Les entrepreneurs prennent des risques, lesquels doivent être rémunérés et c’est le rôle du profit. Les salariés comme les prêteurs sont allergiques au risque. Sinon, dit-il, les salariés créeraient leur propre entreprise. Ils sont donc rémunérés aux termes d’un contrat. Contrat de travail pour les salariés ; contrats de prêt pour les créanciers prêteurs. La rémunération prévue par ces contrats est amplement suffisante.

Par ailleurs, l’entrepreneur aurait une vision sur le long terme alors qu’aussi bien les salariés que les prêteurs visent uniquement le court terme… Voire ! Cela est sans doute vrai pour un vrai patron qui investit ses propres billes et souvent travaille de concert avec ses employés.

J’ai le plus grand respect pour les patrons de cet acabit. Ils mettent le plus souvent toute leur énergie, leur temps et leurs préoccupations dans la bonne marche de leur entreprise. Et quand celle-ci connaît des périodes difficiles, c’est souvent la mort dans l’âme qu’ils doivent licencier. Sans rien dire de la faillite qu’ils vivent comme un drame. Il y a quelques mois un entrepreneur s’est suicidé et ce ne doit pas être le seul.

Mais c’est du dernier risible quand on pense aux dirigeants actuels qui bien souvent – LBO notamment – ne pensent qu’à rafler le max de flouze dans le temps le plus court possible pour revendre l’entreprise deux ou trois ans après l’avoir acquise. en essayant d’en tirer 3 à 4 fois ce que son acquisition leur aura coûté.

Sans oublier que dans le cas des LBO, les fonds (d’inves-tissements ou hedge fungds) ont en payé l’acqui-sition par le crédit et en faisant rembourser le poids - monstrueux - de la dette par l’entreprise en arrivant encore à en tirer le maximum de profits, bien évidemment mis dans leur seule poche.

D’ailleurs, Pascal Salin se garde bien de parler des investissements : l’on sait bien que dans les multinationales, la tendance depuis déjà pas mal d’années c’est «tout pour les actionnaires» et zéro + zéro pour les salariés et les investissements. D’où les délocalisations. Leur seule logique étant «prend l’oseille et tire-toi»… quant à se soucier du devenir des salariés qu’ils mettent sur le carreau, ils décident de tellement loin qu’ils ne connaissent même pas leurs noms. De simples numéros interchangeables. Nous sommes loin de l’humanisme.

Je vous cite in extenso le clou du spectacle - fantasmagorique ! – car il vaut son pesant de cacahuètes :

«Les capitalistes, en revanche, ont intérêt à la survie de leur entreprise, mais encore faut-il que le profit soit suffisant pour les inciter à conserver leur rôle. Il est donc mal venu de vouloir réduire la part des profits pour l’attribuer aux salariés. En poursuivant dans cette voie, on condamne le capitalisme. Et lorsqu’il n’y aura plus de capitalistes, il n’y aura plus d’emplois !
Ces principes sont tellement importants, tellement éternels que l’on est saisi de stupéfaction en apprenant qu’ils pourraient être mis en question lors d’une négociation entre le gouvernement et les syndicats.

LES PRINCIPES NE SE NEGOCIENT PAS !»… fermez le ban !

Pascal Salin a érigé un principe qu’il tire de son chapeau d’illusionniste de l’économie ultralibérale. Qu’il me soit permis d’en contester la validité.

Si Pascal Salin était juriste plutôt qu’économiste, il saurait qu’en droit il existe beaucoup de principes a priori intangibles mais que le plus grand nombre d’entre eux connaissent des exceptions à la règle, qu’elles fussent crées par la loi ou la jurisprudence… On nommera cela du pragmatisme : quand l’application rigide du principe conduirait à des solutions aberrantes, contraires à la justice et/ou au simple bon sens et à la morale.

Nous ne sommes plus dans les années 1850-1900 ! N’en déplaise à Pascal Salin figé dans ses starting-blocks antédiluviens, le monde a changé. Les travailleurs ont obtenu des droits – hélas ! bien «peau de chagrin» depuis plus de 30 ans… - et les conceptions et principes économiques ont forcément évolué.

Il suffit de penser au «compromis fordiste» qui a été étendu à la plus grande majorité des entreprises des pays industrialisés, selon lequel le constructeur automobile voulait que les véhicules qui étaient fabriqués sur ses chaînes puissent être acquis par ceux-là mêmes qui les produisaient, en conséquence de quoi les salaires devaient être assez élevés pour le permettre.

D’autre part, si l’on considère avec Marx - qui n’a pas eu faux en tout - que le salaire rémunère la reconstitution de la force de travail, il est évident que si les salaires sont trop bas pour le permettre – et c’est le cas quand je vois le titre d’un article du Monde qui ne peut que me scandaliser : «C’est trop dur de travailler quand on a faim» ! – il est évident que les patrons qui donnent un salaire de misère se tirent une balle dans le pied : ils ne peuvent avoir des employés performants ni - encore moins - motivés par leur travail et le devenir de l’entreprise.

Or, le nécessaire pragmatisme commande aussi en économie. Et a fortiori dans l’économie d’entreprise. Nous constatons aujourd’hui que la part des salaires ne fait que décroître au profit des dividendes des actionnaires et des rémunérations des dirigeants.

On ne peut pas toujours demander plus d’efforts aux salariés et leur mégoter des salaires de misère. Que ce soit sous forme d’augmentations de salaire, d’avantages ou de «participation aux bénéfices» - laquelle remonte au début des années 1970 et ne met nullement en péril l’entreprise puisque son montant est fonction du profit et peut se traduire certaines années par le versement d’aucune prime – il semble logique de récompenser ces efforts.

Je pense que la pensée (?) économique de Pascal Salin - qui n’est pas une φώς ! - est vouée aux «poubelles de l’histoire»


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