« Je t'échange ton paquet de biscuit contre mon ticket de métro. » Vous en rêviez plus jeune de ce ticket, bien moins nourrissant, mais porteur de rêves et d'évasion. Mais cet échange que vous auriez fait dans la cour de récréation, jamais vous ne le reproduiriez et pourtant... Des milliers d'Américains semblent s'engouffrer dans ce marché de dupe en cédant à l'appel de l'accès simplifié aux livres.
Vertigineux ? Pas tant.
Si le Web 2.0 permet de partager, ses limites sont que l'on ne propose que ce que l'on possède. De la sorte, qui pourrait résister à cet appel de 240.000 ebooks disponibles en quelques secondes, appuyé par une nouveauté technologique toujours attrayante ? À la différence, nous l'avons déjà évoqué, que le partage est simplement rendu impossible par le Kindle : format propriétaire incompatible avec les autres liseuses, etc.
Ainsi, on n'achète pas un livre, on achète l'accès à ce livre. Et en cas de panne, l'accès est refusé ; l'hypothèse n'est pas que de travail, FictionWise en a fait les frais.
Accès, contrôle et information
Pour tempérer la volonté de profusion, inséparable des notions liées au numérique et de la multiplication qu'il implique et pour pallier cette exubérance prolifique, et maîtriser à tout prix les contenus commercialisés, contrôler l'accès devient une nécessité. Et quel meilleur contrôle que l'environnement vertical créé par Amazon, qui a ajouté une application iPhone pour s'assurer que personne n'aurait envie d'aller voir ailleurs ? On plonge dans un univers nouveau, le paysage du temporaire. Et dans ses défauts inévitables, le contrôle sélectif et la censure des contenus. Donc de la pensée.
Quel est le réel problème ? Que le Kindle, de par son fonctionnement même restreindra nécessairement l'accès à tel ou tel - et si ce n'est lui, Amazon a déjà montré qu'il était amplement capable de le faire. Alors qu'un Facebook a accepté de se remettre en question sur des problématiques de vie privée, Amazon acceptera-t-il de le faire sur son schéma monétaire ?
Maîtrise du partage
Si certains considèrent que l'impression meurt, ils devraient s'inquiéter d'une idée plus terrifiante encore : celle qui veut que l'on supprime l'idée même d'un enregistrement, d'une sauvegarde ou pire encore, que cette sauvegarde ne soit qu'accessible, sous couvert de certaines conditions... Ray Bradbury disait en substance que l'on n'a pas besoin de brûler les livres pour que disparaisse une culture, juste de faire en sorte que les gens arrêtent de lire.
L'accès, c'est le contrôle, et à ce titre, il ne peut être restreint par un monstre comme Amazon. Si l'on considère que le contenu du livre reste primordial, et que le contenant n'est qu'un moyen d'accès audit contenu, alors reste une question à résoudre : peut-on accepter de faire passer le contenu au détriment de la liberté, ou, pardon d'être vulgaire, du verrouillage de la pensée.