Au cours du siècle dernier, des missionnaires catholiques Salésiens entreprirent la conversion d’une tribu indigène sud Américaine : les Bororos. Ces missionnaires mirent peu de temps à comprendre que pour mener à bien leur projet il leur serait nécessaire de s’attaquer à la structure même des villages Bororos. Ceux-ci étant organisés en cercle, ils les incitèrent, pour ne pas dire obligèrent, à les organiser de manière rectiligne. Cette nouvelle structure remit en cause les fondements de la société Bororo au point qu’il lui fut nécessaire de repenser de manière globale l’ensemble de ses règles et de ses rites et trouva dans la religion catholique des réponses aux questions que soulevait cette restructuration. Grâce à ce « consentement involontaire», le combat des missionnaires était gagné.
Aujourd’hui d’autres missionnaires sont à l’oeuvre. Des hommes animés par une volonté de voir leur croyance dominer le monde. Ils imposent sournoisement à la manière des missionnaires chez les Bororos, une structure censée organiser l’ensemble des sphères de notre vie. La structure de notre société était basée jusqu’à maintenant sur la solidarité via l’impôt permettant de financer des services à destination de tous, des cotisations finançant les retraites, la santé, l’assurance chômage…. Ces nouveaux missionnaires ont bien compris que cette structure était contraire aux développements de leurs intérêts. Ils ont donc entrepris de la démanteler en provoquant des dysfonctionnements qui ne peuvent aux yeux de la plupart d’entre nous maintenant se résoudre que par l’adoption des principes de concurrence, de mérite, et de surconsommation…
Un ancien fils d’ouvrier d’Usinor à Denain me disait que pour mettre fin aux conflits dans les années 70, le patronat avait utilisé une stratégie qui se révéla d’une redoutable efficacité. Il « offrit » aux ouvriers la possibilité d’accéder à la propriété en leur permettant de contracter des crédits tellement alléchants que cela ridiculisait ceux qui renonçaient à posséder leur maison. Cette individualisation de l’investissement conduisit inéluctablement à l’individualisation des intérêts. Et vida par conséquent de son sens le combat pour des intérêts collectifs. En quelques mois, les grèves cessèrent. A cette période, en France, le capitalisme remportait ses plus grandes batailles. Ce fut la fin à ce qu’on appelait « les trente glorieuses».
Depuis, nos investissements individuels n’ont pas cessé d’augmenter, au point que l’on s’endette même pour l’accès à des biens de consommation. Or s’endetter pour des biens périssables c’est comme se lier les mains lorsqu’on est menuisier. Pourtant certains y sont malheureusement contraints. Et c’est là tout le machiavélisme de nos missionnaires modernes.
La crise des Subprimes a permis de mettre au grand jour cet extraordinaire plan de déstructuration réalisable grâce à notre «consentement involontaire ».