Grève générale : Le silence du gouvernement est une faute

Ainsi donc 3 millions de personnes manifestent et le gouvernement ne fera rien. Sarkozy s’éclipse sans commentaire, Fillon vient sur les plateau télé pour dire qu’il ne bougera pas.

Croient-ils que tout se passera sans bruit ?

Sans doute pas.

Il faut bien comprendre la droite et ce gouvernement. L’équipe Fillon croit - sans doute sincèrement - qu’elle mène des "réformes courageuses". C’est toujours embêtant les gouvernements qui se prennent pour le papa des Français. Ils pensent, probablement, que la solidarité nationale, on ne peut plus se la payer, qu’il y a trop de fonctionnaires et que si l’on protégeait un peu moins les gens, ils se mettraient au boulot. C’est sans doute sincère, mais plein d’oeillières. Ils sont tellement habitués à ne fréquenter que leurs amis politiques et leurs amis affairistes qu’ils ne savent plus - et depuis bien longtemps - comment on vit en France.

Que savent-ils des Assedic, du travail pauvre, de la précarité, des gardes à vues, de la violence d’un métro bondé, du coût de la vie ? Rien. Ils imaginent.

Sarkozy, c’est autre chose : lui, il jouit de lui-même. Il s’agite en tous sens et déconcerte jusqu’à son propre camp, car ce dont il jouit, c’est de se voir si beau en ce miroir (miroir qui s’appelle Carla, courtisans et presse aux ordres). 3 millions de gens dans la rue, il ne capte pas non plus. Peut-être même a-t-il une secrète fierté à être seul contre trois millions.

La stratégie du gouvernement est visiblement de minimiser l’ampleur des manifestations d’hier, et de tenter de jouer le pourrissement. Fillon pense même qu’il pourrait gagner une stature d’homme d’Etat en se montrant ainsi responsable. Ils ont tort.

Ils ne comprennent pas, d’une part, que le monde a changé. On sait tous, désormais, que les "créations de richesses" de leurs amis patrons et financiers reposaient en grande partie sur la spéculation, en autre partie sur l’exploitation, et le reste sur la destruction de la planète et sur une société de consommation artificiellement entretenue par la pub et les médias. Or, ce monde est fini, et plus personne n’en veut. On le sent confusément et c’est l’une des choses qui indispose avec ce gouvernement : il pense encore comme dans les années 80.

Une autre source de colère est encore plus inaudible à la Cour du Roi follet : on ne supporte plus leur vulgarité, leur mépris de la culture, leur brutalité, leurs atteintes aux droits de l’homme, leur confusion mentale, le fait du prince, la destruction des services publics, les mensonges éhontés, l’argent qui part vers les plus riches. Mais ça, ils n’en n’ont cure.

Comme aucun projet de société n’émerge à gauche, et moins encore de leader charismatique, ils pensent pouvoir jouer la compassion apparente et le pourrissement réel.

Ils auraient du passer dans les manifestations d’hier pour mesurer combien ils se trompent. Ils auraient vu combien ils ont perdu tout crédit. Ils auraient vu qu’au cotés des fameux fonctionnaires, il y avait pléthore de salariés du privés, mais aussi de petits commerçants, de chefs d’entreprises, de financiers. Tout un peuple de France, fraternel, joyeux, mais aussi exaspéré. Ils auraient senti la colère gronder sous les oripeaux horripilants des manifs bon enfants au parfum de merguez.

Ils auraient senti la lassitude, l’accablement, la sourde colère, le désir d’un autre monde.

Ils auraient compris, surtout, que si aucun espoir ne naît, ni d’écoute de cette droite, ni de recours à cette gauche, c’est la colère qui va flamber.

Cette manifestation d’hier fut sans doute la dernière manifestation bon enfant du printemps 2009. Sarkozy ne laisse pas de choix : la révolte et le nihilisme vont progresser maintenant.

Ou est-ce ce qu’il souhaite ? La violence, la tension, puis le recours au chef de toutes les polices ?

Ce n’est pas exclu.

Par Anglade
dans http://www.betapolitique.fr/