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Elena Poniatowska, Lilus Kikus, éd. Les Perséades et La vie de Jésusa, éd. Gallimard

Publié le 21 mars 2009 par Slal
Lyon, mars 2009
Elena Poniatowska est née à Paris en 1933 et vit au Mexique depuis 1942. Journaliste et écrivain, elle a reçu de nombreux prix et distinctions littéraires. Elle est aujourd'hui considérée comme l'un des écrivains majeurs du Mexique contemporain.

Elena Poniatowska interviewée par Karim Benmiloud

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« Lilus n'est pas très patriote et elle le sait. À l'école il y en a qui collent des affiches et d'autres qui les décollent. Faire l'un ou l'autre est aussi méritoire pour elle. Lilus, quant à elle, s'est contentée de demander à un élève du secondaire avec quoi il les collait ses affiches et il lui a répondu : "Avec la langue, morveuse !" La nuit, Lilus a rêvé, pleine de remords, qu'elle avait une grande langue rose qui lui servait à coller d'énormes affiches. Le lendemain matin elle s'est réveillée la bouche sêche. »
Publié au Mexique en 1954 alors qu'elle n'a guère plus de vingt ans, Lilus Kikus est le premier ouvrage de fiction écrit par Elena Poniatowska. Plus qu'un véritable roman, ces historiettes joliment illustrées par les dessins de Leonora Carrington mettent en scène Lilus, une fillette rêveuse et anticonformiste, qui, non sans malice, incarne le passage initiatique de l'enfance à l'adolescence dans le Mexique des années 1950. En partie autobiographique, ce livre est doté de l'écriture à la fois juste et poétique qui caractérise toute l'oeuvre de l'auteur.


La vie de Jésusa Palancares ressemble à ces retables hauts en couleur que confectionnent les Indiens du Mexique. Personnages, animaux, plantes, s'y bousenlent pour figurer en raccourci le vécu et le mythique, pour composer un panoraina des misères, des espoirs, des errances de tout un peuple.
Pauvre parmi les plus pauvres, enfant battue, puis femme stérile et toujours battue, cette métisse semble avoir vécu mille vies. Elle les raconte dans une langue truculente et imagée en se préparant à mourir dans le nid de briques et de vieux cartons qu'elle s'est fabriqué à l'abri de murs croulants.
Née vers 1900, elle a connu l'une des époques les plus tourmentées de l'histoire nationale. Lorsque la Révolution Mexicaine éclate en 1911, son père, comme des centaines de milliers de Mexicains, part pour la guerre en emmenant toute sa famille.
A peine pubère, épousée de force, elle vit dans les trains blindés de Poncho Villa et apprend à le haïr. Séquestrée, maltraitée, délaissée par son soldat, elle retrouve l'atavisme bagarreur des gens de son village. Se souvenant de la fille-garçon méchante qu'elle était, elle prend à son tour les armes et remplace son mari à la tête des troupes lorsqu'il meurt en pleine bataille.
Lasse de commander les hommes, Jésusa rêve de retrouver le paysage de son enfance. Il lui faudra pourtant rester dans les bidonvilles de la capitale à faire tous les métiers, soignant les voisins, héritant des enfants des autres, ne trouvant un bonheur fugace qu'à l'occasion d'une rencontre, d'une sortie à la campagne, d'un minable cadeau.
Râleuse, mal embouchée, ignorant la sentimentalité, elle est dégoûtée des combats, des hommes et même de Dieu après être devenue médium dans une secte spiritiste. Pourtant elle continue à rendre coup pour coup, avec la rude morale d'un animal tôt étrillé, dans un effort désespéré pour survivre physiquement sans perdre la dignité.
Fresque hallucinante de la culture de misère qui reste le lot des Indiens et des métis mexicains, ce livre relève autant des picaresques espagnols que du roman-vérité tel que l'a pratiqué l'anthropologue américain Oscar Lewis.


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