Les populations des îles ne sont jamais nées sur place, elles sont venues d’ailleurs. L’immensité Pacifique rend l’origine asiatique probable. De là, deux hypothèses : l’une directement depuis l’Asie du sud-est, l’autre indirectement via le sud de l’Amérique. Thor Heyerdhal a tenté de montrer que la seconde est possible, mais la première est attestée par diverses disciplines scientifiques. L’archéologie, la linguistique et la biologie s’accordent pour dire que les Polynésiens sont venus d’Asie par le sud-est. L’origine commune a été identifiée : il s’agit de Taiwan.
Pour les archéologues, la poterie Lapita, découverte dans un village de Nouvelle-Guinée en 1909, est un marqueur de la colonisation des populations Pacifique sur les derniers 5000 ans. Les populations Lapita sont probablement les premiers colonisateurs de la Polynésie, de la Mélanésie et de la Micronésie. Mais des fouilles archéologiques dans l’archipel de Nouvelle-Irlande, Nouvelle-Bretagne et des Bismarck ont montré que des chasseurs-cueilleurs ont occupé ces îles de l’ouest bien avant, depuis au moins 30 000 ans.
Il y a donc eu deux vagues migratoires, la première facile d’île en île depuis le contient sud-asiatique ; la seconde, plus difficile au vu de l’immensité océane, bien plus tard, une fois acquises les techniques de navigation nécessaires.
L’agriculture a été l’une des clés de cette seconde colonisation Lapita. L’exploitation intelligente et durable des ressources limitées des îles a permis à la population de se multiplier. Il n’existe aucune trace d’occupation Lapita antérieure à 5000 ans dans les archipels des Vanuatu, de Nouvelle-Calédonie et des Fidji. La poterie est associée aux langues austronésiennes. Les habitants précédents parlaient des langues papoues. Les Lapita ont rapidement eu du succès puisqu’ils ont envahi les Bismarck jusqu’à la Polynésie occidentale en moins de trois siècles. Leur expansion s’est faite par colonies qui essaimaient depuis des réservoirs de populations toujours en relation avec les colonies-filles.
Chasse et cueillette, faciles dans les îles de l’ouest, l’étaient beaucoup moins à mesure que les populations migraient vers l’est car la faune et la flore sont de moins en moins abondantes. Mais les récifs et les lagons étaient riches en mollusques, poissons et cétacés. Les Lapita sont donc devenus pêcheurs, ce qui est attesté par l’archéologie : coquillages, arêtes de poissons, os de tortues et de cétacés, hameçons et plombs à filets témoignent de l’importance prise par les techniques de pêche. Mais les villages étaient trop gros pour ne subsister que de prédation : élevage et cultures étaient inévitables. Au moins 24 espèces de plantes différentes ont été découvertes lors de fouille sur les sites. Arbres fruitiers (amande, noix de coco, châtaigne tahitienne, pomme Vi) et taro sont attestés. Les villages du bord de mer et ceux de l’intérieur se sont différenciés, les premiers vivant surtout de pêche, les seconds d’agriculture.
Des échanges existaient entre les îles. L’obsidienne, la céramique, les objets de pierre façonnés, les pierres à four et les colliers de coquillages sont des marqueurs d’échanges qui en témoignent dans les fouilles. L’obsidienne servant à fabriquer des outils (l’équivalent du silex taillé) provenait de l’île de Lou dans les Manus et de Talasea sur la côte nord-ouest de l’île de Nouvelle-Bretagne. La poterie provient de 12 sources d’argile différentes. La culture Lapita disparaît vers 500 avant pour se fondre dans la culture ambiante sans que les groupes biologiques disparaissent.Deux études dans la revue anglaise Science (2009 n°323) montrent que les îles du Pacifique ont toutes été colonisées depuis Taiwan. La première fois il y a 40 000 ans par des chasseurs-cueilleurs, grâce à un niveau de la mer plus bas qu’aujourd’hui. La seconde fois plus récemment par les Austronésiens agriculteurs Lapita il y a environ 5000 ans. Les biologistes ont étudié une bactérie présente dans l’estomac. Heliobacter pulori suit ses hôtes humains pendant leurs migrations. A chaque installation sur une île nouvelle, les bactéries, isolées, voient se modifier leur génome. Il suffit de remonter l’évolution pour retrouver la souche originelle… située à Taiwan.
Les linguistes ont étudié les quelques 1200 langues du Pacifique. Ile en ont tiré une généalogie en étudiant les variations des mots. L’ancêtre de toutes les langues austronésiennes vient lui aussi… de Taiwan. Les Austronésiens seraient restés un ou deux millénaires sur la grande île de Taiwan avant de franchir le bras de mer qui les séparait des Philippines, peut-être grâce à l’invention technique de la pirogue à balancier. Ils se sont étendus par la suite vers le sud, en Indonésie et Malaisie, puis à l’ouest vers Madagascar et à l’est vers la Nouvelle-guinée et la Mélanésie. Arrivés vers 800 avant dans les îles Tonga et Samoa, ils sont restés un autre millénaire car les autres îles du Pacifique sont très éloignées les unes des autres.
Il leur a fallu maîtriser la navigation au long cours pour découvrir la Polynésie française, Hawaï et l’île de Pâques. C’était donc vers l’an 01 de notre ère…