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"Nouvelles luttes en vue? Les clercs et employés de notaire défilaient le 19 mars"

Publié le 22 mars 2009 par Lalouve
"Nouvelles luttes en vue? Les clercs et employés de notaire défilaient le 19 mars"
dimanche 22 mars 2009 (16h16)

"Les premières sections syndicales CGT créées dans le notariat avec l’appui de la Fédération des sociétés d’études et de certaines unions locales ont défilé partout dans le pays le 19 mars 2009.

Une grande première.

Un fait plus qu’encourageant et significatif de ce qui est en train de se lever dans le pays depuis le 29 janvier 2009.

On ne se rend pas compte, quand on ne connaît pas ce milieu professionnel bien particulier, (milieu qui compte environ 50.000 salariés qui se partagent entre études "mastodontes" de 50 ou 100 salariés, et "petites études" de 5 à 10 personnes), de l’avancée que cela constitue en soi, en termes de prise de conscience des salariés, en terme de luttes syndicales.

En effet, le notariat est traditionnellement un secteur hermétique au syndicalisme et aux luttes syndicales.

A cela, de nombreuses raisons.

La première, c’est que c’est un milieu où les employeurs ne sont pas des sociétés anonymes, ce ne sont pas des "super cadres", des "PDG" salariés, mais non-possédants.

Non, ce sont encore directement les "détenteurs du capital", les propriétaires des moyens de production, qui sont "sur place" (comme dans de nombreuses PME d’ailleurs).

D’une certaine manière, ce sont les héritiers directs du patronat du 19ème siècle.

Celui qui habitait le château en face de "son" usine, et qui croisait, de loin, "ses" employés à la messe ou sur la place le dimanche matin.

Les affrontements de classe, les "conflits sociaux", sont donc extrêmement douloureux et violents pour les travailleurs qui s’y essaient.

Ce n’est pas évident du tout de se mobiliser et de s’opposer, il faut un sacré courage. Cela coûte "cher" au sens strict du terme.

Inconcevable, par exemple, de tenir des "AG" dans une étude notariale, encore de nos jours.

Les salariés ne viennent pas - soit ils ont peur, soit ils estiment que "la lutte des classes, ce n’est pas chez eux", et qu’il ne faut pas "ennuyer leurs patrons", si cordiaux, si bien-élevés avec eux. La notion de "collectivité des travailleurs" n’a pas cours. La plupart des rapports sont encore régis par des "entretiens individuels".

Pour la même raison, jusqu’à récemment, la politique du patronat des notaires était très paternaliste. Et cela "fonctionnait" plutôt bien (pour les employeurs).

Entre des salaires très corrects, un régime spécial avantageux, et des rapports empreints de cette fausse sympathie qui permet d’éviter l’affrontement collectif, les employeurs s’en sortaient bien.

En conséquence de quoi, de très nombreux salariés ont, pendant des décennies, accepté sans broncher l’idéologie patronale comme étant aussi la leur, et ont souvent fait corps avec les intérêts de classe de leurs patrons.

Mais le renouvellement des générations est arrivé, dans cette profession comme ailleurs, et de "jeunes loups aux dents longues", fraichement émoulus d’universités américaines ou de grandes écoles françaises, taillés sur le modèle sarkozyste (si leurs parents étaient plutôt "RPR ancienne mouture", l’idole absolue de nombreux jeunes notaires est la direction de l’UMP, dont l’actuel Président de la république), ont fait irruption dans le monde feutré et conservateur du notariat.

Les employés sont devenus de simples "salariés", taillables et corvéables à merci, avec lesquels les patrons "new look" n’ont plus de rapports "humains", et qu’ils traitent volontiers comme des "Kleenex" (usagés, jetés, remplacés).

Pour ces nouveaux capitalistes, tout coûte trop cher dès qu’il s’agit des droits et protections des salariés. Ils sont adeptes d’une idéologie clairement "libérale", et ont acheté leurs parts (par cooptation souvent, puisque ce sont eux-mêmes des enfants et petits- enfants de notaires) à des prix exorbitants, du fait des excellents résultats de la plupart des études notariales ces 15 dernières années.

Il leur faut donc se payer sur "la bête". Sans pitié.

Non pas qu’ils soient en situation délicate (ce sont souvent des "héritiers" du notariat), mais il s’agit bien pour eux de maintenir, voire d’augmenter, le taux de profit auquel ils ont acheté leurs parts - les salariés sont donc, comme toujours, la variable d’ajustement idéale, bien que la convention collective nationale du notariat proscrive théoriquement les licenciements dans l’année du changement d’associé.

Mais qui se soucie de la loi quand personne ne se charge de la faire respecter?

Et peu importe que l’on soit officier public, dépositaire des Sceaux de la République, ou pas. Le patron du notariat se standardise et ressemble de plus en plus à celui d’un supermarché ou d’une société d’informatique.

"La crise" est donc arrivée comme une aubaine pour ces nouveaux associés - sauf qu’en réalité, fort peu de licenciements économiques au sens strict ont été réalisés à ce jour. Et pour cause !

Ajoutez à cela que le faible nombre d’études notariales et de notaires en France, (ainsi que des organisations patronales très développées, très soudées), fait de ce petit milieu un monde où tout le monde patronal ou presque se connaît, et qu’un salarié qui se rebelle sera probablement "marqué" pour la suite de sa carrière (en tout cas c’est la mythologie à laquelle de nombreux salariés du notariat croient encore, non sans certaines raisons d’ailleurs).

Peu de prudhommes et beaucoup de transactions dans ce milieu, qui préfère, en dernier recours, lorsqu’il est vraiment acculé, payer plutôt que de se voir infliger la mauvaise publicité d’un procès public qu’il risquerait de perdre.

Terminons sur le fait que, pour des raisons historiques, le syndicat majoritaire dans cette branche est FO, et que la CGT a tardé à y pénétrer, qu’elle a eu des difficultés à le faire...

Mais voilà.

Les temps changent...

Le notariat emploie une majorité de femmes (comme beaucoup de professions juridiques), et pas mal de jeunes. Ces jeunes ne sont pas embauchés aux mêmes conditions que leurs aînés il y a 20 ou 30 ans.

De nombreux avantages sociaux sont balayés chaque année. La caisse de retraite et de santé des employés du notariat (CRPCEN) est attaquée, dépecée, vidée de sa substance un peu plus chaque fois. Les salaires ne sont plus ce qu’ils étaient (les dernières négociations ont abouti à une augmentation de ...0 % du point indiciaire pour 2009 !).

La "réforme Darrois" (actuellement laissée en suspens) plane comme une mauvaise ombre, et, comble, les patrons ont commencé à licencier à cause de "la crise", après avoir engrangé des millions d’euros ces 5 dernières années.

Pour ces travailleurs, dont de nombreuses femmes (parfois "chef de famille" mono parentale), c’en est trop.

En plus de leur condition de femme, toujours difficile à vivre me^me en France et même au 21ème siècle, en plus des différences de salaires hommes/femmes, de leurs obligations de mères, de compagnes, elles se trouvent désormais confrontées à des patrons exploiteurs et mauvais payeurs qui ne se soucient absolument plus de leurs vies.

C’est ainsi que, pour la première fois dans l’histoire du notariat, la CGT est en train de s’implanter dans ce milieu professionnel si particulier.

C’est ainsi que les premières sections syndicales CGT ont vu le jour, parfois "clandestinement", dans le notariat depuis 2007.

C’est ainsi que de nombreux salariés du notariat ont manifesté, parfois pour la première fois de leur vie, le 19 mars 2009, en tenant drapeaux et banderoles (à Paris par exemple, la banderole portait : "Salariés du notariat menacés, en lutte pour leurs emplois et leurs retraites"), en chantant à tue-tête, et en revendiquant.

Dans toute la France.

Avec la CGT.

C’est presque le début d’une révolution.

On a ainsi pu entendre ces manifestants, principalement des femmes donc, crier en chœur : "De l’argent, il y en a, dans les caisses du notariat", "Les notaires ont des sous , on en veut plus pour nous", ou encore, "Public, privé, c’est tous ensemble, qu’on va gagner".

Pour beaucoup d’entre elles, cette première fois a eu un goût particulier.

Celui de la fraternité, de la solidarité, de la joie, de la fierté aussi, celle d’être, en quelque sorte, des "pionnières" dans une lutte difficile, inégale, mais de plus en plus nécessaire.

Elles sont rentrées chez elle le soir du 19 mars, fatiguées, fourbues, (certaines avaient eu une heure ou deux de transport avant d’arriver à la manifestation, et autant pour repartir, plus les enfants au retour), mais heureuses.

En attente de "la suite".

Bien sûr, tout ces salariés présents n’avaient pas fait grève. La plupart avaient pris des RTT ou un jour de congé.

Mais quand on interrogeait ces nouvelles militantes, beaucoup d’entre elles avaient la même réaction : elles étaient les premières étonnées d’avoir "osé" manifester pour leurs droits de salariées.

D’avoir osé la CGT aussi, syndicat qu’elles pensaient, elles le reconnaissent en riant, réservé aux ouvriers, aux "mecs", aux grosses entreprises publiques, voire, selon certain-e-s, "aux membres du PCF".

Elles découvrent qu’elles ont leur place, leur mot à dire, dans toutes ces luttes qui se construisent.

Qu’on ne les a pas regardées " de travers" dans les manifestations, au contraire. Qu’on ne les a embrigadées dans aucun parti politique, que personne ne leur a demandé pour qui elles votaient.

Elles découvrent que les secrétaires d’UL ou de Fédération en sont pas les "hommes de Cro-Magnon" que souvent, elles s’imaginaient être, mais des hommes et des femmes "normaux", qui leur ressemblent étrangement, disponibles, dévoués à la lutte des travailleurs, ouverts à de nombreux problèmes "annexes" à leurs revendications salariales, toujours prêts à discuter, de l’opportunité d’une action, de la tournure d’un tract...

Ces travailleurs pénètrent dans les UL, rencontrent des camarades d’autres professions, et découvrent que finalement, "leur monde du travail" n’est pas si différent des autres, que leurs problèmes sont similaires à d’autres.

Qu’on apprend tous ensemble à se connaître, et à construire ce syndicalisme du 21ème siècle qui fait tant défaut, et qui est encore tellement absent des PME.

Et tous ces travailleurs découvrent que la passivité et la soumission, ce ne sont pas des fatalités, mais un état d’esprit dont on peut changer, à condition toutefois de ne plus se sentir seuls, isolés.

A condition d’être aidés par une structure qui s’impose réellement face au patronat, qui a une tradition, une méthode de travail syndical qui, en dépit de certains défauts, est unique, et pour laquelle la notion de lutte des classes, même si ces travailleurs ne la nomment pas ainsi, est encore à l’ordre du jour.

Quel sentiment rassurant que de se dire "Si je me retourne, je ne suis pas seul dans mon combat, on va m’aider à me défendre, à défendre mes intérêts".

Il ne faut pas décevoir les attentes de ces nouveaux camarades.

La force de la CGT, et donc, notre force à toutes et tous, pour les luttes à venir, sera d’avoir réussi à s’ouvrir à ces nouvelles luttes, à ces milieux professionnels qui, c’est vrai, traditionnellement, n’étaient pas ceux où ce syndicat agissait.

Et même si ces salariés viennent avec leur culture, leurs "habitus" socio-professionnels, leurs rêves, ce qu’ils attendent de la CGT, c’est justement, et bien sûr, qu’elle se comporte en CGT.

Ce "sang neuf ", différent, n’est pas synonyme de "réformisme" ni de "combats mous". Au contraire.

Sinon, comme le disent eux-mêmes ces travailleurs, dont l’un d’entre eux, de la région lyonnaise, qui agit sous le pseudonyme amusant de "Buzz Le Clerc" :

"Je serais allé à FO ou à la CFDT. Mais non, bizarrement, j’ai choisi la CGT, le syndicat de mon grand père, ouvrier, alors que sociologiquement, je suis aujourd’hui à mille lieues de lui, parce que intuitivement, j’avais besoin de quelque chose de radical, de fort. La CGT, au fond, ça me "rassure", autant que ça a pu me rebuter, peut être, à un moment où je n’en avais pas encore le besoin..."

Moralité selon certains représentants syndicaux ?

"N’attendons pas le 1er mai pour nous rassembler à nouveau, n’attendons pas que les choses empirent pour passer à l’action. Continuons à construire l’unité des travailleurs sur des revendications solides, exigeantes. Continuons à nous organiser et à construire nos résistances face aux agressions du gouvernement et des patrons. Et retournons dans la rue bientôt."

C. Dangival pour Radio T. et Bellaciao



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