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Le temps de Franco, de Michel del Castillo

Publié le 22 mars 2009 par Francisrichard @francisrichard

Le temps de Franco, de Michel del Castillo Le 1er avril 1939 le général Franco proclamait la victoire des armées nationalistes sur les armées républicaines. Il y aura septante ans dans dix jours. La guerre civile d'Espagne prenait ainsi fin par la défaite des Rouges.
Au début de cette année anniversaire, il se trouve que Michel del Castillo - c'est le patronyme de sa mère -, écrivain français de sensibilité espagnole, s'est résolu à publier un récit sur Le Temps de Franco, qui correspond à une cinquantaine d'années, les premières, de son existence.

Dans la post-face de ce livre il précise qu'il s'agit d'un récit et non pas d'une oeuvre savante, parce qu'il est homme de lettres et non pas historien. Cela ne signifie pas que ce livre ne dise pas la vérité. Il correspond simplement à une approche différente, qui n'est ni supérieure ni inférieure à celle de l'historien et qui est nourrie de lectures et de souvenirs personnels. Le fait qu'il s'agisse de l'oeuvre d'un véritable écrivain en facilite la lecture, qui, en dépit du sujet, est fort agréable.

La phrase de Jorge Luis Borges, mise en exergue du livre résume d'ailleurs fort bien la démarche de l'auteur qui portait en lui depuis longtemps ce livre, qu'il nous donne maintenant à lire au moment où, comme lui, il  est parvenu à maturité sur le sujet :

"La vérité historique n'est pas ... ce qui se passe; c'est ce que nous pensons qui s'est passé"
Ce livre ne plaira ni aux adversaires de Franco ni à ses nostalgiques. La vérité est ainsi. Elle ne satisfait jamais les esprits partisans parce qu'elle ne partage pas les hommes, de manière manichéenne, entre bons et méchants et que, du coup, il ne leur est pas possible de justifier leurs partis-pris. La vérité est toujours nuances et complexités.
Quand Michel del Castillo dresse le portrait de Franco, il s'efforce d'être juste. Il ne peut pas être complaisant, mais il ne veut pas non plus tomber dans les travers des adversaires du Caudillo qui font de lui un homme médiocre, stupide, voire un dégénéré. Il montre que cet homme peu cultivé - hormis en matière militaire - ne peut pas plaire aux intellectuels, incapables de comprendre ce militaire pur jus, "chimiquement pur", expression que fait sienne l'auteur et qui est celle "d'un vieux prêtre qui avait connu Franco depuis l'enfance". 
Précisons d'emblée que Michel del Castillo ne porte pas Francisco Bahamonde Franco dans son coeur. Il est d'autant plus méritoire de sa part qu'il ait si bien compris que Franco était un guerrier courageux, aimant l'aventure, doté d'un sens extraordinaire de l'organisation, véritable meneur d'hommes, sachant imposer une discipline féroce, se montrant impitoyable et sévère, mais juste, affichant une impassabilité glaciale et ayant une redoutable intelligence politique. Il s'interroge encore sur le charisme indéniable, et inexplicable, que possédait ce petit homme "dénué de prestance, à la voix incertaine".

Au-delà du portrait du généralissime, qui n'était pas un fasciste mais un catholique de tradition, qui a bénéficié de l'aide accessoire de Hitler et de Mussolini, en se gardant bien de leur rendre la pareille, Michel del Castillo souligne plusieurs faits historiques que les adversaires de Franco passent volontiers sous silence, ou qu'ils balayent un peu rapidement d'un revers de la main en les contestant ou en les minimisant.
En bafouant continûment la Constitution les gouvernements républicains ont rendu inévitable le Soulèvement national du 18 juillet 1936. Un voile pudique est jeté sur les massacres de dizaines de milliers de personnes à Madrid, Barcelone et Valence - à la suite de rafles bien organisées - commis systématiquement, entre 1936 et 1938, par les communistes espagnols inféodés à Moscou. Les réformes engagées par les gouvernements franquistes à partir de 1965 ont fait de l'Espagne un pays moderne et permis une transition pacifique du régime dictatorial vers une monarchie constitutionnelle, dont les Espagnols ne peuvent que se féliciter.
La conclusion du livre, qui figure dans la post-face, illustre le dessein qui le sous-tend :
"On se méprise soi-même en méprisant ses adversaires. Aucun oubli ne peut se fonder sur la haine. Or l'Espagne n'a pas encore oublié, puisqu'elle n'arrive pas à pardonner - pardon ne signifiant pas ici oubli et compréhension de crimes passés, mais don d'un avenir pacifié."
Le livre s'achève sur cette phrase que devrait méditer le premier ministre espagnol José Luis Zapatero, qui joue avec le feu puisqu'il fait partie de ceux qui "dénoncent l'amnésie collective et veulent déterrer les morts" :
"Ce que les Espagnols doivent finir par accorder à leur propre histoire, c'est la lucidité et l'équanimité."
Francis Richard


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