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Kevin Ayers - Whatevershebringswesing (1972)

Publié le 24 mars 2009 par Oreilles
Ca commence comme une pluie dissonante de cordes (hmmmm !) très vite suivie d'un générique façon chasse à courre : le troisième album de Kevin Ayers, bassiste du premier Soft Machine, s'annonce sous les meilleures augures. Car cela n'est ni plus ni moins que deux des plus intéressants instruments de l'orchestre qu'il nous est donné d'entendre dans la majestueuse intro de "There Is Loving / Among Us / There Is Loving", le cor d'harmonie et le violoncelle. Curieux troubadour que ce Kevin Ayers, capable de décliner savamment une intro qui louche sur celles du Pink Floyd circa Atom Heart Mother, tout en gardant cette savante originalité qui rend ses disques, en tout cas les 4 premiers, incontournables.
Kevin Ayers avait pour compagnon de jeu Syd Barrett - un morceau, assez rare d'ailleurs, a été exhumé récemment dans la splendide anthologie Songs For Insane Times, (2008) recouvrant le meilleur notamment de Joy Of A Toy (1969), Shooting At The Moon (1970), le disque qui nous occupe, et Bananamour, (1973).
Tel un dandy, Ayers façonne un univers baroque de morceaux enchâssés avec interludes savants, qui ne négligent jamais cependant une plume très ironique façon dandy fin de siècle, ce côté empire britannique déclinant. Un peu à la manière d'un autre cador, j'ai nommé John Cale, dont il épouse le timbre et l'excentricité, Ayers est un musicien rare qui de plus, sait s'entourer : en gros, la crème des musiciens bardes folk et psychés d'alors, cela va d'un Mike Oldfield débutant à l'ancien acolyte, Robert Wyatt qui vient prêter sa voix de séraphin sur le magnifique morceau-titre.
Tout est permis dans une cuvée Kevin Ayers : de la ballade la plus inoffensive ("Margaret", "Oh My") voire convenue, aux trouvailles les plus étonnantes. Ainsi, sur "Song From The Bottom Of A Well", le blondinet invente le manifeste gothique, et son chant guttural, sur un tapis de basses martelées, saturées et de guitares brisées, fait merveille. Marylin Manson, qui n'est pas encore né, pourra aller clairement se rhabiller 20 ans plus tard !
Chez cet artiste à nul autre pareil qu'est Ayers, tout est affaire de titres à tiroirs, de chansons en forme de trappes qui se dérobent sous vos pieds ; le meilleur exemple étant l'enchevêtrement de thèmes qui loin d'être indigeste, pose de façon astucieuse et en écho, la discographie du musicien. Ainsi, comme un cheveu sur la soupe, et au beau milieu de "Lullaby" qui, comme son nom l'indique, ne cherche pas les poux, des espèces de fade in déments et dérangés viennent troubler l'ordonnancement du disque en citant la fanfare trépidante de "Joy Of A Toy Continued" de l'album (presque) éponyme. Ce qui signifie que le titre très "Belle des champs" de cet album saisit bien l'humeur insouciante et hédoniste pregnante dans le studio. L'anthologie mentionnée plus haut, Songs... , même si elle ne dispense pas de l'achat de l'oeuvre majeure de Ayers, lui rend formidablement justice, en y incluant notamment singles séminaux, avec chansons non présentes sur disques, prises rares, etc...
C'est le talent et le timbre vocal grave et pénétrant d'un artiste atypique, parfois estampillé kraut dans ses oeuvres - comme l'un de ses si emblématiques et comparables émules, le génial Julian Cope - l'une des voix les plus splendidement mâles du rock que l'un de nos confrères de la presse écrite eût pu décrire dans sa non exhaustive revue des voix du rock blanc, plutôt que celle de cette endive de Peter Doherty !
En bref : l'âge d'or, toujours, des 70's britanniques, avant le raz-de-marée du punk. Et l'un des songwriters les plus déroutants, séduisants et iconoclastes de son époque. Tout le feeling "so british" d'un maître des arrangements. Baroque entre tous !

Site off et Myspace de notre homme.

"Song From The Bottom Of A Well" :


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