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Sarkozy à Saint Quentin: "Back to the Future"

Publié le 24 mars 2009 par Juan
Mardi 24 mars, Nicolas Sarkozy a livré un discours "de campagne" à Saint Quentin, le fief de Xavier Bertrand. Pour s'expliquer auprès des siens et ne rien annoncer aux autres.
Pour l'occasion, la ville de province a été totalement bloquée et partiellement vidée dès la matinée, pour une venue présidentielle à 19h. 70 rues ont été nettoyées des véhicules garés ; le centre-ville a été fermé dès 13H; environ un millier de CRS étaient présents; les piétons devaient montrer carte d'identité et invitation (de l'Elysée) pour parvenir à la salle des sports où se tenait le meeting. Le Monarque, le teint bronzé et costume impeccable, se déplace. Il manquait les petits drapeaux agités par des main d'enfants sur le chemin du cortège élyséen.
Pas de nouvelles annonces pour calmer l'impatience
Nicolas Sarkozy a donc tenu son meeting de campagne. Il en a profité pour ... ne rien annoncer, à  l'exception de la nomination prochaine de "commissaires à la réindustrialisation" pour accompagner les restructurations industrielles, et une promesse de mesures d’aides aux jeunes le 15 avril prochain. Pour le reste, nous avons dû écouter 67 minutes de pédagogie "sarkozyenne": un coup sur les patrons-voyous, un autre contre les grévistes, un troisième en faveur de ses réformes, un dernier couplet sur l'insécurité, une valeur sûre en période de campagne (mais sommes-nous en campagne ?).
1. Sarkozy donne une leçon de morale. Dès son introduction, le voici qui déclame  : "Ce soir, je veux rappeler des repères, des valeurs". "Dans une crise de cette nature, face aux risques qu'elle recèle, on ne peut pas se contenter d'être responsable que de son parti, de son entreprise ou de son syndicat. Dans une crise aussi profonde, aussi grave, chacun d'entre nous, quelle que soit la place qu'il occupe dans la société, a une responsabilité morale (...). "Chacun d'entre nous doit s'interroger sur les conséquences de ce qu'il dit et de ce qu'il fait. Chacun d'entre nous doit se demander tout le temps si ce qu'il décide est juste car la crise, avec les sacrifices qu'elle impose, rend l'injustice encore plus insupportable"... Après le Mexique ou l'affaire Pérol, suit-il ses propres conseils ? Pour le président, une chose est sûre: «Un monde nouveau sortira de la crise. Car on sortira de la crise». Avec lui ?
2. Sarkozy reste flou sur ces (déjà) vieilles promesses : "Je veux que la France garde des usines (...). On ne peut plus continuer à taxer la production comme on le fait aujourd'hui". "Je suis opposé à une énième réforme de la taxe professionnelle" (...) "je propose de supprimer la taxe professionnelle qui n'existe nulle part ailleurs".
3. Sarkozy défend ses (déjà) vieilles mesures, comme le sauvetage des banques (avait-il le choix ?), son plan de relance de 26 milliards 4 milliards d'euros(«Il fallait agir. Nous avons agi, c'était mon devoir»), et ses récentes mesures sociales du 18 février dernier («Pour la première fois dans l'histoire de la République, on va faire un geste pour les ménages des classes moyennes»).
4. Sarkozy tape sur la rémunération des patrons: "Il ne doit plus y avoir de parachutes dorés. Il ne doit plus y avoir de bonus, de distribution d'actions gratuites ou de stock-options dans une entreprise qui reçoit une aide de l'Etat, qui met en oeuvre un plan social d'ampleur ou qui recourt massivement au chômage partiel" (...) "Percevoir une grosse rémunération en cas d'échec, ce n'est pas responsable, ce n'est pas honnête", "qu'un dirigeant qui a mis son entreprise en difficulté puisse partir avec un parachute doré ce n'est pas responsable, ce n'est pas honnête". Pourquoi donc l'Etat ne s'est-il pas assuré de contreparties avant d'octroyer ses aides ? Sarkozy a également annoncé attendre l'automne pour éventuellement légiférer sur la partage des profits dans les entreprises. Vous avez bien lu : attendre l'automne...
"J'ai un devoir, c'est de défendre les valeurs qui m'ont fait devenir président de la République", "mais si vous voulez que ces valeurs soient acceptées par 65 millions de Français, il ne faut pas que l'on gagne à tous les coups: si mon entreprise se porte bien, j'ai une grosse rémunération, mais si mon entreprise se porte mal j'ai aussi une grosse rémunération", "j'y suis opposé"

Sarkozy parlait à ses électeurs
En fait, le président ne cherchait ni à rassurer, ni à rassembler les Français. Il parlait à son camp, ses électeurs. Même Europe1 était au courant avant le discours du soir.
5. Sarkozy ne veut pas encore céder: «Le monde entier nous regarde et nous devons regarder le monde. Jusqu'à présent, nous n'avons pas commis d'erreurs.» ou encore : «la sagesse, le bon sens, le sang-froid commandent d'attendre que tout ce qui a été décidé soit mis en œuvre, qu'on laisse le temps à toutes ces mesures de produire leurs effets». Pas touche au bouclier fiscal, ni aux heures supplémentaires défiscalisées (malgré une pétition), ni aux suppressions de postes de fonctionnaires ("Je ne reviendrai pas sur mon engagement de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite"), ni à l'absence de soutien complémentaire à une demande qui s'affaisse. Le jour même de son discours, l'INSEE annonçait que la consommation des ménages avait baissé de 2% en février. Sarkozy a également fustigé les 35 heures (pourtant utilisées par nombre d'entreprises comme un amortisseur des baisses d'activité), et les prélèvements obligatoires: "Je ne suis pas le président de la République qui augmentera les impôts"car "On ne réduit pas les injustices en augmentant les impôts" (...)"Le bouclier fiscal c'est la garantie que les investisseurs qui investissent en France ne soient pas pénalisés fiscalement".
6. Sarkozy tape sur les grévistes : en période de crise profonde, on attendait un Churchill rassembleur, un discours de solidarité nationale. Que nenni ! "J'ai le devoir d'entendre ceux qui manifestent. Mais, j'ai aussi la responsabilité d'écouter ceux qui ne défilent pas". Il répète: "Je veux tenir compte de la souffrance de ceux qui n'ont pas les moyens de se faire entendre".
7. Sarkozy tape sur les "bandes" et les "voyous": reprenant son annonce d'il y a 8 jours (qui fit flop dans la presse, occultée par la journée du 29 mars le lendemain), le président français a promis une nouvelle loi "contre les bandes" dès le mois d'avril : «Désormais, la seule appartenance à une bande pourra être sanctionnée pénalement d'une peine pouvant aller jusqu'à trois ans de prison et l'intrusion dans un établissement scolaire sera considéré comme un délit sanctionné par le code pénal» ou encore: "La liberté c'est de pouvoir prendre le métro sans avoir peur des voyous".
8. Mais finalement, Sarkozy n'exclut pas un prochain plan de relance. Pour couper court aux critiques contre l'insuffisance de son plan de relance, le chef de l'Etat a ouvert "une voie de passage". Il faut préparer son électorat à l'échec : "Est-ce assez ? Si la situation devait se dégrader, nous ferions davantage" ou encore: "Avant la fin de l'été, nous réfléchirons à d'autres mesures. Mais mon devoir c'est d'être dans le bon temps". Et au risque de se répéter :  "Je proposerai aux partenaires sociaux que nous évaluions les premiers résultats, nous le ferons avant l'été".
Une conclusion ? «Si je dois m'incliner devant les immobilismes, qui va préparer l'avenir de vos enfants?»
En attendant mieux, vous pouvez toujours vous contenter des billboards publicitaires du gouvernement...

Le gouvernement fait sa pub
par politistution
Lire aussi:
  • "N'aie pas peur, j'ai vidé la ville" (Dessin d'Alex dans le Courrier Picard)
  • Le discours de Nicolas Sarkozy (Live Blogging sur 20 minutes)
(Credit photo)

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