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“Les classes moyennes ne veulent pas sauver le modèle actuel”

Publié le 25 mars 2009 par Delits

charpentier2 Xavier Charpentier et Véronique Langlois ont fondé Free Thinking au sein du groupePublicis. Free Thinking est unlaboratoire atypique qui décrypte en profondeur le comportement des Français en s’appuyant sur les nouvelles opportunités du web. Dans leur denier ouvrage, fruit decette méthodologie qui a vu 600 internautes converser sur des blogs fermés, les deux auteurs dressent un portrait saisissant d’une classe moyenne au bord de la rupture.

Délits d’Opinion : Dans votre ouvrage, vous décrivez la crise profondeque traverse la classe moyenne. Mais peut-on dire que les classes moyennes soient une catégorie homogène ?

Xavier Charpentier : Il existe effectivement de fortes disparités en termes de niveaux d’études,des clivages parfois violents entre les salariés du secteur public et ceux du privé. Mais cette classe moyenne converge sur trois points cruciaux à ses yeux : le fait de payer des impôts, le sentiment de n’être pas suffisamment payé pour bien vivre, et de trop gagner pour être aidé, et enfin une croyanceprofonde dans la valeur travail. Or aujourd’hui sur chacun de ces points, ils ont l’impression que le système leur est défavorable, ce qui crée un profond sentiment de perte de repères et surtout d’injustice.

Délits d’Opinion : Comment s’exprime ce sentiment d’injustice ?

Xavier Charpentier : Tout d’abord cette catégorie est profondément méfiante et a développé une mentalité d’assiégés. Ils ont la dent dure contre les élites, ayant souvent l’impression que les choses se font à leurs dépens. Ils avaient crû dans la valeur travail,se considèrent comme les bons élèves de la République, mais aujourd’hui les bons élèves découvrent que les derniers de classe, les chômeurs, les rmistes, qui sont jugés assez durement, ne vivent pas forcément plus mal qu’eux. Alors le sentiment de révolte gronde.

Délits d’Opinion : Cette classe moyenne apporte-t-elle son soutien aux manifestations de ces derniers jours ?

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Xavier Charpentier : Ces manifestations expriment par procuration la colère de la classe moyenne. D’ailleurs, ce n’est pas tant une colère à l’encontre du Gouvernement ou du bouclier fiscal - même si ce dernier peut être par ailleurs critiqué -, qu’une révolte plus globale contre un système qui perdure depuis une dizaine d’année et qui joue contre eux. Ce système, c’est celui de la « modération salariale », qu’ils lient clairement à l’instauration de l’Euro qu’ils n’ont jamais vraimentvoulu. Dans un premier temps, cette classe moyenne a accepté de se serrer la ceinture, pensant à des lendemains meilleurs. Mais le temps a passé et dans leur quotidien, les Français sont obligés d’opérer toujours plus de concessions. Suppression des restaurants, réduction des sorties en famille, annulation ou redimensionnement des vacances. Aujourd’hui, ils n’acceptent plus de vivre moins. C’est pourquoi secrée un nouveau rapport de force vis-à-vis des chefs d’entreprises, des politiques. On rentre dans des relations beaucoup plus conflictuelles.

Délits d’Opinion : Vous intitulez d’ailleurs un chapitre de votre livre « Les uns contre les autres ». Court-on un risque d’affrontement ?

Xavier Charpentier : Il est inquiétant en effet de constater qu’il n’existe plus du tout de continuum dans la société entre les différentes catégories. Les classes moyennes se sentent instrumentalisées par les catégories au-dessus d’eux et par les élites, et exploitées par les catégories plus populaires.

Délits d’Opinion : Et pourtant, malgré ce portrait très sombre, les Français croient encore que des changements sont possibles…

Xavier Charpentier : Le changement est de toute façon vital à leurs yeux. Les classes moyennes pensent quelesystème a atteint lebout de sa logique. Dans cette perspective, ils ne souhaitent pas forcément plus de solidarité pour sauver le système existant, mais voient au contraire la crise comme l’opportunité d’instaurer des règlesnouvelles qui leur soient moins défavorables.

“Les nerfs solides, Paroles à vif de la France moyenne”, Par Xavier Charpentier et Véronique Langlois, Nouveaux débats publics

Propos receuillis  par Matthieu Chaigne


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