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Césarine Lampion, un mystère à couettes

Publié le 26 mars 2009 par Theclelescinqt

Césarine Lampion, un mystère à couettes

Je suis une bonne femme à histoires, vous vous en doutiez. J'ai mauvais caractère (mais je réponds aux commentaires, ça rime). Alors en ces temps incertains d'humeur délétère, je ne vais pas faire mentir les fâcheux : c'est plaisant de gribouiller des histoires kitch pour petits matins trash.

Voici ma dernière née, Césarine. Histoire pour grands ou pour petits? Elle va bien grandir, cette Césarine, mais pour l'instant elle est toute toute petite. Et elle a besoin de sécurité.

Césarine Lampion, un mystère à couettes

La maison de Césarine était en plein dans un virage. Pourtant il ne lui était jamais rien arrivé. Maman, qui ne disait jamais trop rien, veillait au grain. Elle sortait, fichu sur la tête, et montrait à Césarine comment on traversait la route : "Tu regardes à droite, puis à gauche. Tu traverses sans traîner." Elle regardait une dernière fois à droite et à gauche, pour la route. Puis Césarine traversait, sous le regard vigilant de la mère.

Césarine connaissait bien le village, et tout le monde la connaissait. Elle connaissait le cafetier, la cafetière, tous les grands enfants de ceux-ci, même Lydie la blonde, une jeune fille qui un jour s'était déchaussée devant le parapet du pont qui enjambait la rivière passant en plein village, et avait marché dessus de bout en bout, comme une funambule. Elle n'était pas tombée, la bécasse. Il y avait aussi le petit voisin, Charles-Antoine, qui ne lui parlait pas beaucoup, rapport aux revenus de ses parents très différents de ceux des siens, selon toute apparence. Un jour, le lourdaud s'était penché au-dessus de la grande fontaine, et était tombé dans l'eau glacée. On l'avait repêché "in extremis" avait étrangement énoncé le papi de Césarine. En tout cas, il était repêché, quoi. Il fallait encore compter avec.

Un peu plus loin Césarine allait rendre visite à monsieur et madame Sacrebois, lui grand, souriant et décharné, elle, toute petite, souriante et bancale. ils étaient très gentils. Il paraissait que lui avait été un fiancé de la mamie de Césarine dans leur jeune temps. Incroyable.

Les grands-parents de Césarine vivaient aussi tout prêt.  Leur bicoque était assez cocasse pour que Césarine y passât tout son temps libre, sans compter le riz-au-lait de mamie, évidemment. On y trouvait des chats à tous les étages, qui venaient faire leurs petits dans les lattes défoncées des vieux parquets, une cheminée toute noire qui servait à griller les châtaignes et à réchauffer les occupants, des piles de magazines du temps où les femmes portaient des robes en forme de corolle de fleur et du rouge à lèvre vermillon sur un éternel sourire.

Papi et mamie étaient aussi très à cheval sur la bonne conduite des petites filles. Il ne s'agissait pas que leur Césarinette parlât à un inconnu, ou pire, le suive aveuglément, sous quelque motif que ce soit. Pour faire entrer ceci dans sa petite caboche, ils ne reculaient devant rien. Pas tous les jours, mais quand même, Césarine avait droit à une comédie de papi. Il mettait son béret et prenait sa canne, et mimait l'"inconnu en train de marcher d'un air dégagé dans Sainte-Fourtemille." Césarine se mettait à rire comme une bécassine à chaque fois, ce à quoi papi rétorquait : "Bonjour ma petite fille! J'ai perdu mon petit bébé chien, peux-tu m'aider à le trouver?"

"Bien sûr! s'était-elle exclamé les première fois, sous le regard scandalisé de mamie; "Mais il faut être polie avec les gens!"

"Non! Non! Non!" avait tonné papi; "Monsieur Sacrebois d'accord, et encore tu viens me prévenir"; ajouta-t-il en regardant mamie; "mais sinon rien du tout. Tu ne dis rien et tu t'en vas chez nous ou chez toi, point!"

Papi était bien gentil, mais il n'expliquait pas pourquoi; quant à la pauvre mamie, elle était adorable mais quarante ans de ménage et de lessives sans avoir ouvert  un livre depuis le certificat d'études la lésaient en vocabulaire.

Maman avait essayé de s'y mettre, malgré sa tendance générale à se faire un monde pour pas grand chose (un peu comme ses parents, mais en plus démonstratif.) Quant à papa, il aimait le foot.

"Il y a des gens malades dans leur tête dans la rue! articulait-elle; il y a des gens qui aiment bien capturer les enfants pour les mettre dans des caves et les voir perdre leurs couleurs!

- Mais pourquoi font-ils ça?

- Parce qu'ils sont malades dans leur tête!"

Et point.

Et quand Césarine et maman croisaient dans la rue une personne bizarre qui déambulait en se tapant la poitrine en bavant, mais sans faire de mal à personne, maman déclarait simplement :

" Une personne malade dans sa tête."

Césarine examinait à la dérobée cet être captureur de couleurs. Mais il n'avait pas du tout l'air d'être intéressé par les caves.

Rarement Césarine désobéissait. Depuis précisément le temps où elle n'avait pas bien écouté mamie, et était partie en catimini au bord de la rivière située à deux pas de la maison, Césarine faisait bien attention à tout ce qu'on lui disait. La rivière était bien large à cet endroit et léchait les jardins privés des voisins. Bien verte, au débit abondant, l'eau était néanmoins très claire à certains endroits. On y voyait les cailloux au travers. Césarine s'était penchée, s'était penchée, s'était penchée et...plouf, elle avait soudain vu de près les cailloux puis le ciel . Alors haute comme trois pommes et un beignet, elle avait réussi à s'extirper de là, et avait regagné dégoulinante d'eau la cuisine noircie de mamie. Celle-ci n'avait rien dit, et l'avait changée. Elle n'avait même pas été punie. Mais Césarine avait compris quelque chose d'essentiel : il se pouvait que, par extraordinaire, certains adultes de sa connaissance ait des lumières particulières sur ce qui composait sa petite existence, et il valait mieux les écouter, sinon les conséquences pouvaient être fâcheuses.

Mamie n'était pas avare de conseils, au contraire de maman qui s'occupait surtout du virage devant la maison. Mamie avait des idées sur la manière de manger (jamais de grosses bouchées, et jamais allongée!), la manière d'aller à l'école (marcher toujours à gauche, et faire attention aux voitures!), la façon de se méfier des bicyclettes (tu ne les entends pas arriver, et voilà qu'elles te fauchent!) Papi s'occupait de la convenable manière de fuir les inconnus, en tout cas de ne jamais les suivre, mais également de bien faire ses devoirs (car sinon tu finiras balayeuse!) Seul papa aimait le foot, et presque rien que le foot.

Il passait des après-midi entiers une bière à la main, tout seul avec ses hurlements après son équipe préférée. Une fois par an, peut-être deux, il emmenait Césarine l'accompagner dans son unique seconde passion, le vélo. Césarine devait mettre alors des chaussures appropriées, bien que lors de leur première petite balade (avec une si petite fille papa n'allait pas faire des kilomètres) ce dernier ait mis un assez long moment avant de se rendre compte que Césarinette avait gardé ses sandalettes.

"On part faire du vélo bien chaussée, les pneus gonflés et avec un casque"; avait affirmé papa une seule fois."Et on tend la main à gauche si on veut tourner à gauche, à droite si on veut tourner à droite, pour que les voitures le sachent. Et on roule bien à droite"

Car si maman ne parlait pas beaucoup, papa était également avare de paroles. Une fois suffisait, selon lui. Quand par exemple Césarine ne reconnaissait pas un vieil oncle qui était venu un jour chez ses parents alors qu'elle avait deux ans, papa était tout surpris.

"Mais si voyons tu le connais!"

Eh bien pour les règles du vélo c'était pareil.


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