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Tous les matins du monde

Publié le 27 mars 2009 par Corcky


Tu permets?

Je jubile.
J'exulte.
Je me sens gaillarde.

Ne me demande pas pourquoi: je n'en sais fichtre rien.
Je travaille avec des cons, j'ai des micro-nodules thyroïdiens, mon stress quotidien me colle des aigreurs d'estomac qui feraient passer le Destop pour un sirop apaisant, je suis pétrie de défauts plus impardonnables les uns que les autres, et je ne sais toujours pas conduire.

Et pourtant, je me sens étrangement bien, ce matin.

J'ai ouvert un oeil encore tout collé, mes paupières ont toujours du mal à s’extraire de leur long baiser nocturne.
Là, ça scintillait, ça picotait, c’était tout blanc, c’était chantilly sur lit de grisaille…c’était la lumière voilée d’une aube de printemps, pourri, le printemps, mais printemps tout de même.

Une couette toute chouette avait posé  ses longues ailes blanches sur moi, elle m’enveloppait amicalement, et je t'avoue que je n'avais pas envie de me lever.
Au lieu de ça, je me suis perdue un peu dans le blanc du plafond, en me disant que c’était l’Antarctique, j'ai écouté le vent et taillé une bavette avec les manchots.
J'ai même pris le temps de m'étirer. J’aime bien faire le chat, le matin: la félinité matinale est le luxe des lèves-tard.

J'ai regardé à côté de moi.
C’était tout blanc, tout chaud, tout doux, une dune de sable faite chair.
Ça montait et ça descendait, au rythme d’une respiration. Régulière, la respiration, un souffle de métronome, un ressac serein mais vigoureux, plus atlantique que méditerranéen...

Je me suis shootée un grand coup à son parfum, ça sentait la menthe fraîche. Le lait chaud, avec une pointe de cannelle. L’herbe fraîchement coupée. Le sel du vent marin de sa foutue Normandie natale.

L’ennui, avec ce genre de drogue, c’est qu’elle est à effet immédiat.
A peine a-t-on eu le temps d’intégrer ce flux de senteurs, de le métaboliser avec le cœur, que c’est le corps qui les assimile, d’un coup d’un seul…grande giclée de bonheur charnel…tous les sens dessus dessous, quoi.
Et simultanément, l'esprit qui démarre.

Et je me suis dit, ami lecteur...
Je me suis dit...

(Oui? Quoi? Accouche, au lieu de digresser bêtement...)

Je me suis dit "putain de vie", ami lecteur, putain de vie, quand même, qui te pousse dans les bras de la seule femme avec laquelle tu feras, sans doute, le chemin cahin-caha jusqu'à la sortie de scène, putain de vie qui te colle dans les pattes ton enfant tout gluant au sortir de toi-même, qui te vrille les entrailles de bonheurs insupportables tellement ils te retournent la cervelle, qui te colle devant les mirettes les neiges du Kilimanjaro et les chutes d'Iguaçu...
Qui te permet de boire une bière bien fraîche à la terrasse d’un café, au printemps, quand l’air de Paris embaume autant le jasmin et le tilleul que le gasoil, et que tu entends le patron tirer des pressions à la chaîne pendant que les habitués font reluire le zinc avec leurs coudes...
Qui te fait respirer les cheveux de ton môme, sentir le shampoing, le lait chaud, le parfum de square, les genoux couronnés, les bonbons trop sucrés, la magie d’un dessin animé regardé clandestinement à six heures du matin...
Qui parfois te voit te réveiller avec le chant des oiseaux, dans une maison à la campagne, avec cette bonne odeur de poussière et de vieille pierre, sous un vrai édredon en plumes...
Qui met sur ta route un vieux copain à
serrer  dans tes bras, après l’avoir perdu de vue pendant des années…myopie du cœur…rechausser ses lunettes affectives et voir, enfin.

Putain de vie, malgré tout.
Merci la vie.

Allez debout, bordel! C'est l'heure.


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