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Ce puissant évangile est le prélude de la passion. Des païens veulent voir Jésus : sa mission qui, au-delà d'Israël, englobe toutes les « nations », ne s'achève que dans la mort : c'est uniquement de la croix (comme le dit la fin de l'évangile) qu'il attirera à lui tous les hommes. C'est pourquoi le grain de blé doit mourir, sinon il ne porte pas de fruit abondant ; Jésus le dit pour lui-même, mais aussi avec une grande insistance pour tous ceux qui veulent le « servir » et le suivre.
Et devant une telle mort (chargé du péché du monde), il est troublé : l'angoisse du mont des Oliviers lui fait demander s'il ne pourrait pas prier le Père de l'épargner ; il sait pourtant que toute l'incarnation n'avait de sens que s'il souffre « l'heure », boit la coupe ; dès lors il dit : « Père, glorifie ton nom ». La voix du Père confirme que tout le plan du salut jusqu'à la croix et à la résurrection est une unique « glorification » de l'amour divin miséricordieux qui a remporté la victoire sur le mal (le « prince de ce monde »).
Chaque parole de cet évangile est si indissolublement entrelacée avec toutes les autres qu'y devient visible toute l'œuvre de salut de Dieu en face de la croix qui s'approche.
Dans l'évangile, Jean adoucit les accents de souffrance ; pour lui tout, même le plus obscur, est déjà la manifestation de la gloire d'amour. L'épître aux Hébreux, dans la deuxième lecture, fait entendre des accents stridents de la passion : « une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications », c'est ce qu'apporte celui qui s'enfonce dans la nuit de la passion, devant Dieu « qui pouvait le sauver de la mort ».
Si obéissant que l'on puisse être, dans l'obscurité de la souffrance, tout homme, même le Christ, doit toujours réapprendre l'obéissance. Tout homme qui souffre physiquement et moralement l'a éprouvé : ce qu'on estime posséder habituellement doit devenir actuel, en étant réappris depuis le début.
Jésus crie vers son Père et le texte dit que le Père l'a « exaucé ». Assurément, mais pas maintenant, seulement à sa résurrection de la mort et des enfers. C'est seulement quand le Fils a « tout accompli » que la lumière de l'amour déjà cachée en toute souffrance peut briller ouvertement. Et c'est seulement quand tout a été souffert jusqu'à l'ultime et au plus bas, qu'on peut considérer fondée cette Nouvelle Alliance dont parle la première lecture.
Une « nouvelle alliance » est conclue par Dieu, après que celle d'abord conclue a été « rompue ». Il était difficile, peut-être à peine possible, de lui rester fidèle, tant que la souveraineté de Dieu était avant tout une souveraineté de puissance - il avait conduit le peuple hors d'Égypte en le « prenant par la main » - et que les hommes ne possédaient aucune vue intérieure dans l'essence de l'amour de Dieu. Pour eux, l'amour demandé était un peu comme un commandement, une loi, et l'homme a toujours envie de transgresser les lois, pour montrer qu'il est plus puissant qu'elles.
Mais si la loi de l'amour est maintenant enfoncée dans leur cœur et s'ils apprennent à comprendre de l'intérieur que Dieu est amour, puisqu'il a aimé les hommes jusqu'à porter leur faute sur la croix, alors l'alliance est devenue tout autre en étant intérieure ; chacun comprend maintenant du dedans, nul n'a plus besoin de l'apprendre de l'autre, comme on apprend quelque chose à des écoliers.
« Ils me connaîtront tous, des plus petits jusqu’au plus grands. »