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Starbucks : les paradoxes d’une love marque

Publié le 27 mars 2009 par Anthony Hamelle

La question du ROI des opérations de community management, crowd sourcing et autres plateformes participatives devient l’un des sujets à la mode du moment.

Rien d’étonnant à cela, surtout dans le contexte actuel : s’interroger, au-delà de l’enthousiasme initial, sur l’efficacité de ce type de démarche est devenu capital.

Lorsque l’on s’interroge sur ce point, on retrouve souvent les mêmes exemples d’entreprise s ayant pris le « taureau par les cornes » et décidé d’investir massivement dans ces logiques de crowd-sourcing. Les commentateurs sont toujours laudateurs. 

L’un des plus fameux cas d’école, aux côtés de DELL évidemment, est Starbucks et sa plateforme de dialogue Mystarbucksidea. 

MyStarbucks_540x412

Numeric-ecosystem expliquait il y a quelques temps : « Un tel dispositif est un atout en termes de marque, de buzz voire de ce que certains nomment déjà la ‘transparence radicale‘ à savoir que les firmes se sentent de plus en plus en mesure - et en complément de leur démarche d’évaluation qualité traditionnelle - de passer leur offres de services et/ou de produits sur le grill des remarques et idées de leurs clients… ».

Pour bien comprendre la logique, voir notamment cette intéressante présentation/animation flash qui explique le fonctionnement de la plateforme.

Une fois admis cela, quels sont les résultats ?

SocialNT en fait une présentation complète et donne quelques chiffres : « Since it’s launch in March of 2008, Starbucks has had these results:

  • 3 million unique visitors
  • 60,000 ideas submitted
  • 100,000s of comments
  • 460,000 votes
  • 2,500 moderator comments »

OK, soit. Bilan intéressant que beaucoup de plateformes doivent envier :-)

Mais surtout, un bilan que j’aimerai relier à un article vu cette semaine sur Slate.fr intitulé

« L’avenir soluble de Stabuck ». : « Starbucks traverse une vraie période de tourmente. La société a fermé des cafés à tour de bras et licencié plusieurs milliers d'employés. La fréquentation des Starbucks est en baisse. Le chiffre d'affaire individuel des points de vente a chuté de 3 % en 2008. Auparavant, bien sûr, Starbucks avait misé sur l'expansion. L'entreprise est allée beaucoup trop loin, jusqu'à «diluer l'expérience Starbucks», pour reprendre la formule de son propre PDG, et s'aliéner des clients. Aujourd'hui, la récession a brutalement propulsé Starbucks dans une crise existentielle, dont l'entreprise elle-même est en grande partie responsable. ».

Les commentaires de l’article s’interrogeaient d’ailleurs sur la pertinence de l’offre Starbucks dans un pays comme la France…

Starbucks-closed

Quel étonnant contraste ! D’un côté, la vie online, avec une communauté de clients structurée et animée autour de la marque, et de l’autre, le « réel » avec des difficultés économiques voir une crise profonde du modèle, malgré son statut de "love marque".

Il y a deux manières de voir les choses :

  • on peut se dire que sans cette approche communautaire et collaborative, peut être que l’entreprise se porterait encore plus mal.
  • autre analyse : la réussite et la réalité économiques d’une entreprise, restent finalement dé-corrélées de son existence online, surtout dans des périodes de crises économiques aussi violentes.

La réponse se situe (peut-être) entre les deux. Aussi séduisants soient-ils (en terme d’image), ces dispositifs ne peuvent dissimuler des failles dans l’offre elle-même : ici, la question du prix du café proposé par Starbucks, supérieur à la concurrence, est essentielle.

Mais une autre hypothèse vient à l’esprit. En effet, ce type de dispositif fonctionne grâce à une double dynamique :

-   la capacité d’engagement de clients « fans » qui ont un rapport à la marque privilégié et qui sont volontaires pour s’impliquer et collaborer.

-   la capacité à s’approprier et utiliser des outils (publication de contenu, votes, …) qui restent encore relativement confidentiele par rapport aux usages de la majorité des internautes.   

Loin de moi l’idée de remettre en cause l’idée et l’importance d’être à l’écoute et d’engager la conversation avec ses clients. Sur ce point, je suis complètement en accord avec David Cooke qui expliquait récemment : “Sometimes the value we think we are providing is different than what the customer actually values.  Not only is it important to communicate our value, it is essential that we understand that value from the customer’s perspective.  That is why it is so critical in these highly challenged times to know what your customers value in your business relationship with them.  This is the time to connect and learn by getting in front of your customers and listen to what they are saying.”.

Néanmoins, on peut se demander si la présence d'une communauté aussi forte et structurée, avec ses codes et ses usages ne coupe pas la marque d’autres sphères de clients moins addicts. Le risque est en effet qu’une communauté, qui par définition fonctionne de façon autonome, centrée sur elle-même, soit plus un repoussoir pour ceux qui n’y appartiennent pas. La difficulté est ensuite d’ouvrir cette communauté à de « nouveaux entrants ».

Il est d’ailleurs intéressant de voir la présence imposante de la marque sur Facebook :

-   un groupe des Addicted to Starbucks, géré par des salariés, qui compte plus de 126 000 membres (auxquels s’ajoutent plusieurs groupes locaux très actifs).

-   une page comptant 1,2 millions de fans…et qui permet de recueillir les avis des membres sur les nouveaux produits. Des avis quasiment tous ultra-positifs évidemment…

-   Des tas applications pour envoyer des café à ses amis…

-   Etc etc

Le risque est donc d’être dans un entre-soi qui exclurait les non addicts qui ne serait pas forcément attiré par cette logique communautaire mais qui, pourtant, pourrait être séduits par le produit en lui-même.

L’enjeu est donc à la fois de maintenir un lien fort avec les gens les plus proches, et de créer un lien, même faible, avec des communautés périphériques qu'il est dangereux de s'aliéner. Un peu comme en politique en fait : l'enjeu n'est pas de séduire les militants, qui de toute façon sont acquis à la cause, mais tout le reste de la population. 

Alors certains rétorqueront avec raison que DELL a communiqué sur tout le bénéfice concret que lui a apporté l’ensemble des initiatives 2.0 menées depuis 2004. Voir notamment le billet de Verbalkint sur le sujet : « Dell commence enfin à récolter les fruits de sa politique de relation client 2.0 ». 

Certes, mais Dell a d’abord connu "l’enfer" et a dû sur battre pour convaincre. ses clients L’entreprise était en danger et sa réponse online était une question de survie, et non de communication.

Dernière petite question : quelles sont les suites données aux idées émises sur Mystarbucksidea ?

“Of course it isn’t clear yet how much the ideas discussed about the Vivanno will be implemented by Starbucks in store. But it will be interesting to watch how all these discussions about the new ‘healthier’ product launches translate into changes to the actual product. Given the level of engagement and involvement that Starbucks have built, it would be a shame if these ideas weren’t used.” commentait Freshnetworks.

On peut en effet s’attendre à ce que la marque communique sur les projets issus de la plateforme, à moins que cela soit déjà le cas… Si certains ont des infos…


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