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L’évolution de l’OTAN : variation des visages d’une institution dans l’orbite des Etats-Unis

Publié le 28 mars 2009 par Theatrum Belli @TheatrumBelli

A la veille du sommet du 60ème anniversaire de l'Alliance atlantique, il n'est sans doute pas inutile de regarder les différents visages pris dans le temps, depuis sa naissance, par l'OTAN, outil politico-militaire dont le logiciel est élaboré à WASHINGTON et qui ne cesse de participer à la stratégie d'influence des Etats-Unis qui l'utilisent et continueront demain à l'utiliser en fonction de leurs intérêts.

On peut sans doute dans cet esprit reconnaître trois visages successifs à cette institution centrale des relations internationales contemporaines, la dernière facette de l'OTAN se mettant en place sous nos yeux.


I. La "1ère OTAN", outil politico-militaire permettant aux Etats-Unis,  super puissance, de placer sous leur contrôle la sécurité de l'Europe de l'Ouest (1949-50 à 1989-91).

● l'OTAN "initiale" ou "originelle" se met en place au lendemain de la seconde guerre mondiale. Elle a été voulue, originellement, par les Européens de l'Ouest pour bénéficier du "parapluie" militaire américain face au danger soviétique (I.1).

● L'OTAN, ainsi créée, va donner aux Etats-Unis, désormais superpuissance, l'outil militaro-politique leur permettant de placer, pour l'essentiel, la sécurité de cette Europe de l'Ouest sous leur leadership, sinon sous leur contrôle (I.2).

I.1. La création de l'OTAN : ou la volonté des Européens de l'Ouest, face au danger soviétique, de bénéficier du "parapluie" militaire américain (1949 - 1950).

On se souvient du contexte de l'après seconde guerre mondiale : la France, qui entend alors se prémunir contre un nouveau séisme sur le sol du vieux continent provoqué par l'Allemagne, tente d'organiser la sécurité de l'Europe en s'alliant à la Grande-Bretagne : c'est l'objet du Traité de Dunkerque du 4 mars 1947.

Mais, dès juillet 1947, ce n'est plus tant outre-Rhin que paraissent se dessiner les préoccupations pour demain que plus à l'Est. En effet, l'URSS et les démocraties populaires refusent -comme le font les pays de l'Europe occidentale - de bénéficier du vaste programme de relèvement économique financé par les Etats-Unis (plan MARSHALL) et de participer à l'organisme créé pour gérer cette aide : l'Organisation Européenne de Coopération Economique (OCDE).

Le "coup d'Etat communiste de Prague", le 25 février 1948, avive les inquiétudes des puissances de l'Europe occidentale - elles ont cherché à y répondre dans le cadre du Traité de Bruxelles du 17 mars 1948 (France, Belgique, Royaume-Uni, Pays-Bas, Luxembourg).

Mais il est clair que ces différents pactes européens ne suffisent pasà empêcher un sentiment d'insécurité parmi les Etats de l'Ouest européen et on craint "la ruée des chars soviétiques vers l'Atlantique à travers des pays à demi-ruinés et totalement désarmés" (1). En effet, la politique expansionniste de l'Union Soviétique s'accuse à cette époque : qu'on se souvienne du blocus de Berlin, décrété par Moscou, à partir du 24 juin 1948 ; qu'on pense à la "soviétisation" des pays de l'Est, à l'attitude agressive du mouvement communiste international (affaire DUCLOS, guerre civile en Grèce, ...), à la création du Kominform, etc.

Aussi bien, face à ce danger soviétique croissant, les politiques et les militaires de la vieille Europe "libre" appellent de leurs vœux l'implication des Etats-Unis dans la défense de l'Europe de l'Ouest, le seul appui extérieur crédible étant bien alors celui de l'oncle Sam. Cette implication militaire, les Européens vont l'obtenir dans le cadre du Traité de l'Atlantique Nord, signé le 4 avril 1949 à Washington, par 12 nations : les cinq membres de l'organisation de Bruxelles, les Etats-Unis et le Canada, plus le Danemark, la Norvège, l'Islande, le Portugal et l'Italie. Le rôle du Pacte Atlantique est clairement défini dans l'article 5 : il s'agit avant tout d'apporter une garantie d'assistance en cas d'agression contre l'un des membres. Pour ce qui regarde l'organisation de ce Pacte Atlantique et pour l'application, en particulier, de cet article 5, le Traité du 4 avril 1949 prévoyait (article 9) d'établir un "Conseil Atlantique" qui constituera les "organismes subsidiaires" qui pourraient être nécessaires et notamment un "comité de défense". La "guerre froide" s'aggravant, la menace soviétique s'intensifiant dès l'année suivante (la guerre de Corée commence le 25 juin 1950), les membres de l'Alliance Atlantique mirent sur pied effectivement :

- d'une part, une "Organisation de Traité de l'Atlantique Nord", l'OTAN, dirigée par un "secrétaire général", supervisé par un "conseil permanent" où tous les pays membres sont représentés et disposent d'un important appareil administratif :

- d'autre part, un appareil militaire conséquent.

Il est clair que le système ainsi créé "Alliance-OTAN", qui a une vocation purement défensive -pour garantir l'intégrité de l'Europe occidentale face à la menace de l'URSS-, est un système qui est dans le "giron des Etats-Unis" (ce sont les américains qui sont au cœur de ce système qu'ils dirigent, inspirent, animent : sièges, commandements, moyens,...), au point qu'on a pu parler, dès l'origine, à juste titre, d'un "dispositif politico-militaire atlantique américain".

I.2. Le développement de l'OTAN : ou la sécurité et la défense de l'Europe de l'Ouest sous le contrôle et le leadership de la superpuissance américaine (des années 50 aux années 80).

Les Etats-Unis acquièrent -après la seconde guerre mondiale- le statut de superpuissance, dans tous les domaines : économique, financier, ... militaire. Il est certain -pour en rester à ce dernier volet- que le système défensif de l'Europe occidentale qui se met en place dans les années 50 ne vaut que grâce aux "poids" militaire apporté par les américains ; par la permanence de leur présence en Europe et le caractère automatique de leur engagement en cas de conflit ; leur appareil thermonucléaire (et sa prédominance va assurer tout un temps le véritable "ciment" de la coalition militaire occidentale) étant déterminant pour contrebalancer et équilibrer la puissance de l'URSS sur le continent européen.

Mais il est certain aussi que les pays de la vieille Europe occidentale, se plaçant ainsi, pour leur défense, à cette époque, sous la protection des américains qui s'implantent au cœur de leur territoire et de leurs ensembles de sécurité, la défense de l'Ouest européen ne va cesser, dans ces décennies d'après-guerre, d'apparaître et d'être un ensemble de sécurité européen aux mains et dans les mains des Etats-Unis, avec alignement, pour l'essentiel des pays européens sur les choix américains.

C'est particulièrement vrai dans les années 50 où l'influence des Etats-Unis sur l'Alliance Atlantique et l'OTAN - et donc sur la sécurité européenne - atteint son apogée, en liaison avec le monopole nucléaire américain de l'après seconde guerre mondiale et l'énorme supériorité de l'oncle Sam en matière d'armes stratégiques. En décembre 1954, le Conseil Atlantique adopte officiellement la "stratégie des représailles massives immédiates" qui vise à compenser la supériorité conventionnelle soviétique par la supériorité nucléaire américaine et à dissuader, donc, les Russes de se lancer dans des entreprises guerrières sur le sol du Vieux continent. Il y a donc bien, dans cet "âge d'or" des représailles massives, un fort "lien", un fort "couplage", entre le théâtre européen et le système central américain qui permet aux pays européens de compter vraiment pour leur défense sur le "parapluie" nucléaire des Etats-Unis dans le cadre de l'Alliance Atlantique.

A partir des années 60, en liaison avec la fin de la supériorité nucléaire américaine, va apparaître, pour les européens, le "spectre" d'un certain "découplage". L'URSS se dote, en effet, de la bombe atomique et de fusées balistiques intercontinentales (1949-1953). Aussi bien, à mesure que se fait plus forte la crainte de destructions irréparables, les Etats-Unis vont avoir tendance à diminuer leur garantie nucléaire envers leurs partenaires européens. On va passer ainsi de la stratégie des "représailles massives anticipés" à la "stratégie flexible ou graduée" qui signifie que l'oncle Sam n'entendait plus répondre, dès cette époque, automatiquement, pas son armement stratégique central, à une agression de l'URSS sur le centre Europe.

II. La "2ème OTAN", outil politico militaire à la disposition des Etats-Unis,  hyperpuissance, pour conforter si besoin est leur hégémonie sur le petit village planétaire (décennies 1990-2000).

On sait les énormes bouleversements géo-stratégiques des années 1989-1991 : chute du mur de Berlin et réunification allemande, effondrement de l'URSS, dissolution du Pacte de Varsovie.

L'Alliance Atlantique et l'OTAN -nées de la guerre froide et dont l'objectif premier était de contenir les soviétiques- n'avaient plus de raison d'être. Et pourtant, l'Alliance Atlantique et l'OTAN - devenues, au sens propre, sans objet puisque créées pour faire face à l'ennemi soviétique - vont non seulement survivre, mais elles vont trouver - sous l'impulsion des Etats-Unis - un nouveau souffle et un nouveau visage dans la décennie 1990 - la "Nouvelle OTAN"- permettant aux américains de renouveler leur domination militaire sur le nouvel "ordre" mondial.

A dire le vrai, de nombreux facteurs militaient pour la continuation d'une alliance renouvelée. Il y avait, en particulier et surtout, la "demande de sécurité" des nouveaux pays de l'Est, après la dislocation de l'URSS et du Pacte de Varsovie. Mais de nombreux pays de l'Europe de l'ouest restaient aussi preneurs du "parapluie" américain qui leur évitait d'avoir à mettre en place leur propre politique de défense. Et, au-delà de l'Europe, les américains - désormais seule superpuissance : "l'hyper-puissance" selon l'expression juste d'Hubert VEDRINE - avaient besoin d'un instrument militaire complémentaire à leurs propres forces pour stabiliser le "petit village" planétaire. A l'heure de la mondialisation libérale sous domination économique, financière, ...américaine, les Etats-Unis vont donc s'attacher à "globaliser" l'OTAN initiale euro-atlantique pour se donner un outil militaire mondial en adéquation avec leur prééminence mondiale : c'est la "deuxième" naissance de l'OTAN, "une nouvelle OTAN", globale, mondialisée.

On ne va pas rappeler longuement la "transformation" de l'OTAN initiale opérée, sous l'influence et l'orientation des Etats-Unis, depuis le début de la décennie 1990 jusqu'à nos années 2007-2008 ( à travers les différentes réunions et sommets : de Londres en 1990 à Bucarest en 2008). Ce qui est sûr, c'est que le centre de gravité de la "nouvelle" OTAN est bien toujours l'Europe, la "nouvelle" Europe après guerre froide (II.1.) ; mais la "nouvelle OTAN se veut désormais, au-delà, l'OTAN tous azimuts, se reconnaissant en responsabilité de tous les problèmes de sécurité de l'ensemble du monde (II.2).

II. 1. La "nouvelle" OTAN et la "nouvelle" Europe

♦ L'OTAN transformée n'oublie pas, d'abord, ses racines initiales, à savoir qu'elle a été à l'origine un système voué à assurer la sécurité et la défense des pays de l'Europe de l'ouest.

Les Etats-Unis devront - dans la décennie 90 - s'attacher à lui garder cette mission en veillant à une meilleure association des alliés traditionnels de l'Europe de l'Ouest à l'Alliance Atlantique. Dans cette perspective, les américains ont été amenés à reconnaître (dès 1991, puis en janvier 1994) le bien-fondé d'une - vocabulaire désormais officiel de l'Alliance - "Identité Européenne de Sécurité et de Défense" (IESD) au sein de l'Alliance Atlantique, la légitimité d'un "pilier européen de l'OTAN", en l'occurrence l'Union de l'Europe Occidentale, avec affirmation de la coopération étroite et croissante entre l'OTAN-l'UEO posées comme structures complémentaires et non antagonistes. Par ailleurs, l'Oncle Sam a accepté d'identifier au sein de l'OTAN des éléments militaires spécifiquement européens avec les "Groupes des Forces Interarmées Multinationaux" (GFIM) : accord de Berlin en 1996. Enfin, les Etats-Unis ont, dans ces années 90, affiché leur volonté d'une rénovation des structures militaires intégrées de l'OTAN, avec la réforme des grands commandements, donnant plus de place aux "Européens".

♦ Mais aussi, simultanément à cette volonté des Etats-Unis d'une Alliance plus équilibrée, d'une OTAN "Européanisée", les Américains vont s'attacher à prendre en compte les problèmes de sécurité des nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale et les problèmes de l'ex-URSS.

C'est ainsi qu'au sommet de Rome (1991) est créé un Conseil de Coopération de l'Atlantique Nord (COCONA), ouvert aux pays de l'ex-Pacte de Varsovie. Au sommet de Bruxelles, en janvier 1994, on donne une nouvelle dimension à la coopération avec ces pays avec le "Partenariat pour la paix" (PpP). A la fin de 1994

- session ministérielle du conseil atlantique du 1er décembre 1994-, l'administration américaine cède à l'insistance de ces PECO et met en route pour eux un processus d'adhésion à l'OTAN qui va véritablement s'engager en 1997 (Hongrie, ...). Concernant plus particulièrement la Russie, les Etats-Unis se sont attachés à lever une partie des préventions russes en définissant une relation de coopération et de partenariat matérialisée par "l'acte fondateur OTAN-Russie", signé à Paris, le 27 mai 1997. Par ailleurs, une "charte sur le partenariat spécifique entre l'OTAN et l'Ukraine" a été ratifiée en juillet 1997, lors du Sommet des Chefs d'Etat et de gouvernement à Madrid.

II. 2. La "nouvelle" OTAN et la sécurité du Monde

Les Etats-Unis vont, dans le même temps - très au-delà du "serment" de sécurité collective, contracté à Washington en avril 1949, très au-delà du champ géographique et du domaine de compétences traditionnel de la "1ère" OTAN - faire de la "2ème" OTAN un grand "machin" sécuritaire qui a vocation à aller partout et à s'occuper de tout.

La nouvelle  OTAN a vocation à aller partout ?

Les Etats-Unis -après les bouleversements de 89-91- se sont efforcés de faire admettre que les interventions de l'OTAN peuvent déborder de l'espace géographique stricto sensu, c'est-à-dire des frontières des membres de l'Alliance. Et, en particulier, les USA ont souhaité faire accepter l'idée, la réalité, que l'OTAN puisse agir en dehors de la zone euro-atlantique lorsque le maintien de la sécurité et de la paix est en jeu, avec une version extensive du concept stratégique puisque, pour Madeleine ALBRIGHT, l'OTAN doit devenir "une force de paix du Moyen-Orient jusqu'à l'Afrique centrale". Et c'est bien hors de la zone de l'article 6 que l'OTAN va mener ses premières opérations militaires, en 1993. Depuis, l'OTAN s'est autorisée à intervenir ouvertement hors de la zone euro-atlantique et s'est imposée, dans la réalité, comme organisation compétente sur tous les continents et d'utilisation planétaire. L'Alliance... contre l'URSS est devenue une "Alliance ... contre X.".

Mais elle est censée aussi, désormais, dans le même temps, faire face à "tout ce qui n'a pas de nom" (selon l'heureuse expression de Lucien POIRIER), ce qui traduit une extension du champ "fonctionnel" de l'OTAN.

La nouvelle  OTAN a vocation à s'occuper de tout ?

Bien sûr, on assure que la mission première et essentielle de l'OTAN est et reste -article 5 du Traité initial- la défense collective des Etats membres contre toute mesure extérieure grâce à une alliance militaire qui s'appuie sur la dissuasion nucléaire.

Mais - ajoute-t-on - les conditions de l'après-guerre froide des années 90 obligent à élargir le champ des missions de l'Alliance pour la transformer en instrument de gestion des crises et de maintien de la paix (nouvelles missions dites "missions hors article 5" encore appelées techniquement "le domaine du non 5"), en instrument de gestion des menaces dites "nouvelles" (expression "fourre-tout" recouvrant des domaines aussi divers que le terrorisme, la prolifération des armes à haute technologie, la criminalité, les trafics de stupéfiants et le blanchiment d'argent sale, voire la protection de l'environnement).

III. La "3ème OTAN", outil politico-militaire mieux partagé par les Etats-Unis, grande puissance, pour les aider, à maintenir au mieux leur leardership mondial (année 2000 et au-delà).

On sait que dans nos années 2000 les Etats-Unis sont confrontés à une phrase de déclin relatif de leur hyperpuissance. Les signes de ce recul ne manquent pas, notamment sur le plan géo-stratégique et militaire o ù les Américains se révèlent désormais dans l'incapacité de "stabiliser" et de "régenter" le monde à leur guise: échec dans la lutte contre le terrorisme (BEN LADEN défie toujours les Etats-Unis); échec dans la lutte contre la prolifération ; échec dans les guerres technologiques avec l'enlisement en IRAK et en AFGHANISTAN.

On a eu en particulier -on ne l'ignore pas- une contestation des orientations voulues par les Etats-Unis pour la "nouvelle OTAN". La France notamment n'a cessé -tout en acceptant voire en appuyant la "transformation"- de mettre en garde ces dernières années contre ce qui apparaît à ses yeux comme une dérive de l'OTAN, à savoir son élargissement "tous azimuts" qui lui fait faire concurrence à l'ONU (2). On l'a bien vu au Sommet de RIGA les 28 et 29 novembre 2006. Et plus encore au Sommet de BUCAREST - 2 au 4 avril 2008- où la France et l'Allemagne ont réussi à freiner les souhaits américains d'adhésion rapide à l'OTAN de la GEORGIE et de l'UKRAINE (3).

Il est sûr que le nouveau Président Barack OBAMA arrive aux responsabilités outre-Atlantique à un moment o ù les Etats-Unis n'ont plus la "flamboyance" des années 1990-2000, la crise 2007-2008 couronnant en quelque sorte cette remise en question de l'hégémonie des Etats-Unis puisqu'elle est bien à lire en effet comme crise exceptionnelle du capitalisme financier mondialisé sous domination américaine.

Barack OBAMA entend enrayer ce recul dans le cadre d'un "nouveau départ", d'une "nouvelle aube". Il s'agit pour lui en effet de reconstruire et de relever les Etats-Unis. La priorité des priorités, c'est bien sûr dans cet esprit le redressement économique interne, avec l'énorme plan de relance qui a pour objectif de redonner force et capacité aux Etats-Unis et permettre au mieux de faire encore du "XXIème siècle un siècle américain". Au vrai, le siècle d'une Amérique qui ne sera plus - on le devine - l'hyperpuissance unilatérale et à la domination sans partage de hier, mais qui restera un acteur essentiel, central sinon unique de la scène internationale dans le monde "multi-polycentrique" de demain ; mais une Amérique qu'on veut néanmoins retrouver aux avant postes comme grande puissance ayant la vocation messianique - comme toujours depuis la naissance de la République américaine - à être "leader" et à conduire le Monde.

Le nouveau Président n'a de cesse en effet dans ses allocutions de viser pour les Etats-Unis, demain, un "nouveau leadership" pour ce XXIème siècle qui sera le siècle de "la puissance relative" (P. HASSNER) avec ses pôles multiples en équilibre instable. Un nouveau leadership "éclairé" avec une diplomatie "intelligente" (Z. BRZEZINSKI), fondée sur plus de concertation, de dialogue, d'ouverture.

C'est le sens de la nouvelle politique extérieure américaine qui se dessine, avec ses efforts pour conforter les rapports privilégiés et essentiels des Etats-Unis avec l'Asie et la Chine en particulier, nouveau "cœur" dynamique du Monde (la première visite à l'étranger d'Hillary CLINTON a été en effet pour l'Asie), dégager l'Amérique des fardeaux de l'ère BUSH (c'est vrai pour l'IRAK notamment).

C'est dans le même esprit que le nouveau Président charismatique des Etats-Unis est en train de chercher un compromis avec ses "alliés" voire les "adversaires" de l'Amérique -un compromis qu'il faut appeler pour serrer les choses au plus près : "un multilatéralisme de compromis"- pour faire évoluer l'OTAN, adapter l'OTAN, -une "3ème OTAN", une "autre OTAN" qui sera toujours au mieux dans l'orbite des Etats-Unis, qui servira toujours au mieux les intérêts de sécurité d'une Amérique qui n'est plus et n'a plus la capacité à être "l'Amérique monde" des années 1990-2000.

Le dernier visage, à ce jour, de l'OTAN à la recherche d'une nouvelle existence, c'est bien, pour demain, une "3ème OTAN", une "autre OTAN", une OTAN amaigrie, resserrée (simplification et réduction des Etats-majors, -), celle qu'on esquissera à plein au sommet du 60ème anniversaire (nouveau concept stratégique, transformation, refonte du système de génération de forces, ...) et qui seraà l'avenir tout à la fois recentrée et concentrée sur ses champs et missions initiales et essentiels du XXème siècle (III. 1.) et du XXIème siècle (III. 2.).

III. 1. Une "autre OTAN" recentrée demain sur son champ et sa mission initiale du XXème siècle : la sécurité euro-atlantique.

Le sentiment est bien en effet, que sous l'impulsion des Américains désormais à l'écoute de leurs alliés et qui veulent sceller une pleine réconciliation avec l'Europe, l'OTAN de demain, "l'autre OTAN" va revenir davantage à son approche stratégique originelle, celle d'une alliance politico-militaire centrée sur la sécurité de la zone euro-atlantique avec la mission clef - article 5 du traité initial - d'assurer la défense collective des Etats membres contre toute menace extérieure.

Il est clair, dans cette perspective, que l'OTAN, à l'avenir - sous la prépondérance confirmée des Etat-Unis qui vont maintenir leurs effectifs en Europe à leur niveau actuel (42.000 soldats)- sera bien toujours le cadre fondamental de la défense collective des pays du vieux continent, avec le nucléaire si l'essentiel - la survie - était en cause, et "la force d'action rapide" (NRF) pour les opérations extérieures.

Mais on va donner plus de responsabilités dans l'OTAN aux Européens comme y invite d'ailleurs le grand retour officiel de la France dans la structure. Les Américains en effet - et ce sera affirmé dans le projet de "Déclaration sur la sécurité de l'Alliance" qui sera adopté au Sommet de Strasbourg Kehl les 3-4 avril - vont s'attacher à faire évoluer les relations OTAN-UE vers "un véritable partenariat stratégique", en assurant que les "rôles joués par l'OTAN et l'UE dans le maintien de la sécurité au niveau européen et international sont complémentaires et se renforcent mutuellement". Il s'agira - c'est de longtemps la grande "affaire" d'avancer dans la création d'un vrai "pilier européen de l'Alliance", d'une "identité européenne" au sein de l'Alliance pour que les Européens apparaissent moins en composante supplétive, secondaire -, tout en assurant qu'il y a complémentarité- de cet effort avec la perspective de celles et ceux (France, ...) qui souhaitent continuer à développer une "politique de sécurité et de défense plus spécifiquement européenne", en dotant toujours plus l'Union Européenne de ses propres outils (quartier général de niveau opérationnel, ...). Dans ce contexte, on peut penser que les Britanniques seront toujours plus demain les maîtres du jeu en profitant du relâchement de l'emprise américaine pour prendre le leadership de "l'Europe de la Défense", en capitalisant sur leur position de "gardien" de la confiance transatlantique.

Mais les américains voulant apaiser les tensions d'une nouvelle guerre froide potentielle avec l'adversaire d'hier : l'URSS, "l'autre OTAN" va nouer de nouvelles relations avec la "Russie européenne" en échange peut-être de la bienveillance de Moscou vis-à-vis de Téhéran. En clair, la "3ème OTAN" ne cherchera plus comme la "nouvelle OTAN" l'élargissement vers l'Est, (adhésion mise en sourdine pour l'Ukraine et la Géorgie), de même que sera "revu" le projet d'implantation d'éléments du bouclier anti-missiles "américain ... otanien".

III. 2. Une "autre OTAN" recentrée demain sur son champ et sa mission essentiels du  XXIème siècle : l'éradication du terrorisme islamique.

  • Les Etats-Unis - on l'a vu - en position hégémonique totale dans les années 1990-2000 -souhaitaient faire de l'OTAN -la "nouvelle OTAN"- un instrument leur permettant, de façon complémentaire à leur énorme appareil militaire si besoin était, "d'assurer" l'ordre mondial de la globalisation libérale.

Ils n'en finissaient pas par la même - à chaque sommet- de proposer à leurs alliés une OTAN toujours plus élargie à toutes les menaces et à tous les problèmes de l'univers, à tous les champs géographiques de la planète.

  • Le sentiment est bien ici, aussi, que corrélativement à la "rétraction" de leur puissance et à la nécessité -on vient de le voir- de recentrer l'OTAN sur sa raison d'être initiale, à sa création : la sécurité et la défense de l'Atlantique Nord-, les Etats-Unis vont parvenir à trouver un consensus avec les autres membres pour concentrer demain simultanément la 3ème OTAN sur l'ennemi essentiel du Monde libre : le terrorisme islamique.

Le XXIème siècle a commencé en effet pour l'Amérique par le coup de tonnerre des attentats du 11 septembre 2001 en plein cœur de "l'Empire", et la naissance, avec ces attentats, de "l'hyperterrorisme". Le nouveau Président des Etats-Unis entend faire partager par l'Alliance cette nécessité de la guerre contre la terreur, avec désormais son champ prioritaire : l'Afghanistan-Pakistan. Barack OBAMA a décidé -on le sait- d'y envoyer des troupes supplémentaires et il espère persuader les alliés de venir renforcer l'effort des Américains sur ce foyer essentiel du terrorisme et du mal o ù va se jouer pour beaucoup le sort de l'OTAN.

Pierre PASCALLON

1. GALLOIS (P-M) : L'adieu aux armes, A. MICHEL - 1976 p. 55

2. Cf. P. PASCALLON : "L'OTAN, demain, sous l'impulsion des Etats-Unis, va-t-elle remplacer définitivement l'ONU ?" Revue Politique et Parlementaire - Oct.-déc. 2006.

3. Cf. H. de GROSSOUVRE : "Sommet de l'OTAN de Bucarest : Europe/Etats-Unis", Défense Nationale et Sécurité collective  - nov.2008.


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