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D'une part, d'autre part...

Publié le 28 mars 2009 par Placebo

Daniel MENDELSOHN, L'étreinte fugitive, Flammarion, Paris, 2009; traduit de l'anglais (États-Unis) par Pierre GUGLIELMINA, The Elusive Embrace, 1999, (285 pages).
Le fait commence à être connu, ce « nouveau » livre de Daniel MENDELSOHN, prix Médicis en 2007 pour Les Disparus (voir le commentaire dans ces pages) grand succès tant critique que populaire, a été écrit il y a une dizaine d'années, premier volet d'un triptyque dont le troisième volet est en cours de gestation. Le succès de celui-ci aurait-il rendu l'éditeur plus téméraire vis à vis de celui-là ? Les affaires sont les affaires même dans l'édition, remercions donc l'audacieux éditeur de nous offrir L'étreinte fugitive avec seulement deux lustres de retard.
Critique littéraire et écrivain et, de surcroît, amateur de langues mortes et « habitué aux tombes », MENDELSOHN construit sa réflexion autobiographique -- que certains tirent du côté de l'auto-fiction -- sur une particuliriarité du Grec classique : le men et le de, dont l'évocation m'a, moment proustien, ramené quarante ans dans mon passé et à mes jours de Méthode et de Versification, à l'extrème couchant des jours de feu le cours classique. Ces particules ne signifient rien en soi, mais structurent la phrase qui présente deux idées : « les Grecs ont chargé, les Troyens les ont repoussé », illustrant ainsi la façon de penser bipolaire des Grecs classiques.
Tout sera donc dans L'étreinte fugitive, articulé sur ce mode moins bipolaire que complémentaire : « Nous sommes toujours deux choses en même temps », que ce soit l'homme qui accepte de prendre en charge la figure de père pour l'enfant d'une amie, laquelle vit en banlieue de New York, mais continue à habiter le quartier gay de cette même ville : « quelqu'un qui désire l'amour, mais qui aime le désir ».
Particules qui, on le remarquera, sont dans son patronyme...
Fort belles pages sur la question de l'identité, des origines, judaïté, homosexualité, le même et l'autre, depuis les premiers émois d'une certitude qui ne s'avoue pas encore : l'attrait pour ces garçons blonds du Sud, à l'accent traînant. Ainsi que, tout aussi fondamentale, la découverte d'une vérité tue, une vérité à visage de Janus, de la famille de son père quand à une tante « morte avant son mariage ». Progression aussi du personnel au familial qui amènera l'auteur à voyager dans le monde et dans le temps à la recherche de cette histoire, à être « touriste dans la souffrance des autres ».
Ces pages ne constituent pas la plus audacieuse, ni même la plus profonde, réflexion sur la question gay : il n'en demeure pas moins que sa construction « à la grecque » rend avec justesse l'interrogation permanente d'un homme sur lui-même, avec une justesse telle que le lecteur est facilement amené non pas tant à s'identifier à lui -- quel miroir nous tend-il, et quelle image de nous y voit-on ? -- qu'à faire sienne cette interrogation.
Ayant fait ce périple, le lecteur pourra aller à la rencontre Des disparus; ou y revenir s'il a déjà lu ce livre si puissant.
L'auteur assistera, entre les 22 et 26 avril prochains au 11e festival international de Montréal Métropolis Bleu.
http://metropolisbleu.org/Festival/InfosPratiques

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