Peu de chances nous sont donnιes comme celle-ci, de rencontrer, mκme de loin, ces personnes qui font l’histoire, ces lιgendes vivantes ΰ qui l’on doit beaucoup de choses, ces hommes qui ont eu une vie exceptionnelle. Aujourd’hui, on parle avec Iggy Pop de son nouvel album qui porte le trθs ιmoustillant titre Prιliminaires, en compagnie d’autres confrθres. Oui, ηa s’appelle une confιrence de presse !
On est accueilli bras ouverts dans un magnifique palace de la capitale, viennoiseries et fauteuils molletonnιs en vue, et l’ιmotion est palpable. Les journalistes les plus expιrimentιs sont tremblants de curiositι et de stress, Gilles Verlant le premier. C’est en effet ce spιcialiste de rock bruxellois qui modθre ou traduit les questions adressιes ΰ monsieur Iggy, qui arrive tel qu’on l’attendait, fins cheveux blonds, blouson en cuir et dιmarche dandinante. Ce qu’on attendait moins, c’est la vie dans ce visage, maintenant plus trθs jeune, labourι par des annιes d’une vie « sex & rock n’roll » oω le bleu des yeux est aussi ιtincelant que le sourire. Mais on a rarement vu une icτne aussi simple et dιtendue.
Le mot « humilitι » serait dιplacι, car ΰ aucun moment il ne fait preuve ni d’humilitι ni de prιtention. Il est seulement prιsent pour nous parler de son album, inspirι du roman de Michel Houellebecq La Possibilitι d’une Ξle, ainsi que de son actualitι. Elle consiste, entre autres, de sa prιsence dans diverses publicitιs, dont certaines ont ιtι sujettes ΰ controverse. Mais le rockeur nous avoue de sa voix rocailleuse: « J’en ai rien ΰ foutre. J’ai fait le boulot, c’ιtait cool, j’ιtais bon. Sur les quelques scιnarios qu’on m’a envoyι, j’ai rejetι ce que je n’aimais pas, mκme si j’ai voulu rester gιnιreux…Par exemple, ils voulaient que je dise « dude »… Ils pensaient que ηa faisait trθs rock ». Il est alors question de l’utilisation de l’image de l’icτne Iggy Pop dans les mιdias : « Je viens d’une petite ville dans le Midwest, oω le rκve des groupes rock ιtait d’avoir un contrat avec un major, et surtout le nom du major. Ce n’est que lorsque j’ai pu avoir l’approbation des grandes entreprises avec les Stooges que j’ai gagnι le respect. La publicitι m’apporte ηa. Et puis ηa paye mieux que les majors, et ηa permet la diffusion de ma musique… »
On en arrive alors ΰ parler du nouvel album Prιliminaires, et de sa naissance. « J’essaie de me tenir au courant de la littιrature moderne de fiction, et j’ai lu ce livre [La Possiblitι d’une Ξle, ndlr] en 2007, en traduction anglaise. J’avais lu de la poιsie par Michel Houellebecq, et j’ai pensι « ce fils de pute sait ιcrire !», je me suis beaucoup reconnu dans le livre, comme ηa arrive dans la bonne littιrature, on reconnait quelques unes de ses propres observations et expιriences, et lΰ…wow. (…) L’auteur rιussit une expιrience pertinente, sans aucun « truc » particulier. Il y a environ un an, j’ai reηu un email d’un groupe de cinιastes qui comptaient faire un documentaire sur le livre et qui voulaient que j’en fasse la musique. Ils m’ont donnι carte blanche. Je me suis dit que j’allais faire un ou deux trucs avec ma guitare acoustique dans ma cabane ou alors a capella, et puis je leur enverrais et voilΰ, mais le projet a grandi, et j’ai demandι ΰ ce que ce soit complιtι par un groupe ΰ la Louis Armstrong ».
Inιvitablement, on rapporte cet opus ΰ ceux des Stooges, surtout pour le cτtι crooner dans « Avenue B » ou « Evil California » entre autres, en se demandant si le jazz n’attendait que le bon moment pour sortir de ses compositions, ce ΰ quoi il rιplique qu’il s’agit du mκme processus crιateur.
On se tourne alors vers le cotι francophile de cet album : en plus d’avoir un titre franηais, il comporte deux titres en la langue de Moliθre, dont « Les Feuilles Mortes », que l’artiste dit avoir voulu chanter depuis plus de dix ans, et il fait la promo de l’album en chantant du Brel ΰ la tιlι. Par ailleurs, tout a contribuι ΰ en faire un album franηais : l’auteur du livre, la femme de son producteur, des souhaits personnels… mκme si la production de l’album s’est faite au compte-gouttes et en vrac, de dιpression en composition en balade ΰ la plage, car une partie de l’ιcriture de l’album s’est faite sur la cτte de Benidorm en Espagne, avec l’aide d’amis ou alors tout seul. Ne craint-il pas une levιe de boucliers des puristes punk ou des non-europιens qui ne comprendraient pas l’album ? Eh bien non, puisque le monde est francophile ! « Et puis l’album est petit, il a ιtι fait pour accompagner un documentaire d’une heure, il est accessible…Les amιricains vont probablement m’en mettre plein la gueule, eux, mais il y aura toujours des gens qui aiment. Actuellement tout s’ιcroule en morceaux, ce qui est important c’est qu’il y ait au moins une personne qui nous adopte, qui reηoive l’album et qu’il y ait une connexion. Ce n’est pas tellement la quantitι qui importe. D’ailleurs c’est ce qui est arrivι tout au long de ma vie ».
S’ensuit une longue mais prudente tirade sur les vertus de la France, mκme si Iggy « dιteste faire des compliments : les Franηais prennent soin de leur pays, il est magnifique. Mon pays a ιtι dιtruit, il ιtait trθs beau mais il y a une compulsion de la construction qui gβche tout. Ensuite la France a une trθs bonne ιducation, je trouve, (…) j’aime l’idιe qu’il y ait un Ministθre de la Culture, qu’il n’y a pas dans mon pays. Et je suis reconnaissant car j’ai toujours eu un public rιceptif ici, alors que je n’en avais pas toujours ailleurs ». Sans oublier qu’il est Officier des Arts et des Lettres !
Et ΰ propos du titre de l’album, on n’est pas les seuls ΰ se demander si les Prιliminaires vont κtre suivies d’une seconde partie. « J’espθre faire quelque chose qui dιcoule de cet album, que ce soit pour la Bulgarie, pour l’Amιrique du Sud, ou n’importe».
Il faut aussi savoir que la pochette de l’album a ιtι dessinιe par la plus franηaise des Iraniennes, Marjane Satrapi. Celle-ci ne se contente pas d’ιcrire des BD, elle rιalise en plus un film (Persepolis) et contacte Iggy Pop pour prκter sa voix ΰ l’un des personnages dans la version anglaise du dessin animι : « Cette version n’a pas ιtι beaucoup vue, puisque le film concourait pour l’oscar du meilleur film ιtranger, on a surtout diffusι la version franηaise. Je pense que Marjane Satrapi est une excellente artiste, son style me fait penser ΰ Lang, Murnau ou Edward Hopper. J’aime son point de vue ».
Il dit aimer et ιcouter ιgalement pour son plaisir personnel ces artistes tels que Louis Armstrong avec ses Hot Five ou Hot Seven, Miles Davis, ou de faηon plus ιtonnante (quoique…) des musiques du monde : des chants liturgiques syriens, byzantins, de la musique marocaine… « Quand j’ιcoute du rock, j’aime bien Link Ray, du bon rock n’roll sauvage, tout ηa…».
Pour l’occasion, et en fin de conversation, des internautes chanceux ont pu adresser leurs questions par mail ΰ l’artiste, qui portent, entre autres : sur d’autres auteurs franηais qu’il aime (Sade en l’occurrence, et ηa ne nous ιtonne que peu), la comparaison entre les punk et les jazzmen ΰ l’ιpoque (« tous les deux mal habillιs, marginaux, trθs « sex, drugs and rock n’roll » »…). On abordera aussi sa collaboration avec les ιlectros de BPA (qu’il ne renouvellera pas : « Trop de boumboumboumboum, ηa me rendait malade»), son lien avec l’Europe (« je reste disponible ! »), ses chiens, d’ιventuels concerts pour Prιliminaires (« Non ») ou la fin du punk, les bars franηais et l’administration amιricaine (« Le nouveau prιsident est peut-κtre plus sensible, certainement mieux ιduquι, il pourra peut-κtre faire de bonnes choses »).
A la question « Quelle genre de vie souhaitez-vous ? », Iggy Pop donne le mot de la fin : « Je suppose qu’on en souhaite une nouvelle. Quand on souhaite ηa, des choses arrivent. Quelque chose arrive. Je reste ouvert…Je n’ai plus grand-chose ΰ dire ΰ propos de moi-mκme ΰ prιsent, et donc j’aime bien…rιagir. Il se passe plein de grandes choses, je ne suis pas si intelligent que ηa ou si douι que ηa, il y a beaucoup de grands Hommes dans le monde. Si on s’arrange pour rιagir comme il faut, on finit par pouvoir faire toutes sortes de choses (…). Quand on est jeune, on est vraiment obsιdι par soi-mκme, et arrivι au milieu de la vie, on pense seulement : « Je vais m’accrocher ». Si on a assez de chance pour arriver ΰ la « derniθre partie » (il dit en franηais), et je suis au dιbut de celle-ci, il est plus ιconomique de rιagir. Et aussi plus intιressant, plus relaxant. C’est ce qui marche le mieux ». On s’empresse de le rassurer, on le prιfθre vivant !
Des futurs projets ? Effectivement, il prιvoit de travailler avec Marjane Satrapi ΰ nouveau cet automne, de collaborer ΰ un cycle de chansons dans le Rόhr en Allemagne, il a un projet avec Slash, avec les Ashton Brothers et des percussions africaines, et il souhaiterait ιgalement retravailler avec des chansons des Stooges, peut-κtre en tant que bande originale d’un film, qui ne sera pas le biopic dont on a pu entendre parler, car, pour le coup…il n’a pas « bien rιagi. Ils peuvent attendre que je sois mort pour faire ηa, je vais pas faire comme Ray Charles, fuck you ! ».
Iggy Pop ne nous aura encore une fois pas dιηus par sa personnalitι, ses rιponses, son esprit…on attend impatiemment de l’entendre en crooner dans Prιliminaires, ΰ paraξtre le 18 mai. Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site officiel de l’album : cliquez ici Iggy Pop : Prιliminaires – Trailer :
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